Journal de l'année Édition 1994

Du 01 janvier 1993 au 31 décembre 1993

Sommaire

  • Dossiers chronologie
    • Météo : l'Hiver

      Du 21 au 31 décembre, l'installation progressive de hautes pressions sur l'Europe orientale a déterminé sur l'ensemble du pays des types de temps hivernaux caractérisés par une forte nébulosité, la présence d'air froid et sec et une sécheresse marquée. Seuls le Sud-Est et la Corse ont bénéficié – consécutivement à l'advection d'air humide et instable depuis le sud-ouest de la Méditerranée – de pluies abondantes et localisées la veille et le jour de Noël : 71 mm à Alistro et 54 mm à Bastia en 24 heures le 25.

    • Météo : le Printemps

      La première décade du printemps – du 21 au 31 mars – est caractérisée par la rareté des pluies et la fraîcheur ; il est vrai que le flux de nord qui s'est installé sur le pays à partir du 23 a fait passer les températures de 3 à 5 degrés en dessous des normales dans le Nord-Est et le Centre-Est. Des pluies ont été relevées en Corse et dans le Sud-Est du 25 au 27 et sur toute la façade atlantique du 29 au 31 (29 mm à Quimper en 8 heures le 31) mais elles n'ont pas suffi à atténuer le fort déficit pluviométrique hivernal. Mars 1993 est depuis 1957 le second mois de mars le plus sec après mars 1961. Au ministère de l'Environnement, la direction de l'Eau prévoit à terme la pénurie d'eau dans le cas d'un printemps et d'un été secs.

    • Météo : l'Été

      La première décade de l'été se caractérise par des températures normales ou légèrement inférieures aux normales. Les précipitations sont orageuses sur la moitié sud du pays du 21 au 23 juin et sur la majeure partie du territoire les 29 et 30 juin ; parmi les abats pluviométriques les plus remarquables, on peut citer : 31 mm en 40 minutes à Toulouse-Francazal le 22, 40 mm en 3 heures à Clermont-Ferrand le 29 et 55 mm en 2 heures à Argentré [53] le 30... Au 30 juin, le rapport R/RU de la réserve disponible à la réserve utile est inférieur à 40 % en Alsace, Lorraine et Champagne, sur le pourtour méditerranéen et dans les Alpes centrales et méridionales.

    • Météo : l'Automne

      La première décade de l'automne (de l'équinoxe au 30 septembre) se caractérise par une grande fraîcheur, une forte nébulosité et, surtout, par des précipitations extrêmement abondantes qui, s'ajoutant à celles déjà relevées du 1er au 21, font de septembre 1993 le mois de septembre le plus pluvieux depuis 1957 ; pour l'ensemble de la France continentale, l'excédent pluviométrique a été de 234 % ! Des pluies orageuses, abondantes et très intenses, dévastatrices et parfois meurtrières se sont en effet abattues sur l'Aquitaine, le Limousin et le Centre le 21, sur les départements du Vaucluse, du Gard, de l'Ardèche, de la Lozère, des Bouches-du-Rhône, de la Drôme et de la Corse, du 22 au 24, et de nouveau sur le Vaucluse, la Drôme et le Var, du 30 septembre au 1er octobre. Les abats pluviométriques suivants mesurés en 24 heures : 302 mm à Ales, 300 mm à Villefort, 230 mm à Pertuis, 222 mm à Aix-en-Provence le 22, 406 mm au Cap Corse le 23 ou encore 142 mm à Montélimar et 118 mm à Valréas le 30 permettent de mieux comprendre la soudaineté et l'ampleur des crues des cours d'eau qui, du 22 au 24 (un an après Vaison-la-Romaine) et du 30 septembre au 1er octobre, ont dévasté plus de 11 départements du sud-est de la France.

  • Monde
    • L'ordre et le désordre du monde

      Dans un monde encore secoué par l'onde de choc que déclencha, il y a quatre ans, la chute du mur de Berlin, 1993 aura été l'année de tous les contraires.

    • La communauté : à l'anglaise ?

      L'année 1993 s'est ouverte pour la Communauté européenne sur l'entrée en vigueur, au 1er janvier, du « grand marché », c'est-à-dire la suppression des frontières entre pays membres pour la circulation des marchandises, des capitaux et des services. Ce projet, que les Douze avaient inscrit en 1986 dans l'« Acte unique », n'est pas complètement achevé puisque, en ce qui concerne la libre circulation des personnes, les accords dits de Schengen, conclus seulement entre 9 des 12 pays membres, ne sont pas entrés en vigueur en 1993. La France a d'abord estimé que les dispositions d'application étaient encore insuffisantes pour garantir une protection efficace contre la criminalité ou l'immigration clandestine. Puis elle a demandé un nouveau report, en principe jusqu'en février 1994, pour introduire dans sa Constitution les modifications nécessaires.

    • Europe de l'Ouest : rigueur et repli

      1993 restera comme une année noire pour l'ensemble des pays de l'Europe de l'Ouest. Sur le plan économique, Michel Camdessus, directeur général du FMI, évoque le « grand malade du monde », touché tardivement, mais d'autant plus durement, par la crise. Dans un tel climat de marasme, les réactions de défense ne manquent pas de s'exacerber : partout, des législations restrictives à l'immigration sont adoptées, tandis que sont remis en cause nombre d'acquis sociaux.

    • Italie : la réforme ou la désagrégation ?

      Est-elle en train de glisser de la première à la deuxième République ? S'agit-il d'une révolution douce ou plutôt d'une guerre civile froide ? La première révolution de l'histoire réalisée par les procureurs de la République n'a pas encore apporté de réponse claire aux questions que se posent ses élites, ses citoyens, ses partenaires en Europe et dans le monde. Sur les différents fronts où se joue la partie – la lutte contre la Mafia, l'opération « Mains propres » et la répression de la corruption des élus, la crise économique et la ruine des finances publiques, la réforme politique et institutionnelle qui devrait répondre à l'ensemble de ces points de crise –, l'année 1993 a marqué une série d'avancées vite suivies de reculs, ce qui n'autorise pas un diagnostic très optimiste. Dans la lutte sans merci que se livrent désormais l'État italien et la Cosa Nostra sicilienne (72 municipalités dissoutes, 22 000 personnes inculpées, 2 895 incarcérées, 2 348 milliards de lires de biens séquestrés en un an, mais aussi 20 attentats en 9 mois), l'année avait commencé avec une victoire éclatante des forces de l'ordre : l'arrestation, le 15 janvier, en plein centre de Palerme, du numéro un de l'organisation criminelle, Salvatore Riina, commanditaire de l'assassinat du juge Falcone. Puis vint, le 27 mars, l'ouverture d'une enquête du parquet de Palerme à rencontre de Giulio Andreotti, celui qui, depuis 1946, avait fait partie de presque tous les gouvernements de la République, qui en avait dirigé plusieurs aux moments les plus chauds de l'histoire de l'après-guerre et jusqu'en avril 92, date des élections qui avaient annoncé ce que tous les Italiens appellent désormais « la fin du régime ». Ce notable catholique et démocrate chrétien, dont même les adversaires les plus acharnés n'osaient mettre en doute l'intelligence politique, avait frôlé – et toujours évité de justesse – la plupart des grands scandales du pays, dont celui de la loge maçonnique P2. Cependant, seules les oppositions extrêmes et une poignée d'intellectuels avaient osé l'accuser de ce qui est devenu depuis une inculpation officielle, la plus terrible pour un homme politique : collusion avec « des associations de type mafieux ». Le procès contre Giulio Andreotti, qui devrait avoir lieu en 1994, s'annonce déjà comme un grand moment de vérité de l'histoire italienne. D'abord acculée à la défensive, la « Pieuvre » n'a cependant pas tardé à relever la tête : un attentat contre le musée des Offices, à Florence, faisait, le 27 mai, 6 morts et causait des dégâts considérables aux œuvres d'art ; puis, le 27 juillet, trois autres attentats à la voiture piégée – un à Milan et deux à Rome, près de la basilique Saint-Jean-de-Latran, qui en fut gravement endommagée – provoquèrent la mort de 5 autres personnes. Non revendiqués, ces attentats – par la terreur aveugle qui les caractérise, alliée à une volonté manifeste d'obtenir, par le choix des cibles, le plus grand retentissement possible hors du pays – ont été attribués par les analystes les plus avertis à une initiative de la Mafia, visant à prouver à l'opinion que celle-ci n'est pas encore morte et qu'elle n'a pas l'intention d'abandonner le combat. Quelques mois plus tard, les enquêteurs en ont eu les preuves.

    • Allemagne : unifiée mais désunie

      En 1993, l'Allemagne s'est trouvée plus que jamais à la croisée des chemins européens.

    • Turquie : le strabisme géopolitique

      La disparition de l'URSS a créé un vide dans lequel Ankara entend bien s'engouffrer.

    • Europe centrale

      L'année 1993 a été dominée par les élections législatives du 19 septembre, qui font suite à la motion de méfiance votée le 28 mai, à une voix de majorité, contre le gouvernement de Hanna Suchocka installé en juillet 1992 et proche de l'Union démocratique (UD). Ce gouvernement a pâti de la mauvaise situation économique du pays (stabilisation de l'inflation à moins de 40 %, mais montée du chômage qui atteint 14,6 % de la population active).

