Ce qui était recherché, c'était, à partir de la mise en œuvre des « grandes » technologies dans l'industrie, de parvenir à une amélioration immédiate et conséquente du niveau de vie des consommateurs. Dans ces conditions, il était exclu que, au-delà de la réalisation de gains de productivité, le processus consommation-production puisse évoluer et surtout le système économico-social se transformer sous l'influence de ces technologies.

Même les innovations les plus radicales, si elles aboutissaient à la mise en place de processus de production différents, ne modifiaient pas les relations entre le système de production et celui de la consommation (il importe peu en effet au consommateur d'électricité que celle-ci lui soit fournie par une centrale nucléaire, hydroélectrique ou thermique). Sur le plan économique et social, le pouvoir de transformation de ce type d'innovations était et reste donc pratiquement nul.

D'autre part, avec les « révolutions techniques » sont apparus des produits et des secteurs industriels nouveaux : ainsi, le développement de l'industrie des plastiques dans les années 1960 a abouti à l'invasion du marché par des objets inconnus auparavant qui, en raison de leur utilité sociale, se sont diffusés très rapidement et très largement. Mais, si ces techniques « révolutionnaires » réussissent aussi facilement grâce à leur intérêt quotidien, elles ne peuvent pas entraîner pour autant le bouleversement des structures économiques et sociales. Par exemple, malgré leurs nombreux usages, les plastiques ne peuvent jouer d'autre rôle dans la vie courante que celui de substituts à des produits existants (papier, bois, métaux...).

L'irruption des nouvelles technologies

À partir du début des années 1970, le développement de l'informatique et de l'automation, l'introduction de nouvelles espèces de plantes en agriculture, l'apparition de nouveaux matériaux et la diffusion de toutes sortes de nouveaux produits dans le public ont donné l'impression qu'une nouvelle génération d'innovations et de technologies était née, qui prenait la place des « grandes » technologies et qui orientait le développement économique dans des directions très différentes. En même temps, une idée tendait à prévaloir, selon laquelle la recherche scientifique (sous toutes ses formes) devait se mettre au service tant des consommateurs que des producteurs.

Depuis cette époque, en effet, une évolution originale se dessine sous l'action de quelques facteurs d'ordre économique et social. Elle tend à réduire la place des « grandes » technologies pour en accorder une plus importante aux nouvelles.

D'une part, les industriels observent qu'ils ne peuvent plus attendre des premières les gains de productivité élevés qu'ils obtenaient dans le passé, car il devient de plus en plus difficile à l'industrie d'échapper aux effets de la loi des rendements décroissants et parce que les technologies semblent perdre de leur efficacité. Ces industriels sont donc conduits à se demander s'il ne faudrait pas changer de système de production ou, tout au moins, recourir à d'autres technologies.

D'autre part, les consommateurs ont cessé d'être boulimiques. Ils montrent moins d'empressement à acquérir et à accumuler des produits qui, bien que moins coûteux, ne sont pas assez différenciés. Au contraire, ils semblent éprouver plus de satisfaction à se procurer, quand ils le peuvent, des produits de qualité et surtout personnalisés, c'est-à-dire plus conformes à leurs goûts personnels et à ceux de leur milieu social.

Dès lors, le secteur industriel (et, dans une moindre mesure, le secteur agricole), pressentant les difficultés d'écoulement de ses produits, est amené à donner la préférence à des processus de production plus souples. Entre les contraintes impliquées par un tel objectif et la pression exercée par les consommateurs, qui, réunies, définissent les technologies auxquelles les industries doivent recourir, ces dernières se trouvent placées devant une situation tout à fait nouvelle.

Plus précisément, il apparaît que les tâches fondamentales des entreprises industrielles consistent maintenant à obtenir de l'information (de la part des consommateurs notamment), puis à organiser et à contrôler la production en fonction des informations collectées, et finalement à communiquer avec l'extérieur.