Pour contrer ses propres extrémistes, S. Milosevic avait fait arrêter le président du Parti radical serbe (ultranationaliste), qui fut un temps son allié, pour « offense à personnalité officielle ». Début 1995, il charge sa police d'une épuration chez les Serbes de la Krajina croate et, en août, il éloigne le sanguinaire chef de milice Arkan, en l'envoyant en Bosnie. Tout en recherchant la reconnaissance des Occidentaux et la levée de l'embargo, S. Milosevic n'oublie pas de museler toutes les oppositions, ultranationalistes, démocratiques ou ethniques. L'une de ses préoccupations majeures est la province du Kosovo, dans laquelle il interdit aux observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) de se rendre. Peuplée à 90 % d'Albanais, le Kosovo, province autonome à l'époque de Tito, vit une situation lourde de risques. Officiellement, la police et l'armée serbes dirigent tout. Mais les Albanais y ont créé une véritable « contre-société », avec son président (Ibrahim Rugova), ses députés, ses universités, ses écoles et ses dispensaires. Au départ adeptes de la non-violence, mais craignant d'être les prochaines victimes du « grand-serbisme », les Albanais du Kosovo s'arment discrètement.

Sur la scène internationale, S. Milosevic louvoie. Fin mars, il entre en contact avec les dirigeants bosniaques. Mais, il refuse de reconnaître la Croatie et la Bosnie. En août, il brise la tentative de R. Karadzic, quand celui-ci cherche à contrôler seul l'armée et à devenir le leader de tous les Serbes ; mais il demande en même temps au général Mladic de faire traîner le retrait des armes lourdes autour de Sarajevo, afin de tester la réaction des Occidentaux. Enfin, s'il accepte les accords de Genève et de New York sur la Bosnie, il refuse encore, début novembre, à Dayton, de transiger sur l'avenir de la Slavonie orientale (prise par l'armée serbe aux Croates en 1991-1992).

S. Milosevic, l'homme qui a déclenché les conflits yougoslaves, tout en continuant de montrer sa puissance, veut être considéré comme un homme de paix. Après avoir contrôlé 70 % de la Bosnie et 25 % de la Croatie, il choisit aujourd'hui de ne garder que la moitié de la Bosnie mais d'être reconnu internationalement comme le dirigeant de la nouvelle « grande Serbie ». Après la signature de l'accord de Dayton, l'ensemble des sanctions internationales qui frappaient la Serbie est levé, y compris l'embargo sur les armes.

Chrono. : 3/10, 21/11.

Croatie

Après avoir muselé toute opposition interne, le président croate Franjo Tudjman a su devenir l'allié privilégié des Américains, tout en mettant fin par la force au grand problème de sa République : la sécession des Serbes de Krajina et de Slavonie occidentale.

Comme leurs homologues serbes, les dirigeants croates soufflent le chaud et le froid. Après s'être réarmée, la Croatie annonce d'abord en janvier 1995 ne plus vouloir accueillir de Casques bleus. Puis, après avoir signé une alliance militaire avec la Bosnie, grâce au soutien américain, elle accepte du bout des lèvres le maintien des soldats de l'ONU sur son territoire. En mai, la Croatie lance une offensive éclair sur la Slavonie occidentale occupée par les Serbes, la reprend en deux jours et rouvre les voies de communication entre Zagreb et l'est du pays. Les Serbes de Krajina répliquent par le bombardement de Zagreb. À la fin du mois de juillet, avec l'aide de l'armée des Croates de Bosnie (HVO) et de l'armée bosniaque, l'armée croate pénètre en Bosnie, remonte vers le nord et encercle la Krajina. Attaqués par l'est, l'ouest et le nord, abandonnés par Belgrade, les combattants serbes de Krajina sont balayés. Près de 200 000 civils fuient vers la Bosnie et la Serbie. Franjo Tudjman prétend alors que les Serbes peuvent rester en Krajina, mais son armée brûle systématiquement leurs villages pour éviter qu'ils ne reviennent.

Pour fêter cette victoire, le pouvoir organise d'immenses parades militaires dans le centre de Zagreb, tout en reprenant l'offensive en Bosnie occidentale et centrale. Dans les villes qu'elle libère, l'armée interdit le retour des Musulmans et met en place une administration exclusivement croate, ce qui donne aux Bosniaques l'impression de vivre dans un protectorat croate et provoque, courant septembre, divers accrochages entre les deux armées, pourtant théoriquement alliées contre les Serbes. Ayant récupéré la quasi-intégralité de son territoire, le président Tudjman profite de cette victoire pour organiser, le 29 octobre, des élections législatives anticipées. La modification de la loi électorale réduit le nombre des sièges réservés à la minorité serbe de 13 à 3. Le parti du président Tudjman, la Communauté démocratique croate (HDZ), remporte une large victoire électorale. Le 12 novembre, enfin, un accord est signé sur la Slavonie orientale, le dernier territoire croate occupé par les Serbes : restituée à la Croatie, la région devrait être mise sous tutelle provisoire de l'ONU, qui doit organiser des élections libres et veiller au retour de tous les réfugiés expulsés.