    • La Russie et ses voisins

      1993, la deuxième année de transition vers la démocratie, avait apparemment mal commencé dans l'ex-URSS. Faiblesse du pouvoir exécutif et imprécision des institutions en Russie, recul des thèses réformistes en Russie encore, et caractère indéterminé et chancelant de la Communauté des États indépendants. En une seule année pourtant, en dépit de crises successives, ces débuts peu prometteurs ont été pour l'essentiel transformés en une série de petites victoires.

    • Maghreb

      L'Union du Maghreb arabe ne se porte pas bien aux yeux de membres aussi importants que l'Algérie. La présidence en a échu à la Tunisie en 1993 ; celle-ci a tenté de donner une nouvelle impulsion en proposant des mesures propres à faire appliquer les conventions signées depuis 1989 et restées sans effet pour la plupart. Dès le début de l'année, les ministres des Affaires étrangères ont pris la décision de marquer une « pause » dans la construction de l'UMA pour clarifier son action. De fait, pour l'ensemble des pays du Maghreb, l'année 1993 a semblé celle de l'attente, chacun s'efforçant de mener ses affaires comme à l'accoutumée, tout en gardant les yeux fixés sur l'Algérie.

    • Algérie : l'état de violence

      L'Algérie en 1993 n'est pas en « guerre civile » si cela implique des occupations partielles ou totales de portions de territoire par des groupes organisés contestant l'État. Il n'y a pas (encore ?) de « wilayas » évoquant « la guerre d'Algérie » (1954-1962). Mais il y a des groupes armés pratiquant la guérilla urbaine et rurale, éclatés en unités mobiles et peu concertées, sans « commandement unifié de la lutte armée », des leaders politiques emprisonnés ou en exil sans lieu d'arbitrage. Il y a bien une direction exécutive du Front islamique de salut à l'étranger, mais de quoi est-elle « l'exécutif » ? Du côté de « l'État », la situation n'est différente que parce qu'il y a des unités (en uniforme), des fonctionnaires payés (mal et parfois en retard), un budget (au déficit égal à la moitié des recettes), une dette de 26 milliards de dollars dont le service continue à être fait régulièrement, mais cet État est surtout un ensemble de groupes et d'appareils dont la seule caractéristique est de n'être pas officiellement fragmentés, mais dont les règles du jeu présentes et à venir sont obscures, peut-être même aux yeux de ses membres.

    • Afrique : douloureuses mutations

      Plus pauvre au début des années 90 qu'il y a une décennie, telle est la triste originalité d'une Afrique dont l'horizon économique demeure sombre alors que les nécessaires mutations politiques s'effectuent le plus souvent dans la douleur.

    • Angola

      L'espoir suscité par la tenue d'élections démocratiques, en septembre 1992, qui devaient sceller la fin de 16 ans de guerre civile entre le mouvement rebelle UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola) et le gouvernement du président José Eduardo Dos Santos aura été de courte durée. Après le refus de sa défaite au premier tour d'un scrutin considéré globalement comme libre et honnête par les observateurs internationaux, le leader de l'UNITA, Jonas Savimbi, reprend le maquis. Faute d'avoir obtenu le pouvoir par les urnes, le chef rebelle espère l'obtenir par la force. Un diktat inacceptable pour le parti dirigeant, le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l'Angola), qui estime avoir légalement remporté le scrutin. Après à peine 18 mois d'un cessez-le-feu, instauré après les accords de paix de Bicesse en 1991, l'Angola est de nouveau plongé dans une sanglante guerre civile.

    • Afrique du Sud : deux prix Nobel face à la dynamite

      Après le blocage des négociations multipartites sur l'avenir constitutionnel du pays en 1992, l'année 1993 est marquée par d'importantes avancées politiques, malgré la violence qui ravage le pays. Devenus les partenaires inséparables de la démocratisation, le leader du Congrès national africain, Nelson Mandela, et le chef de l'État, Frederik De Klerk s'accordent, en effet, sur les principes de la transition vers un système politique non racial. En février, les deux hommes conviennent qu'un gouvernement d'unité nationale dirigera le pays pendant 5 ans, après l'élection au suffrage universel d'une Assemblée constituante souveraine, jusqu'à la mise en place d'un cabinet fondé sur le principe de la majorité. Nelson Mandela obtient difficilement l'aval d'une base hostile à un partage du pouvoir prolongé avec le Parti dirigeant blanc. Il reste à gagner le soutien des autres mouvements politiques, et, pour cela, il faut relancer les discussions multipartites.

    • Égypte

      Explosions sur des sites touristiques, assassinats de policiers, affrontements violents entre forces de l'ordre et islamistes jalonnent l'année 1993. Fin février, une bombe a explosé dans un café du centre du Caire, faisant quatre morts, dont trois touristes ; l'attentat contre le World Trade Center à New York, quelques jours plus tard, est attribué à des extrémistes de la Jamaa Islamiya, l'un des principaux groupes islamistes égyptiens...

    • L'année du Proche-Orient

      Le bannissement des 415 Palestiniens islamistes par Israël, le 17 décembre 1992, a bloqué pendant quatre mois le processus de paix initié par le secrétaire d'État américain, James Baker. Au cours de sa tournée au Proche-Orient, en février, le nouveau secrétaire d'État, Warren Christopher, a pu se rendre compte à quel point cette expulsion, décidée par Yitzhak Rabin, avait compliqué sa tâche. L'accord séparé avec la Syrie, dont il semble avoir un temps rêvé, apparaît hors de portée.

    • Moyen-Orient : tensions et apaisements

      L'Irak ayant déployé des missiles sol-air dans la « zone d'exclusion aérienne » instituée par l'ONU au sud du 32e parallèle, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie lancent, le 6 janvier, un ultimatum à Bagdad. Le 10 janvier, quelque 200 soldats irakiens pénètrent en territoire koweïtien pour s'emparer de missiles abandonnés par leur armée à la fin de la guerre du Golfe. Le 13 janvier, des sites de missiles, situés à proximité du 32e parallèle, sont attaqués par les trois aviations occidentales. Le 17 janvier, les Américains, seuls cette fois, bombardent des installations industrielles « liées au programme nucléaire irakien », dans la banlieue de Bagdad. À la veille de la passation de pouvoir à Washington, le président Saddam Hussein propose, comme un test, un cessez-le-feu unilatéral aux États-Unis et à leurs alliés. L'espoir d'un changement de l'attitude américaine est vite déçu. Bill Clinton endosse aussitôt la politique de fermeté de son prédécesseur. En vigueur depuis plus de deux ans et demi, l'embargo contre l'Irak est confirmé, alors même qu'il commence juste à produire pleinement ses effets. Certes, la reconstruction des ponts, ainsi que le rétablissement de l'eau, de l'électricité et du téléphone impressionnent. Mais la hausse vertigineuse des prix de tous les produits, consécutive à l'embargo, entraîne un développement de la corruption et de la criminalité qui pèse lourdement sur le moral de la population. Le reste de l'année s'écoule, ponctué de tensions entre les autorités et les inspecteurs de l'ONU, souvent empêchés d'accéder aux sites sensibles. À chaque fois, le gouvernement irakien finit par céder. Il refuse, par contre, de reconnaître le tracé définitif de la frontière avec le Koweït, adopté le 27 mai par le Conseil de sécurité de l'ONU. Les autorités koweïtiennes ont fait savoir qu'elles comptaient ériger une digue de sable, creuser une tranchée, poser 1,3 million de mines et instituer une surveillance électronique tout au long des 130 kilomètres de frontière avec leur voisin.

    • Afghanistan : la guerre fratricide continue...

      La guerre fratricide que se livrent depuis la chute des communistes et l'entrée des moudjahidin dans Kaboul, le 26 avril 1992, l'ancien « lion du Pamir », Ahmed Shah Massoud, devenu ministre de la Défense, et Gulbuddin Hekmatyar, le chef du mouvement islamiste dur Hezb-e-Islami, n'a toujours pas permis à l'Afghanistan, meurtri par 14 ans de guerre, de retrouver la paix.

    • Inde et Pakistan

      Selon le quotidien The Pioneer, « l'Inde est en guerre avec elle-même ». En réalité, elle n'a jamais cessé de l'être depuis la déclaration d'indépendance, en 1947, le règlement des conflits du Cachemire, du Pendjab et de l'Assam ayant toujours été reporté. Pourtant, en 1993, le gouvernement a mené une contre-attaque vigoureuse contre le séparatisme.

    • Asie du Sud-Est

      En raison de la victoire communiste en 1975, mal digérée par les États-Unis, puis de l'occupation du Cambodge de 1979 à 1989, le Viêt Nam était resté jusque-là coupé des circuits financiers et commerciaux, Washington imposant un embargo contre le régime de Hanoi.

    • Cambodge : la convalescence

      À la surprise générale, les élections législatives supervisées par l'ONU ont remporté un véritable succès, mais ont entraîné la restauration de structures traditionnelles du pouvoir, que le plan de paix n'avait pas prévue.

    • Chine : le boom

      Engagée depuis 1992 dans une phase de transition visant à « prélever les éléments positifs du capitalisme » tout en conservant une coquille communiste, la Chine a confirmé cette année son développement économique fulgurant. Cet élan, qui se ressent dans toute la région, laisse pressentir qu'une grande puissance est en train de s'affirmer. Mais des conséquences inattendues et mal maîtrisées accompagnent ce « réveil ».

