Le 16 mai, l'explosion d'une voiture piégée à Beyrouth-Ouest fait 7 morts, dont le cheikh Hassan Khaled, mufti sunnite du Liban, et 75 blessés. Pour la première fois depuis 1975, le chef d'une communauté religieuse est assassiné. Les funérailles de cette personnalité respectée de tous donne lieu à une rare manifestation d'unanimité nationale. La Syrie met aussitôt en cause le général Aoun. Et le secteur chrétien, qui s'est associé au deuil, réplique en rappelant les nombreuses prises de position du mufti peu complaisantes pour Damas.

Tout le monde s'intéresse au Liban...

Deux événements dominent l'été libanais : une nouvelle crise des otages et la résistance du général Aoun à une offensive militaire des forces druzes et syriennes. Dans la nuit du 27 au 28 juillet, un commando israélien héliporté enlève un dignitaire religieux du Hezbollah pro-iranien, cheikh Abdel Karim Obeid, et deux de ses adjoints, à Jibchit, un village du sud du Liban. Le nom du cheikh est lié à des affaires de rapt, notamment celui du lieutenant-colonel William Richard Higgins, un officier américain de l'ONUST (Organisation des Nations unies pour la surveillance de la trêve), kidnappé le 17 février 1988. Sans doute l'État juif escompte-t-il utiliser le responsable chiite comme monnaie d'échange avec le Hezbollah dans un processus permettant la libération de tous les otages au Liban. Ce pari dangereux ne tient pas compte du fanatisme des extrémistes chiites et de leur mépris de la vie humaine.

La riposte des intégristes islamiques est aussi soudaine que sinistre. Le 31 juillet, le groupe nommé « les Opprimés de la Terre » annonce l'« exécution », par pendaison, du colonel Higgins. Cet assassinat de sang-froid, qui est authentifié par une vidéocassette déposée dans les bureaux d'un journal de Beyrouth, ne met pas fin au chantage contre Washington et Jérusalem. « L'Organisation de la justice révolutionnaire » (OJR) menace à son tour d'« exécuter » l'otage américain Joseph James Ciccipio, qu'elle détient depuis le 12 septembre 1986, si le dignitaire chiite n'est pas libéré dans les quelques heures.

Entraîné malgré lui dans cette dramatique affaire, le président Bush affronte sa première crise grave depuis son arrivée au pouvoir. Il est placé devant un dilemme : d'un côté, il souhaite agir avec prudence pour ne pas compromettre davantage le sort des autres otages du Liban, dont huit Américains ; de l'autre, il sait que, si de nouveaux ressortissants américains devaient subir le même sort que le colonel Higgins, il pourrait être soumis à la pression d'une opinion publique révoltée par l'insoutenable spectacle de cadavres se balançant au bout d'une corde.

C'est l'Iran qui permettra aux États-Unis de se sortir d'affaire. Après avoir obtenu un sursis des ravisseurs, Téhéran offre, le 4 août, son aide à Washington. L'épreuve de force se transforme, au soulagement de tous, en un grand marchandage diplomatique qui s'inscrit dans la longue négociation irano-américaine toujours en cours. Le pragmatique président iranien, M. Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, qui a fait pression sur les preneurs d'otages, sort renforcé de la crise. Cela n'empêche pas, sur le terrain, les chiites pro-iraniens de lancer une opération de représailles : elle a lieu le 9 août sous la forme d'un attentat au camion-suicide qui blesse gravement 5 soldats israéliens.

Quelques jours plus tard, le feu se rallume entre l'armée syrienne et celle du général Aoun. Aux duels d'artillerie succède, le 13 août, la première offensive sur le terrain. La milice druze de M. Walid Joumblatt, aidée par les Palestiniens prosyriens et épaulée par les forces syriennes tente, à moins de 10 kilomètres de Beyrouth, de s'emparer du village en ruine de Souk-el-Gharb, verrou stratégique qui commande l'accès sud au cœur du « pays chrétien ». Mais le général tient bon et le verrou ne saute pas. Le 15 août, ce secteur retrouve un calme relatif.

Le retrait américain

La poursuite des bombardements mutuels, à Beyrouth même, conduit la France à revenir sur scène. Le 13 août, elle envoie cinq émissaires dans la plupart des capitales concernées par le conflit. Ses démarches ont pour objet d'obtenir un cessez-le-feu et d'inciter le comité tripartite de la Ligue arabe à reprendre ses efforts. Le 17 août, Paris appuie son action diplomatique par l'envoi au large du Liban de la frégate Duquesne et surtout du porte-avions Foch pour « apporter l'assistance qui pourrait se révéler nécessaire » au cas où s'imposerait le rapatriement d'une partie des 7 000 Français du Liban (dont 84 % ont la double nationalité). M. Rocard n'exclut pas d'« imposer le silence localisé et temporaire des canons, le temps des opérations humanitaires ».