Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

Pour Michel Giraud, l'alourdissement du coût du travail est une cause importante de l'aggravation du chômage. Dans un rapport présenté début août à Édouard Balladur, la Commission Matteoli (du nom du président du Conseil économique et social) estime, quant à elle, que le SMIC est « une barrière à l'emploi ». Parmi 40 propositions, la Commission préconise la révision de l'actuel salaire minimum (SMIC, ou salaire minimum interprofessionnel de croissance) pour en revenir au SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), strictement indexé sur les prix. Les experts dénoncent les effets pervers du SMIC entre 1970 et 1993 : il aurait renchéri le coût du travail non qualifié et donc joué contre l'emploi. Cette conclusion s'attirera les foudres syndicales. La proposition d'une diminution de la durée légale annuelle du travail (ramenée à 1 680 heures) est, en revanche, bien accueillie par les syndicats.

Inégalités

Les écarts de richesse en France sont particulièrement importants, quand on parle de patrimoine : de 1 à 8, estime l'INSEE qui, comme tous les trois ans, dresse un portrait des Français (« Données sociales »). Si leur patrimoine est en moyenne de 840 000 francs, celui des ouvriers n'est que de 350 000 francs environ, tandis que celui des professions libérales est de 3 millions de francs. Pour comparaison, l'écart des revenus entre ces deux catégories est de 1 à 3. Enfin, dans une autre étude, l'INSEE établit le salaire net moyen des salariés du secteur privé et semi-public à 9 900 francs par mois.

La loi quinquennale sur l'emploi

La loi quinquennale sur l'emploi, considérée comme le « grand œuvre » du gouvernement en matière de lutte contre le chômage, est bouclée à la mi-septembre. Il s'agit pour le gouvernement d'élaborer une « loi de société » à la durée exceptionnelle, cinq ans, qui définisse des orientations à la hauteur de la gravité de la situation de l'emploi. Présentée en Conseil des ministres le 13 septembre, elle contient 53 articles qui forment un ensemble assez disparate de mesures : réduction des charges sociales, création du chèque-service (voir encadré), ouverture de négociations sur l'annualisation et la réduction du temps de travail, ouverture des magasins le dimanche restreinte à ceux qui vendent des biens et services de loisirs ou de culture, réactivation de l'apprentissage, création du contrat d'insertion professionnelle pour les jeunes, etc. Les syndicats expriment leur scepticisme devant un projet qui sent le « déjà-vu ». Le projet est critiqué, y compris au sein de la majorité, mais il sort quasi intact de six jours de discussions à l'Assemblée. C'est au Sénat, au début de novembre, que le débat sur la réduction du temps de travail rebondit, puis s'élargit au point de faire oublier le reste de la loi sur l'emploi.

Qui a créé des emplois ?

Quelles sont les activités qui ont été créatrices d'emploi entre les recensements de 1982 et 1990 ? L'INSEE en fournit la liste dans le no 261 d'Économie et Statistique : en premier lieu, l'administration locale (+ 180 000), suivie de l'enseignement du second degré du premier cycle (+ 110 000). Viennent ensuite les restaurants et cafés (+ 103 000) et les cabinets d'études informatiques et d'organisation (+ 101 000). Enfin ont été créateurs d'emplois les super- et hypermarchés, les établissements pour personnes âgées ou handicapées, les services de nettoyage ou de gardiennage.

Le chèque-service

L'idée, exprimée dans le plan quinquennal pour l'emploi, est de favoriser les emplois de service aux particuliers, gardes d'enfants ou emplois ménagers par exemple, en évitant des démarches administratives aux particuliers. La Poste leur vendra des chèques, à la valeur équivalente au salaire d'une heure de travail et aux charges sociales correspondantes, qui serviront à rétribuer le salarié. Celui-ci ira déposer le chèque pour toucher son salaire, les charges étant directement versées à l'URSSAF.

Les 32 heures

Les 32 heures, ou la semaine des quatre jours, deviennent la nouvelle pierre philosophale, pour reprendre les termes de Nicolas Sarkozy. Si l'idée séduit suffisamment pour qu'Édouard Balladur se prononce en faveur d'une tentative « expérimentale », de nombreuses questions restent en suspens. Combien d'emplois seraient ainsi créés ? Selon les experts du Plan, une réduction de 1 % de la durée du travail pendant 5 ans, sans compensation salariale, permettrait de créer de 500 000 à 700 000 emplois. Selon l'OFCE, le passage aux 35 heures, en 5 ans, sans compensation et en faisant travailler les machines 52 heures par semaine, créerait 236 000 emplois au bout de 5 ans. Mais l'amendement présenté au Sénat au début de novembre par le RPR Gérard Larcher et l'UDF Jean-Pierre Fourcade propose un dispositif très limité, « expérimental ». Après un mois de controverses, c'est une disposition a minima qu'adoptent les parlementaires. Si une prise de conscience s'est amorcée, le vrai débat de société sur la réduction du temps de travail n'a pas eu lieu.