    • Corée du Nord et du Sud

      Le plus grand flou subsiste sur la situation intérieure en Corée du Nord, le pays le plus fermé du monde. Début mai, les satellites de renseignements américains ont décelé d'importants mouvements de troupes autour de la capitale. Des rumeurs ont couru concernant le transfert des pouvoirs de Kim Il-sung à son fils Kim Jong Il, 51 ans, réputé psychopathe, rumeurs entretenues par l'absence d'apparition ou de déclaration de « l'étoile polaire de l'humanité » ces derniers mois.

    • Japon : l'année des mutations

      Caractérisé depuis plusieurs décennies par une stabilité politique qui tendait à l'immobilisme, le Japon a connu en 1993 une mutation importante : aux élections du 18 juillet, le parti libéral démocrate (PLD), au pouvoir depuis 1955, a perdu la majorité et a dû céder la place à un gouvernement de coalition dirigé par un nouveau venu sur le devant de la scène politique, M. Morimoto Hosokawa. Le nouveau cabinet comprend des socialistes, première force d'opposition, évincés des affaires depuis 1948.

    • Océanie

      Le succès des travaillistes en Australie et le développement de la coopération régionale, ainsi que, dans le domaine sportif, le choix de Sydney comme ville olympique pour les JO de l'an 2000 sont les données essentielles de 1993, qui confirment la position clef de l'Australie dans la région.

    • États-Unis : les premiers pas de Bill Clinton

      Au-delà des hésitations inévitables d'un nouveau et jeune président, la vie politique américaine a été marquée par ce que d'aucuns considèrent comme une double redéfinition : réorientation du système politique et social des États-Unis vers une sorte d'encadrement social-démocrate « soft » ; début de réflexion sur le nouveau rôle de l'Amérique dans le monde.

    • Amérique latine : les lenteurs de la normalisation

      Le libéralisme économique continue de triompher dans les pays d'Amérique latine, en dépit des tensions sociales qu'il suscite. Les succès économiques sont cependant inégaux et les risques de dérapage toujours présents. Plusieurs pays confirment leur attachement récent aux principes démocratiques, mais d'autres zones, comme l'Amérique centrale, Cuba et Haïti, ont encore beaucoup de chemin à faire sur la voie de la démocratisation et du respect des droits de l'homme.

  • France
    • Une étoile est née

      Pour saisir ce qui fait l'originalité de ces douze mois, il faut commencer par en reconnaître le caractère profondément paradoxal : 1993 aura été une année électorale et pourtant, en 1993, l'essentiel est ailleurs que dans cet affrontement droite-gauche : tout était joué avant les élections et tout se joue, depuis les élections, à l'intérieur de chacun des deux camps et non pas entre eux. Ce paradoxe tient à la combinaison de deux faits majeurs :

    • Portraits politiques

      Dès 1986, Philippe Séguin, alors aux Affaires sociales, avait repéré cette énarque dans l'administration de son ministère, et ne tarissait pas d'éloges à son égard. Au lendemain de la déroute de la gauche, en 1993, tous les grands patrons ont essayé de récupérer cet oiseau rare auprès d'eux. Édouard Balladur, depuis peu installé à Matignon, n'aurait pas été mécontent, dit-on, qu'elle accepte de glisser au gouvernement quelques bonnes idées pour relancer l'emploi, en siégeant au sein de la commission Matteoli. Bref, pour un peu, à en croire certains, la droite la regretterait au ministère du Travail ! Pas de chance, Martine !

    • Chroniques politiques

      Les socialistes s'attendaient à une défaite, ils ont connu la déroute. Usés par une décennie de pouvoir, déconsidérés par les affaires et victimes de l'explosion du chômage qu'ils n'ont pas réussi à juguler, ils ont essuyé, les 21 et 28 mars, l'échec le plus cuisant de leur histoire. Jamais, sous la Ve République, leur représentation parlementaire n'a été aussi faible et, à l'inverse, jamais celle de la droite aussi forte. Au lendemain du second tour, la gauche n'est plus qu'un champ de ruines, c'est, comme certains l'ont écrit, l'« alternance par KO ».

    • PS : La refondation

      Le maire de Conflans-Sainte-Honorine n'attendit pas les ides de mars pour dresser l'acte de décès du Parti du congrès d'Épinay. Il le fit dès le 17 février à Montlouis-sur-Loire, à la faveur d'une réunion électorale à laquelle participaient de nombreux hiérarques socialistes, dont leur chef, le premier secrétaire, Laurent Fabius. Anticipant l'inéluctable défaite, il en dénonça les causes avec une rude franchise qui tranchait avec la langue de bois habituelle. Les unes étaient, selon lui, conjoncturelles, mais portaient gravement atteinte au crédit des hommes au pouvoir : promesses non tenues, et d'ailleurs, dans bien des cas, impossibles à tenir ; refus de reconnaître que l'instauration d'une politique d'austérité en 1983 n'était pas purement circonstancielle mais inaugurait un nouveau cours ; malversations de certains qui « ont, de ce seul fait, cessé de mériter le beau nom de socialistes ».

    • Politique économique : l'année de la baisse des taux

      Édouard Balladur est un homme de méthode. La première décision économique qu'il prend en arrivant à Matignon, en mars, est donc de commander un audit sur l'état de la France. Une commission, présidée par Jean Raynaud, procureur général près la Cour des comptes, est créée pour prendre le pouls de la France, que les socialistes ont, selon le nouveau Premier ministre, laissé « dans la pire situation depuis la Seconde Guerre mondiale », avec trois millions de chômeurs, une croissance négative, un déficit budgétaire en net accroissement, un franc sujet à des crises à répétition.

    • Bilan diplomatique du gouvernement

      Contrairement à ce qui s'était produit lors de la première expérience de « cohabitation » en France (1986-1988), la politique étrangère a été en 1993 l'un des domaines où la concertation et la coopération entre la présidence de la République et le gouvernement ont été le plus harmonieuses. Autant l'Élysée et Matignon s'étaient querellés sous le gouvernement de Jacques Chirac – moins d'ailleurs pour des raisons de fond que parce qu'ils se disputaient les prérogatives –, autant on a veillé de part et d'autre, après l'arrivée d'Édouard Balladur à la tête du gouvernement, à maintenir vis-à-vis de l'extérieur l'image d'une France unie et parlant d'une seule voix.

    • La politique de défense

      Tout comme François Mitterrand avait assumé la continuité de la politique de défense du général de Gaulle – poursuivie par Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing –, le gouvernement Balladur n'entend remettre en question ni la primauté du président en matière de feu nucléaire, ni le maintien du concept de dissuasion, pas plus que le principe de la conscription. Cohabitation oblige, la défense n'a pas échappé à la tonalité consensuelle. Et il n'y a plus guère que la question de l'OTAN – y retourner ou pas – qui semble susceptible de réveiller quelques humeurs guerrières.

    • Enseignement : le changement dans la difficulté

      Diminué par la scission de la « forteresse enseignante », le syndicalisme enseignant tarde à se donner de nouveaux statuts. Les exclus de la FEN sont les premiers à le faire en se constituant en Fédération syndicale unitaire (FSU), dont les statuts sont déposés officiellement le 15 avril sous la houlette de son premier secrétaire général, Michel Deschamps. Les héritiers de la FEN, c'est-à-dire essentiellement les membres du SNI-PEGC, n'adoptent les statuts de leur nouveau Syndicat enseignant (SE) qu'à l'issue de leur congrès de Nantes (ler-5 juin), où ils prorogent pour deux ans dans ses fonctions leur secrétaire général Jean-Claude Barbarant.

    • Politique sociale : la flexibilité dans la rigueur

      Après plusieurs mois d'une popularité exceptionnelle, compte tenu de la dégradation de l'emploi, le gouvernement Balladur est confronté, à la fin de l'année, à la reprise du débat social : au Parlement, où l'on redécouvre la semaine des quatre jours, et sur le terrain avec, notamment, le conflit Air France.

    • Santé : la sécurité sociale admise aux urgences

      L'histoire est souvent lente et répétitive. Revenue cette année, à la faveur du changement de gouvernement, aux commandes du ministère de la Santé, Simone Veil y a retrouvé les problèmes qu'elle avait connus 15 ans auparavant, le seul changement consistant en l'aggravation des urgences dans un contexte général de récession.

    • Police

      Célébré dans l'allégresse, le retour de Charles Pasqua place Beauvau a rapidement laissé un goût amer aux policiers de base. Désarmés par les ministères successifs de Philippe Marchand et de Paul Quilès, ils attendaient Pasqua comme le messie, heureux de tenir leur revanche. Ils attendaient un ministre complice, mais ce dernier leur a parlé déontologie et politesse...

    • Politique de la ville : désenclaver

      D'une majorité à l'autre, la politique de la Ville est, en apparence, d'une exceptionnelle continuité. Le débat sur les banlieues, que le gouvernement tient à porter devant l'Assemblée à la fin d'avril, est on ne peut plus consensuel, comme si la gravité du sujet imposait une sorte d'union nationale. Les « grands principes » de la politique de la Ville des précédents gouvernements seront donc conservés, assure Simone Veil qui a hérité de ce dossier, et le dispositif d'intervention de l'État, simplifié.

    • Immigration : durcissement

      L'immigration n'avait pas été le thème dominant de la campagne électorale. Pourtant, à peine installé au ministère de l'Intérieur, Charles Pasqua va s'atteler à trois réformes importantes, celles du Code de la nationalité, des contrôles d'identité et de la maîtrise de l'immigration. Trois textes qui, implicitement, délivrent un message de méfiance à l'égard des étrangers, soupçonnés de frauder pour entrer et séjourner en France ou de troubler l'ordre public.

    • L'année juridique : la nouvelle procédure pénale

      Alors que l'année 1993 n'a pas encore vu l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, reportée au 1er mars 1994, deux réformes en six mois ont modifié le Code de procédure pénale.

    • Politique régionale

      L'histoire dira si 1993 aura été une année marquante, voire faste, pour l'aménagement du territoire et si le 30e anniversaire de la création de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) mérite une pierre blanche. En tout cas, on peut, sans risque de se tromper, parler d'une relance vigoureuse, tant dans les symboles et le vocabulaire que dans les faits.

    • À travers les Régions

      Décidé le 7 novembre 1991 par Édith Cresson, alors Premier ministre, le déménagement à Strasbourg de l'École nationale d'administration (ENA) entrait dans le cadre d'une politique de délocalisation destinée à favoriser l'emploi en province. La décision avait été prise sans concertation, ni avec le conseil d'administration de l'école ni avec la municipalité (pourtant socialiste) de la métropole alsacienne.

  • Société
    • Dépression française

      On sait l'importance que nos compatriotes attachent au temps qu'il fait et surtout à celui qu'il fera, et donc l'intérêt qu'ils portent à la météorologie. On peut ainsi entendre ou lire que le climat social est morose, que l'air du temps est chargé d'électricité, que les nuages s'accumulent au-dessus de nos têtes, annonçant selon les augures des orages ou des ouragans. Bref, après avoir vécu pendant des décennies sous l'influence bénéfique d'un anticyclone (venu, comme il se doit, de l'ouest), la France semble être entrée, depuis quelques années, dans une zone dépressionnaire.

    • Haute culture et prêt-à-parler

      Chaque début d'automne, la présentation des nouveaux mots figurant dans le Petit Larousse peut être regardée comme une présentation de mode. Les deux événements présentent en effet de nombreuses similitudes. L'un et l'autre nous renvoient d'abord une image de l'époque. Ils constituent des événements à caractère élitiste : l'assistance aux défilés des grands couturiers est réservée à un petit groupe de gens fortunés ; la liste des nouveaux mots du dictionnaire ne parvient qu'à un nombre restreint de spécialistes ou de journalistes curieux. La ressemblance ne s'arrête pas là. Comme les couturiers, les linguistes effectuent un vaste travail de métissage, empruntant aux diverses cultures, aux différentes catégories sociales, puisant leur inspiration dans plusieurs disciplines. Leurs productions respectives sont le résultat d'un long travail d'imprégnation, empirique et souvent inconscient pour les premiers, systématique et organisé pour les seconds.

    • Les objets 93

      Tandis que la vogue écologique poursuit son chemin en utilisant des matières recyclables pour créer de nouveaux objets, comme les crayons Innovation ou les mini-livres des éditions Mille et Une Nuits, alors que la gastronomie découvre le goût des fleurs, la crise économique généralisée marque la création 93. Le retour du Solex « made in Hongrie » révèle la nostalgie des années 60 ; la multiplication de chaussures de marche confortables, essentielles aux incontournables randonnées en montagne, accompagne la mode grunge passe-muraille et le repli sur soi ambiant. Menant leur éternelle quête identitaire, les jeunes s'affirment à travers le tatoo et le piercing.

    • Chronique judiciaire : le procès des initiés

      C'est parce qu'elle touchait à la fois au monde de l'argent, à celui de la politique et au demi-monde tout court, et parce que sur elle planaient les morts controversées d'un Premier ministre (Pierre Bérégovoy, suicidé le 1er mai 1993) et d'un ami intime du président de la République (Roger Patrice Pelat, mort d'une crise cardiaque le 7 mars 1989), que l'affaire Pechiney a été en 1993 le procès qui, de loin, a le plus attiré l'attention des journalistes.

    • Population

      Le taux annuel de croissance de la population mondiale a été évalué à 1,6 % en 1993. Il l'était à 1,7 % depuis 1980 au moins, 1,8 % dans les années 1970 et 2,0 % vers 1960. Le ralentissement peut paraître lent et le signe ténu. Il tient d'ailleurs à un arrondi : les taux mondiaux de natalité et de mortalité restent évalués à 26 et 9 p. 1 000, ce qui donne 17 p. 1 000 pour leur différence, soit 1,7 % de croissance naturelle. Mais ces taux eux-mêmes valaient 28 et 11 p. 1 000 en 1980. La décroissance, parallèle et lente, est conforme au processus de la transition démographique, dans lequel sont entrés beaucoup de pays.

    • Religions : continuité et mutations

      Événement d'abord politique, l'amorce d'une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens comporte néanmoins une indéniable dimension religieuse. Les discours prononcés à la Maison-Blanche le 13 septembre l'ont d'ailleurs montré. Yitzhak Rabin, après avoir évoqué « la terre de souffrance et d'angoisse » et le « douloureux tribut de la guerre, de la violence et de la terreur » subi par son peuple, demandait d'« espérer et de prier pour la paix » et citait un livre biblique, l'Ecclésiaste, en concluant son discours par un mot de la prière juive : Amen. La réponse de Yasser Arafat commençait par une citation du Coran : « Au nom de Dieu, plein de grâce et de miséricorde », évoquait également le « siècle » de « souffrance et de douleur » enduré par le peuple palestinien et concluait : « La terre de la paix aspire à une paix juste et durable. » Notons que cet accord donne une chance aux forces laïques d'Israël et de l'OLP de juguler leurs extrémismes politico-religieux respectifs.

    • La vie des médias

      Il était d'une implacable et très française logique que la droite, revenue aux affaires, veuille faire le ménage dans l'audiovisuel. À son programme, le remplacement d'Hervé Bourges, P-DG de France 2 et France 3, jugé trop à gauche (directement visé par Michel Péricard, président de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée dès le 22 avril), et un renvoi d'ascenseur en direction de TF1, que certains, au sein même de la future majorité, avaient baptisée « Canal RPR » avant les élections.

    • Tout est mode

      Le long s'impose, le long triomphe, le long s'affiche sur toutes les longueurs. Pour un peu, en ce début d'année 1993, on aurait remisé pour des jours meilleurs une garde-robe qui ne semblait plus de mise. À peine l'idée de se mettre en long pour longtemps et c'était au tour du court de contre-attaquer, de s'afficher sur tous les fronts et de s'abréger effrontément sous le coup des ciseaux de Karl Lagerfeld, qui rit encore de son coup d'éclat et de ses jupes réduites à la brièveté d'un short sur des jambes habillées d'épais collants, socquettes et lourds brodequins, le tout porté avec humour et des vestes ajustées au millimètre près. Et le couturier de déclarer : « On ne peut pas éternellement parler de longueur. Au lieu de parler du court, habillez-vous avec hauteur. On peut écrire deux histoires opposées. Il y a le court et le long prolongé. C'est la solution du milieu qui ne fait plus beaucoup d'envieux. Seul le changement permet de survivre. Les fausses pudeurs n'appartiennent qu'aux minables. » De l'ultracourt, Yves Saint Laurent a une interprétation exquise et libertine, qui a vite fait beaucoup d'adeptes. Il pose, en ourlet, un galon de dentelle noire, large comme la main, sur de petits bouts de jupes droites en lainage, satin cuir, grain de poudre ou velours. Si la tradition garantit l'avenir, en mode comme ailleurs, on vit une étrange époque. Il faut apprendre à saisir l'instant et choisir, parmi toutes les tendances qui se sont lancées en cette année 1993, celle qui rime avec l'envie du moment.

    • Gastronomie

      La valorisation du produit de qualité mérite un combat sans trêve. On doit donc saluer les initiatives prises dans la fausse torpeur de l'été. Deux décrets ont contribué à la sauvegarde du pain et du foie gras. Les terminaux de cuisson qui vendent une baguette dont la croûte s'effrite en copeaux et cache une mie bulleuse, inconsistante et insipide seront désormais identifiables. Le boulanger qui pétrit, façonne et cuit son pain sur place sera le seul à proposer le pain maison. Un autre pain sera digne de considération : le pain de tradition française, qui sera dépourvu de tout additif. Le foie gras a aussi été dépouillé de ses fausses parures. L'appellation est réservée aux préparations composées de foies d'oie ou de canard entiers, d'un ou plusieurs lobes et d'un assaisonnement. Pour se dire truffé, le foie gras devra inclure 3 % de truffe (Tuber melanospermum). Ces garanties devraient être multipliées, d'autant plus que la crise contraint consommateurs et professionnels à s'intéresser à des produits moins coûteux, pour lesquels l'exigence s'accroît.

    • Échecs

      La division du monde des échecs, dont on ne connaît toujours pas l'issue à la fin de l'année, domine 1993. Fin mars, en effet, le champion du monde en titre, Garry Kasparov, et son challenger, Nigel Short (qui a éliminé en janvier Jan Timman sur le score de 7,5 à 5,5, en finale des candidats), créent une association : la Professional Chess Association (PCA). Celle-ci compte se substituer à la Fédération Internationale des Échecs (FIDE), qui organisait depuis plus de cinquante ans le championnat du monde. Pour expliquer cette scission, les deux joueurs dénoncent officiellement le choix de la FIDE d'organiser le championnat du monde à Manchester, la ville anglaise proposant une bourse de 1,17 million de livres. Kasparov en profite en réalité pour régler ses comptes avec le président de la FIDE, le Philippin Florencio Campomanes. Les deux hommes se sont toujours violemment opposés. Kasparov a déclaré dans le passé que Campomanes n'était qu'un pion du régime soviétique ; de fait, celui-ci avait interrompu de manière arbitraire le premier championnat du monde de Kasparov, en 1985, alors que le jeune champion était en train de rattraper spectaculairement son retard contre Anatoli Karpov, mieux en cour auprès des autorités de Moscou.

  • Économie
    • L'économie mondiale en 1993

      Vue de Sirius, l'expansion économique mondiale se poursuit à un taux d'environ 2,2 % pour 1993, c'est-à-dire un peu supérieure au 1,6 % enregistré l'année précédente. Mais le centre de gravité du monde continue à se déplacer vers l'Asie. Au taux de change courant, le produit intérieur chinois représente 10 % du produit mondial. Les autres pays asiatiques (hors Japon) suivent à un rythme de croissance de l'ordre de 7,5 %.

    • Commerce mondial

      C'est la situation des pays occidentaux avant et après la Seconde guerre mondiale qui a justifié la mise en place du dispositif du GATT en 1948. Durant les années 30, les pays touchés par la crise de 1929 se sont enfermés pour échapper aux conséquences de celle-ci dans le protectionnisme (hausse de près de 50 % des droits de douane américains et européens), sans autre résultat qu'une aggravation de la dépression et un effondrement du commerce mondial.

    • L'économie française en 1993

      Nous commencions l'an dernier cette chronique en prenant la précaution de rappeler qu'à l'automne 1992, au moment de sa rédaction, les informations recueillies sur les deux premiers trimestres laissaient prévoir officiellement une croissance de 1,8 % pour l'ensemble de l'année 1992. Bien que la performance fût considérée comme médiocre, la prévision péchait par excès d'optimisme. En effet, après le tournant de la croissance du deuxième et du troisième trimestre, l'économie entrait en récession au quatrième, de sorte que, sur l'ensemble de l'année 1992, la croissance atteignit, en fait, à peine 1,2 %. Ce genre d'erreur, communément commise en France et ailleurs, vient de notre incapacité à saisir avec la précision et l'exactitude souhaitables la conjoncture du moment dans son véritable déroulement. À l'automne 1993, une incertitude plane sur la nature de la stabilisation observée. Au total, le PIB marchand baisserait de – 0,7 % en 1993 (estimation INSEE), soit d'un taux compris entre 0 % et – 1 %, selon que les optimistes et les pessimistes pondéreront plus les effets expansionnistes (relance du bâtiment, réactivation de l'épargne par l'affectation de l'emprunt Balladur, allégements annoncés de l'impôt sur le revenu 1993) ou les effets déflationnistes des mesures prises dès 1993 par le gouvernement Balladur (relèvement de la CSG, alourdissement des taxes sur l'alcool, le tabac, l'essence, gel des traitements des fonctionnaires, réduction des remboursements de la Sécurité sociale). Quel que soit le scénario de la fin de l'année 1993, les syndromes de la récession française demeurent inquiétants à trois égards.

    • Entreprises : le cycle de la baisse

      Confrontées depuis 1990 à la stagnation de la demande intérieure et à la récession de l'activité économique qui a suivi, les entreprises industrielles des pays européens n'ont pas hésité à vendre leurs produits, ou leurs services, à des prix de plus en plus bas. Elles sont entrées, de la sorte, dans un processus d'accélération de la baisse du prix, caractéristique d'une situation déflationniste. Il s'agit pour elles d'éviter non pas tant une réduction du chiffre d'affaires qu'un brutal déclin de leur activité. À cet effet, elles n'hésitent pas à diminuer leurs capacités de production, face à une demande en retrait. Par exemple, BSN a fermé des sites de produits frais. Dans la même logique, le taux d'utilisation des capacités de production est tombé à 80 % en 1992, soit un niveau inconnu depuis 1975.

    • Les transports

      Depuis près de quatre ans, l'industrie du transport aérien traverse la plus grave crise de son histoire. Celle-ci a commencé en 1990. L'Association internationale du transport aérien (qui regroupe plus de 200 compagnies dans le monde) évalue à 16 milliards de francs la perte nette globale des transporteurs aériens pour leurs activités internationales cette année-là, et prévoit 22 milliards de pertes pour 1991 soit, en deux ans, l'équivalent des bénéfices de 1989. Dans cette situation, Air France procède à 65 fermetures de lignes relayant en majorité les métropoles régionales aux grandes villes européennes ; en même temps, elle commence à affréter des avions appartenant à d'autres compagnies, car les coûts de ses locations sont prohibitifs. En 1992, la situation s'aggrave de nouveau avec un déficit pour l'ensemble des compagnies de 29 milliards. De la sorte, les pertes cumulées des trois derniers exercices se révéleront supérieures aux bénéfices réalisés au cours des vingt années précédentes, ce qui a hypothéqué gravement les investissements des compagnies, notamment ceux destinés au rajeunissement des flottes.

    • Consommation : la crise

      Le ralentissement de l'activité économique, observé depuis le milieu de 1992, a provoqué une crise de la consommation (à travers la baisse des achats des ménages) et, plus encore, un changement totalement imprévisible, en profondeur, du comportement des consommateurs.

    • La publicité retrouve ses bases

      Le 1er octobre 1968 à 19 h 55, la télévision diffusait sa première publicité. Vingt-cinq ans plus tard, pour fêter l'événement, Boursin s'offre l'intégralité de l'écran publicitaire de la première chaîne et repasse, entre autres, son spot de 1968 où le comédien Jacques Duby citait dix-huit fois la marque en trente secondes.

    • Banque : après la tempête

      Avec une crise de l'immobilier, suivie d'une récession générale, les banques traversent depuis deux ans une tempête sans précédent dans leur histoire. Alors qu'en 1991 elles affichaient des résultats en net redressement – elles avaient enfin surmonté les difficultés liées à la dette des pays du tiers-monde –, elles voient, depuis, fondre leurs sources de profits. La chute de l'immobilier de bureau, d'abord, a laissé des traces profondes et durables dans les comptes. Le marché s'est effondré, laissant sur les bras des banques des promoteurs et des marchands de biens endettés jusqu'au cou. Au total, le secteur immobilier est débiteur de quelque 400 milliards de francs aux banques. Celles-ci, pour se préserver des accidents, sont donc obligées d'accroître massivement leurs dotations aux provisions, ce qui réduit d'autant les résultats nets. Par ailleurs, la récession a grossi les rangs des PME en difficulté, et a accéléré la chute de l'investissement : autant de mauvaises nouvelles pour les banques qui, pour s'en sortir, sont devenues d'une extrême prudence. Une prudence qui n'a guère arrangé la situation économique. Accordés au compte-gouttes, les crédits aux entreprises n'ont guère servi de soutien à l'activité. Mais c'est cette prudence qui a permis aux banques de limiter les dégâts dans leurs comptes 1993.

    • L'année boursière

      Après la morosité hivernale, les élections législatives et la nomination d'Édouard Balladur à l'hôtel Matignon redonnèrent quelques couleurs aux boursiers, conservateurs par tradition. Notamment quand le Premier ministre confirma sa volonté de privatisation et lança un emprunt d'État. L'« emprunt Balladur » fut un succès. La souscription se révéla deux fois plus importante que prévu : 110 milliards de francs apportés, à 90 %, par des particuliers. Le million et demi de souscripteurs a déboursé 7 200 francs en moyenne, largement pris sur les comptes des sicav monétaires. Leur en-cours a ainsi été amputé de 70 milliards avant de se reconstituer. Au grand dam du gouvernement, exaspéré par le taux d'épargne élevé (13 %) des Français, car c'est autant de moins pour relancer la consommation.

  • Sciences
    • Sciences et techniques

      Le 25 avril 1983, deux jeunes chercheurs du laboratoire Cavendish de Cambridge, en Angleterre, le biologiste américain James Watson et le physicien britannique Francis Crick, publiaient dans la revue scientifique Nature une courte note décrivant la structure en double hélice de la molécule d'acide désoxyribonucléique (ADN), qu'ils venaient de découvrir. « Cette structure possède des caractères nouveaux d'un intérêt biologique considérable », soulignaient les deux auteurs en préambule de leur article. La découverte de Watson et de Crick permettait, en fait, d'élucider le mécanisme de réplication du matériel génétique qui préside à la reproduction des êtres vivants ; elle ouvrait un vaste champ de recherches sur le patrimoine héréditaire et sa transmission. Quarante ans plus tard, elle apparaît bien comme une découverte biologique majeure du siècle. La biologie moléculaire et la génétique sont devenues des disciplines scientifiques de premier plan. Deux prix Nobel viennent, en 1993, consacrer l'importance de leurs avancées : celui de chimie, partagé entre l'Américain Kary B. Mullis, pour une technique biologique de multiplication de segments d'ADN, et le Canadien Michael Smith, pour ses travaux sur la mutagenèse dirigée ; et celui de médecine, attribué aux Américains Richard J. Roberts et Phillip A. Sharp pour leurs travaux sur la discontinuité structurelle des gènes.

    • Les chantiers de la découverte

      Nées du mariage de la microélectronique et de la mécanique, les micromachines associent en un ensemble de moins de un millimètre un composant électronique, tel qu'une puce, à une pièce mécanique en mouvement, telle qu'une valve, une membrane, etc. L'industrie automobile a été l'une des premières et des plus grosses consommatrices de ces machines miniatures : celles-ci sont utilisées, par exemple, pour déclencher le gonflement de l'Air Bag destiné à protéger le conducteur d'une voiture en cas de choc. Mais elles connaissent à présent des applications très variées : ainsi, ce sont des micromachines qui règlent l'amorti de la semelle, à chaque pression, sur les chaussures de tennis d'un grand champion en compétition ! Leur avenir paraît prometteur, notamment en médecine : en 1993, une firme spécialisée a dévoilé un moniteur de pression artérielle de moins de 0,3 mm de côté qui peut être introduit jusqu'au cœur en remontant les veines à l'extrémité d'une sonde.

    • Astronomie et espace

      Depuis une vingtaine d'années, par l'étude de la vitesse de rotation des galaxies sur elles-mêmes et celle de leur mouvement au sein des amas de galaxies, les astronomes ont acquis la conviction qu'une grande partie de la masse de l'Univers, peut-être jusqu'à 90 % de la masse totale, est invisible. L'estimation de la masse de cette matière noire, appelée « masse cachée », ou « masse manquante », est indispensable pour parvenir à trancher les spéculations sur l'évolution de l'Univers, c'est-à-dire sur le caractère transitoire ou permanent de son expansion.

    • Sciences de la terre

      En Europe, tous les deux ans, se tient au palais des Congrès de Strasbourg le meeting de l'European Union of Geosciences (EUG). Organisé cette année par les Pays-Bas, le 7e meeting s'est tenu du 4 au 8 avril 1993. Reflet des soucis propres aux Pays-Bas, l'accent a été mis sur les problèmes liés à l'environnement, en particulier l'étude de l'évolution des paramètres paléoclimatiques (« trou d'ozone », effet de serre, fusion de calottes glaciaires et montée du niveau moyen des mers).

    • La science saisie par le chaos

      L'idée est si séduisante qu'elle a quitté les revues savantes pour envahir la littérature, le septième art, et l'art tout court. Depuis cinq ou six ans, les spécialistes d'une science nouvelle, celle du chaos, répètent à qui veut les entendre – équations à l'appui – qu'il est impossible de maîtriser totalement les phénomènes complexes et que subsistera toujours une petite part de hasard échappant à toute analyse. Le spécialiste du chaos est devenu un héros incontournable. Robert Redford, dans le film Havana, parle d'une libellule en mer de Chine déclenchant un cyclone dans les Caraïbes ; côté littérature, William Boyd dans Brazzaville Plage et Michael Crichton dans le Parc jurassique racontent que le battement des ailes d'un papillon suffit à engendrer, à l'autre bout du globe, quelque effroyable catastrophe climatique. Dans le milieu scientifique, l'« effet papillon » est devenu l'emblème d'un nouveau paradigme : on pensait naïvement qu'un phénomène décrit par des équations était prévisible à tout instant ; on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien depuis la mésaventure qu'a connue un météorologue américain. Edward Lorenz, il y a une trentaine d'années.

    • Océanographie

      Le renouveau de trois thèmes de recherche s'est précisé en 1993.

    • Médecine : l'ascension de la thérapie génique

      Mucoviscidose, myopathie, hémophilie, mais aussi cancer du rein, du côlon, sida, maladie de Parkinson et d'Alzheimer, en moins de trois ans la thérapie génique est passée de la théorie et des premières expériences pionnières à l'application à toutes sortes de maladies.

    • Biologie : la suprématie de l'ADN

      Deux prix Nobel 1993, celui de médecine et celui de chimie, récompensent chacun une avancée majeure dans le domaine de la biologie moléculaire. Le premier, attribué aux Américains Richard Roberts et Phillip Sharp, couronne la découverte, en 1977, de la structure discontinue des gènes chez les organismes eucaryotes. Le second, reçu par le Canadien Michael Smith et l'Américain Kary Mullis, salue la mise au point, en 1978, de la mutagenèse dirigée, méthode qui permet de provoquer artificiellement des mutations sur n'importe quel gène, et surtout celle, en 1985, de la technique d'amplification génique, dite PCR (Polymerase Chain Reaction), qui permet de démultiplier plusieurs millions de fois, dans une simple éprouvette, n'importe quel fragment d'ADN. Une opération que des appareils automatisés effectuent aujourd'hui en quelques heures avec une grande précision, et qui a progressivement détrôné le traditionnel clonage de gènes par bactéries, infiniment plus long et plus fastidieux à mettre en œuvre.

    • Technologies de la communication

      La crise incite les industriels à réfléchir, à s'associer, à gagner du temps... Il s'agit d'éviter de ruineuses batailles technologiques ou de normalisation. L'année a été marquée par plusieurs initiatives communes qui tournent autour de la formidable bataille de la communication née de la convergence entre les télécommunications et l'informatique, les réseaux, l'édition électronique et l'audiovisuel... Dans ce nouveau domaine du « multimédia », la course aux alliances industrielles s'est récemment accélérée. Aux États-Unis où autour des grandes firmes qui dominent les marchés mondiaux de l'électronique et des loisirs se constituent des groupes puissants aux multiples ramifications. Ces mariages de « géants » visent à imposer des standards, à répartir les coûts élevés de R&D, à partager les risques... Cette révolution du « multimédia » rappelle les années d'effervescence autour de la naissance de l'ordinateur...

    • Automobile

      La crise accable l'Europe – ventes à moins 16 % –, s'aggrave au Japon – moins 7 % –, et s'estompe aux États-Unis, où les « big three », GM, Ford et Chrysler, affichent cette année d'insolents profits.

    • Aéronautique : un optimisme raisonné

      Du 10 au 20 juin, sur l'aéroport de Paris - Le Bourget, le 40e Salon international de l'aéronautique et de l'espace s'est déroulé dans une ambiance en demi-teintes. La morosité, due à la persistance de la crise économique mondiale, le disputait à l'optimisme raisonné de certains industriels. À première vue, les perspectives étaient plutôt sombres. Les grands constructeurs mondiaux, ainsi que les avionneurs, motoristes et équipementiers ne faisaient pas mystère des bilans négatifs prévus par la plupart pour l'exercice en cours. La diminution des crédits militaires dans de nombreux pays a donné un sérieux coup de frein aux carnets de commandes, et, par contrecoup, aux budgets de recherche et développement des firmes ; les difficultés auxquelles continuent de se heurter la majorité des compagnies aériennes européennes et américaines (hausse des coûts d'exploitation et guerre suicidaire des tarifs) leur ont fait revoir à la baisse leurs plans d'investissement et annuler ou reporter commandes fermes et livraisons d'avions de ligne. Ce qui ne manque pas de perturber les plans de charge des avionneurs, contraints de procéder à nombre de licenciements, même dans leurs bureaux d'études. Malgré une reprise certaine du trafic aérien, tant en ce qui concerne le taux d'occupation des sièges que le volume du fret, la hausse du chiffre d'affaires n'a pas compensé celle des charges, en particulier la masse salariale et le carburant. L'indispensable clientèle d'affaires à « haute contribution » a persisté à limiter ses dépenses, en réduisant ses déplacements et en remplaçant la première par la classe affaires, voire par la classe économique. Tout cela – à quoi s'ajoutent les inévitables conflits sociaux liés aux licenciements massifs – pèse sur les résultats : les compagnies IATA ont perdu 3 milliards de dollars en 1992. Leur situation ne devra pas être plus favorable au bilan 1993. Air France a dû reconnaître l'an passé des pertes supérieures à 3 milliards de francs, et la sortie du tunnel est loin d'être en vue : le déficit pour 1993 dépasse les 5 milliards de francs, ce qui oblige la compagnie à présenter un plan de 4 000 suppressions d'emplois, entraînant en octobre, un fort mouvement de grève ; American Airlines envisage également une sévère cure d'austérité, avec une diminution de 5 % de ses effectifs.

    • Environnement

      Les 178 États représentés à la Conférence des Nations unies sur l'Environnement et le Développement qui s'est tenue à Rio de Janeiro, du 3 au 14 juin 1992, conscients de la nécessité de parvenir à un développement durable (sustainable development), s'étaient, à cet effet, engagés sur plusieurs textes : la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, ou Charte de la Terre, la déclaration sur les forêts, les conventions sur les changements climatiques et sur la protection de la diversité biologique et enfin l'Agenda 21, catalogue de recommandations destiné à faire du concept de développement durable une réalité au xxie siècle (JA 1993). Un an après, que reste-t-il des résolutions prises au sommet de la Terre ?

  • Culture
    • La culture par gros temps

      Par temps de crise prolongée, la tentation de tout gouvernement est de revoir à la baisse ses dépenses culturelles. « Faire sans défaire », c'est en ces termes que Jacques Toubon a cependant annoncé son programme en s'installant rue de Valois dans le fauteuil de l'inamovible ministre de la Culture qu'avait été Jack Lang depuis 1981. C'est, pour l'essentiel, ce qu'il s'est appliqué à réaliser, non sans hésitations et temporisations quelquefois, non sans procéder à plusieurs remplacements « politiques » à la tête des directions de son administration et de quelques grandes institutions. Ainsi Maryvonne de Saint-Pulgent, énarque de droite, a-t-elle succédé à Christian Dupavillon, architecte de gauche. Ainsi Jacques Baillon a-t-il pris le théâtre en main, à la place de Didier Van Der Malière. Ainsi Stéphane Martin, un proche de Pierre Boulez, a-t-il été nommé directeur de la Musique après le départ de Thierry Le Roy.

    • Les débats philosophiques de l'année

      Comment comprendre l'écho rencontré par la publication des Fonctionnaires de Dieu (Albin Michel, 1993) du théologien allemand Eugen Drewermann ? Refusé par les Éditions du Cerf, qui avaient pourtant contribué à le faire connaître en France en publiant la traduction de plusieurs de ses livres, cet ouvrage a suscité un débat qui s'est polarisé sur la méthode d'analyse privilégiée par l'auteur, mais aussi – de manière plus souterraine – sur le rôle de l'Église catholique dans les démocraties contemporaines.

    • Histoire : les tabous et la mémoire

      Les bicentenaires se suivent et ne se ressemblent pas. Celui de 1789 commémorait avec éclat la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen par la France, qui a voulu affirmer hautement sa vocation à en faire bénéficier tous les peuples de l'univers. Celui de 1793 est célébré avec plus de discrétion, car la décapitation de Louis XVI, le 21 janvier, ou le massacre subi par la « grande armée » vendéenne à Savenay, le 23 décembre, ne peuvent qu'opposer les nostalgiques de l'Ancien Régime aux défenseurs de la République qui dut parfois, par raison d'État, nier dans les faits les principes sur lesquels elle reposait. Inauguré en février, le nouveau musée d'Histoire de Cholet commémore ce heurt de deux conceptions de la « liberté », dont Alexandre Soljenitsyne, invité par Philippe de Villiers à commémorer le massacre des chouans, dira qu'elle est incompatible avec toute révolution.

    • Littératures

      Le malthusianisme, qui gagne peu à peu l'édition française, affecte moins – pour le moment – la littérature étrangère que la production indigène. Lors de la rentrée de septembre 93, on pouvait recenser 141 traductions, chiffre stable par rapport à l'année précédente. Au sein des 26 langues représentées, l'anglo-américain s'est taillé la part du lion, devançant de loin les autres langues étrangères. Comme pour confirmer les craintes des partisans de « l'exception culturelle »...

    • L'année du cinéma 1993

      De violentes polémiques secouent le paysage cinématographique et audiovisuel français et européen en cette fin d'année 1993. Jacques Toubon, ministre de la Culture et de la Francophonie, soutenu par les artistes et les professionnels, réclame, dans les mois qui précèdent les négociations du GATT, que le cinéma de la Communauté européenne continue à bénéficier de la « clause d'exception », rejetant ainsi le concept ambigu et minimaliste de la « spécificité culturelle » prônée par les Américains pour justifier la libre circulation totale de leurs produits audiovisuels, déjà amortis sur leur territoire.

    • Musique classique : l'ouverture

      Le nouveau ministre de la Culture, Jacques Toubon, a d'abord axé sa politique musicale sur l'enseignement et la diffusion (aide au spectacle vivant et à la musique enregistrée), marquant ainsi sa volonté de ne pas détruire les avancées gagnées par le gouvernement précédent (actions en faveur de la musique contemporaine, de la musique traditionnelle, de la facture instrumentale, etc.). Même si la polémique engagée en début d'année par Michel Schneider, l'ancien directeur de la Musique, sur l'excès de subventions accordées, selon lui, à Pierre Boulez semble oubliée, il reste que la nouvelle équipe de la rue de Valois semble désireuse de redéfinir l'équilibre entre les Régions, toujours aussi actives, et Paris.

    • Chanson française : à marée basse

      La chanson française va de plus en plus mal : cette année, elle ne représente plus que 39,9 % des parts du marché sur son propre territoire. Au-delà des lamentations sur la perte éventuelle de l'identité culturelle et des flèches en chute libre sur les graphiques du marché, il y a les artistes français. Et certains d'entre eux portent une part de responsabilité dans l'invasion sonore anglo-américaine en refusant de considérer le côté financier de leur métier, par peur d'être accusés de mercantilisme. Ce refus prend des formes diverses suivant le genre musical : avec la vague du rock alternatif des années 80, nous avons frôlé l'absurdité totale. Il n'y a qu'en France où un groupe aussi talentueux que les Bérurier Noir, qui reflétaient profondément l'esprit d'un renouveau musical et étaient suivis par un public grandissant, a choisi de s'autodétruire – tout en condamnant à mort les autres groupes dans son sillage – plutôt que d'assumer le succès pour des raisons idéologiques peu convaincantes. L'argent est l'un des derniers tabous, quasiment infranchissable dans notre pays traumatisé par le syndrome du poète maudit. Mais tant que la réussite financière sera symbolisée par les bébés Jordy et que le talent sera salué par l'incompréhension du public, nous n'aurons jamais des Prince ni des Madonna. Tant mieux, peuvent penser hâtivement certaines personnes... Mais à tort, car 80 % du marché du disque concerne les 12-20 ans. Et ne nous leurrons pas : la majorité des kids ne considéreront jamais la plupart des lauréats des Victoires de la musique comme de la musique écoutable. Car l'équation entre la jeunesse et la musique comprend avant tout comme facteurs une certaine révolte, une identité propre à une génération et une façon de se démarquer par rapport au monde des adultes.

    • Rock'n'roll

      Les chiffres sont des évidences. Des évidences assommantes. Et si l'on se fie aux chiffres, U2, le groupe irlandais, est, depuis trois ou quatre ans, le plus grand groupe du monde. La bande à Bono avait décroché la timbale au moment de Achtung Baby, un album habile, avec lequel le groupe marchait sur les traces des Talkin'Heads. Il aurait été facile de gérer l'acquis, mais, depuis ses débuts (voilà plus de dix ans), le groupe a toujours su surprendre et lancer de nouveaux défis, comme si se tenir sur le trône l'ennuyait. Son album Zooropa, paru durant l'été, alors que U2 se trouvait au milieu d'une tournée européenne placée sous le signe de l'interactivité, véhiculait le même concept. Des chansons comme un puzzle dont l'auditeur doit chercher la bonne combinaison. Mais c'est sur scène que U2 a donné la véritable dimension d'un délire dont on cerne difficilement les frontières.

    • Arts plastiques : le temps des doutes

      Il faut encore en revenir à la crise du marché de l'art. Elle dure, elle ne paraît pas près de cesser – mais elle affecte inégalement les différentes catégories du commerce artistique et ne peut plus être tenue pour un phénomène isolé ou occasionnel. Derrière elle, une autre révolution de plus de conséquences se devine, la crise de la création contemporaine, privée de repères et de pôles – la crise de l'art autrement dit.

    • Expositions

      Quand nos voisins espagnols baignent, en cette année anniversaire, dans les couleurs telluriques de Miró (1893-1983), notre programmation hexagonale se place sous l'égide de la palette fleurie de Matisse : de part et d'autre des Pyrénées, c'est la couleur qui donne le ton et la saveur de ce millésime 93 relativement généreux. Paris a choisi pour cela la carte événementielle (de Matisse à la collection Barnes) quand la province optait avec autant d'efficacité pour un parti pris historique (du Grand Siècle au bilan plus contemporain de Poésure et Peintrie), nous réservant des rencontres inédites et de nombreuses redécouvertes.

    • Marché de l'art : montagnes russes

      Une alternance de coups d'éclat et de semi-échecs, de ventes à succès où tout s'adjuge plus cher que prévu et d'autres à plus de 60 % de « ravalos » : l'année 1993 du marché de l'art apparaît en forme de montagnes russes. Mais sans fiascos complets, ce qui est, après tout, bon signe.

    • Théâtre : un certain équilibre

      Pléthore. Jamais autant qu'en cette année 1993 le théâtre n'aura semblé aussi florissant. Deux cents ans après la mort du méconnu Vénitien Carlo Goldoni, on a vu le théâtre privé et le théâtre public rivaliser d'invention, on a vu le grand répertoire et les auteurs contemporains se côtoyer sereinement et de très jeunes metteurs en scène s'affirmer dans l'ombre amicale de valeurs sûres et depuis longtemps reconnues. Cette pléthore de productions, si elle traduit une incontestable vitalité dramatique, trahit peut-être aussi une maladie endémique : l'importance des propositions éparpille le public, interdit tout suivi exhaustif dans la presse, laisse peu de chances aux jeunes équipes de se faire connaître. Dopé par une augmentation sensible des subventions d'État au début des années 80, le théâtre semble peu tenir compte d'une époque de crise économique, où la fréquentation des salles est en stagnation. Un budget de la Culture en baisse (moins 5 % environ pour le théâtre) conduira sans doute, passé les premières manifestations de mauvaise humeur, une profession qui se veut responsable à reconsidérer ses manières de fonctionner.

    • Danse : le répertoire

      Parler aujourd'hui de la maturité de la danse contemporaine et du rajeunissement des compagnies classiques tient du lieu commun. Mais c'est sur cet état de fait que l'année 1993 s'est déroulée.

    • Photographie : le flou

      Kodak éternue, le festival d'Arles s'enrhume, et l'ensemble des acteurs du monde de l'image attend avec inquiétude une reprise économique hypothétique... La firme Kodak, à travers ses actions de mécénat, avait littéralement porté le monde de l'image à bout de bras en injectant jusqu'à 8 millions de francs par an – rien qu'en France – afin que des livres, des expositions et des festivals puissent exister. La crise n'épargnant personne, les Voleurs de couleurs ne peuvent plus jouer aux Robins des Bois... Les répercussions de ce changement de politique ont frappé de plein fouet le festival d'Arles. Avec-un budget amputé de 50 %, la manifestation n'a évidemment pas pu cette année jouer pleinement son rôle de projecteur international, et ce malgré le thème « Visions d'artistes », pourtant suffisamment large pour que l'on y intègre des noms prestigieux, tels William Klein, Cecil Beaton, ou Guy Le Querrec. Avec moins de spectateurs, moins de soirées, moins d'expositions, l'ambiance fut triste et conventionnelle, sans audace. Une belle surprise nous attendait néanmoins à l'Espace Van Gogh grâce à la Lettonie et à la Lituanie, avec de très beaux paysages vus à travers l'objectif lyrique de Bulhak, des documents chargés d'émotions sur le quotidien dans les pays Baltes, des images de Vilnius et de ses environs par Cekavicius, ainsi que des vues de Riga avant que les péripéties de l'histoire ne l'aient quelque peu défigurée...

    • Archéologie

      Les vestiges de dix navires antiques et d'installations portuaires remontant aux temps gallo-romains et grecs, telles sont les découvertes faites au cours des fouilles de la place Jules-Verne, à Marseille, à deux pas du Vieux-Port, entre la mi-août 1992 et la mi-août 1993. Découvertes sans doute à peu près uniques. Les 25 à 30 contractuels dirigés par Antoinette Hesnard ont en fait découvert des lambeaux de vie de ce port pendant les quelque huit siècles de l'Antiquité, depuis la fondation de Marseille vers l'an 600 jusqu'au temps des grandes invasions.

    • Architecture

      Terreur. Paradoxalement, l'événement le plus marquant de cette année en architecture aura été la violence froide avec laquelle des terroristes (dont on ignore encore l'identité et les motivations, même si les soupçons se portent sur la Mafia) se sont attaqués à ces joyaux du patrimoine italien que sont le musée des Offices, à Florence, et la magnifique église de Saint-Jean-de-Latran, construite au xviie siècle à Rome par Borromi. La « nouveauté » de cette terrible fureur réside dans la nature même des objectifs visés : des lieux d'art et de culte. Les terroristes se sont sciemment attaqués à ce qui fait lien entre les individus, la foi et l'universalité sacrée des œuvres d'art. Ainsi, dans leur rage de détruire, les artificiers iconoclastes (au sens premier du mot) auront fait « avancer » l'horreur de quelques pas.

    • Patrimoine : le changement dans la continuité

      Avec le retour de la droite à Matignon et le remplacement de Jack Lang par Jacques Toubon, rue de Valois, la politique du patrimoine allait-elle subir un infléchissement ? Priorité pour le RPR, déclarée avant même l'investiture du nouveau ministre, ce dernier intègre dans le budget qu'il propose à l'automne une loi-programme (la deuxième du genre) étalée sur 5 ans. Ce texte prévoit un budget d'un milliard et demi de francs, pour 1994, et une augmentation minimum garantie de 2 % par an. Il y a donc là une première continuité – financière – puisque le précédent ministre avait, lui aussi, mis en chantier une loi-programme (en tablant, affirmait Jack Lang, sur une progression d'au moins 5 %). Autre question : le remplacement, le 6 juillet 1993, de Christian Dupavillon par Maryvonne de Saint-Pulgent à la tête de la direction du Patrimoine implique-t-il un changement de doctrine ? L'architecte, familier de Jack Lang, longtemps conseiller du président de la République en matière de grands travaux, avait une conception élargie de son domaine. Il étendit son champ d'intervention en direction du patrimoine du xixe siècle (« découvert » par Bruno Foucart, Michel Guy étant ministre des Affaires culturelles), mais aussi du xxe siècle. Une percée difficile à faire admettre et qui s'est accompagnée d'un gros travail pédagogique, en direction des collectivités territoriales comme de sa propre administration. Dupavillon s'est également intéressé au patrimoine lié au monde du travail, en indiquant des solutions possibles pour arriver à protéger bâtiments industriels ou commerciaux. L'aménagement du port de Douarnenez, avec sa flottille de vieux gréments, est aujourd'hui considéré comme une réussite. Le bras armé de cette action fut l'Inventaire – avant de protéger, il faut dénombrer – et sa bête noire, le « patrimoine-spectacle », grande tentation des collectivités locales. Ces dernières sont, bien sûr, épatées par des « événements » dont la grand-messe du Puy-du-Fou est le syndrome le plus frappant : celle-ci conjugue, à guichets fermés depuis une douzaine d'années, la mémoire rurale, l'anecdote et la politique, sur fond de monument historique, sans lésiner sur le feu de Bengale et le rayon laser.

    • Bande dessinée

      Il est loin le temps où la bande dessinée se déclinait exclusivement sous la forme d'illustrés et où chaque semaine le jeune lecteur se rassasiait de courts épisodes d'une ou deux planches mettant en scène ses héros de papier préférés. Depuis quelques années, l'album cartonné et luxueux a supplanté le modeste périodique, et la disparition en 1993 des revues Vécu (éditions Glénat) et Hello Bédé (éditions du Lombard) ne fait qu'amplifier le phénomène. Reste que les quelques magazines encore sur le marché semblent se porter plutôt bien ; en témoigne Fluide glacial (éditions Audie) qui fête en grande pompe la sortie de son 200e numéro en février 1993.

    • Programmes télé : le show dépasse la réalité

      La mode des reality-shows, lancée en septembre 1992, a été sérieusement ébranlée par trois affaires mettant en cause la responsabilité de TF1. Ainsi lors de « Témoins No 1 » du 26 avril, les animateurs se transformèrent en auxiliaires de justice (ils avaient demandé à être requis par le juge d'instruction), pendant que des gendarmes recevaient au standard les appels de téléspectateurs lances sur la piste d'un mystérieux criminel. Un mois plus tard, à l'occasion de « Mea Culpa », une jeune Drômoise confessait un viol incestueux dont elle avait été victime. Les habitants de son village, accusés implicitement d'avoir caché l'affaire, criaient au scandale, reprochant à TF1 d'avoir truqué les reportages afin de « faire cadrer la vérité avec un audimat friand de ces affaires ».

  • Sports
    • Sports 93 : en dents de scie

      L'actualité sportive de cette année 93 ne s'est pas circonscrite à la nauséabonde affaire OM-Valenciennes et à la crise du football français. Mais ces deux feuilletons, intimement liés et abondamment relayés par la presse, ont profondément marqué les esprits. La rocambolesque élimination des Bleus de la Coupe du monde est la conséquence d'un malaise général, de la pusillanimité de la Fédération et de l'incurie des joueurs. Et le scandale OM-Valenciennes peut être perçu comme le symbole de toutes les dérives du football professionnel.

    • Portraits

      Les Américains raffolent de ces histoires exemplaires en forme de contes de fées. Avec Gail Devers, ils sont comblés. La femme la plus rapide du monde est une athlète miracle, sortie de l'enfer pour devenir championne. Dans la vie de Gail Devers, il y a l'avant et l'après 1988. Aux JO de Séoul, cette jeune sprinteuse, âgée de 22 ans, est éliminée sans gloire des demi-finales du 100 m.

    • Disciplines

      Quatre records du monde battus, un autre égalé, des courses palpitantes, des révélations, un public chaleureux et connaisseur, le Mondial d'athlétisme de Stuttgart a tenu toutes ses promesses, affichant un niveau d'ensemble supérieur à celui des JO 92. Les grandes tendances constatées à Barcelone se sont confirmées : leadership des États-Unis, déclin des ex-pays de l'Est et plus généralement du Vieux Continent, montée en puissance de l'Afrique et de l'Asie. Par ailleurs, dix champions olympiques barcelonais ont été de nouveau sacrés à Stuttgart. Quant aux deux grands athlètes de la décennie, l'Américain Carl Lewis et l'Ukrainien Sergueï Bubka, ils ont connu des fortunes diverses : l'un poursuit son règne, l'autre l'achève.

  • Statistiques
  • Nécrologie

    Abe (Koho), écrivain japonais, auteur notamment de la Femme des sables (Tokyo 1924 – id. 22/01/93).