Ce trafic utilise des avions d'une capacité moyenne qui peut aller de 8 à 10 sièges jusqu'à 50 à 100 places. Pour la commodité des passagers, plusieurs liaisons aller et retour quotidiennes sont proposées à des horaires différents. Il y a donc multiplication des vols d'appareils plus lents que les courriers à réaction, mais qui utilisent fréquemment les mêmes niveaux de vols et, bien entendu, les mêmes aéroports principaux. D'un autre côté, il n'est absolument pas nécessaire d'utiliser uniquement de très gros porteurs de 300 à 500 places sur les vols internationaux, même très long-courriers ; il existe en effet des lignes à longue distance où le nombre des passagers par vol est restreint ou sur lesquelles il faut assurer plusieurs fréquences au lieu d'une.

Les compagnies exploitent donc ou vont exploiter – en particulier avec les futurs Airbus A 330 et A 340 – des avions plus petits et des vols plus nombreux. D'où, principalement les jours de pointe, la congestion de l'espace aérien et la saturation des aéroports, l'attente sur les voies de roulement avant le décollage ou en « hippodrome » (circuit d'attente) avant l'atterrissage, les difficultés de stationnement devant les aérogares pour les avions et, à l'intérieur, les files interminables pour les passagers.

Militaires riverains, écologistes...

Si l'espace aérien européen n'est pas indéfiniment extensible, s'il faut, là aussi, le laisser ouvert aux vols privés, dont le trafic est appréciable, et s'il est impératif de tenir compte des demandes des différentes armées de l'air qui exigent des zones réservées (l'OTAN, en particulier, effectue 800 000 missions par an sur le territoire de la RFA), les problèmes d'infrastructures au sol sont, comme aux États-Unis ou au Japon, loin d'être résolus.

Un peu partout, les associations de riverains luttent contre les nuisances aéroportuaires et obtiennent souvent – hors urgence – la fermeture des pistes pendant une partie de la nuit. Le développement indispensable de certains aéroports, comme celui de Francfort, est freiné par les manifestations des écologistes. L'envahissement des zones rurales par le tissu urbain, comme à Munich, interdit les extensions et impose la création de nouvelles plates-formes. Le recrutement et la formation des contrôleurs, ralentis ces dernières années, comme ce fut le cas pour les pilotes, par la chute d'activité du transport aérien due à la crise, ne peuvent s'accélérer du jour au lendemain, même en augmentant les crédits. Cinq années, en effet, sont nécessaires pour former un contrôleur qualifié et pour qu'il devienne opérationnel ; en France, quelque 200 pilotes de ligne seulement sortent des écoles chaque année.

D'un autre côté, en raison de la concurrence, les compagnies doivent à la fois offrir des tarifs attirants et des prestations améliorées, embaucher des pilotes et du personnel navigant commercial, renouveler les flottes en s'équipant d'avions moins bruyants, plus économes en carburant et plus confortables, qui utilisent les technologies de pointe... et qui sont donc de plus en plus chers. Dans l'immédiat, elles doivent aussi faire face au coût considérable des retards (5 200 heures ont été ainsi perdues par la Lufthansa en 1987, en raison de la saturation de Munich et de Francfort), à l'augmentation des taxes aéroportuaires de stationnement et d'assistance, à celles du carburant et de la prise en charge des passagers « en souffrance » (repas, hébergement, etc.).

Les chiffres sont éloquents. Selon l'ATA (l'Association des transporteurs nord-américains), l'accumulation des retards pour cause d'encombrement des plates-formes aboutit à une perte d'activité de 2 000 heures environ par jour aux États-Unis, ce qui correspond à l'immobilisation d'une flotte de 250 jets (le douzième de celle des États-Unis) et à une facture annuelle de 4 millions de dollars. Certes, moins grave en Europe, la situation reste sérieuse, en particulier en RFA, où le trafic a crû de 13 % en 1987 sur les douze principaux aéroports et où il devrait augmenter de 16 % en 1988 en mouvements de survol (on passerait ainsi de 462 000 mouvements civils en 1987 à 534 000 en 1988, à quoi il faut ajouter les 800 000 missions militaires déjà citées...).

Des évaluations dépassées

Manifestement, les administrations aéronautiques des États européens ont été surprises par les événements. Mais, au nom des autres directeurs généraux de l'aviation civile des États membres de la CEAC, le Français Daniel Tenenbaum a fait remarquer, lors de la réunion générale du 1er juin 1988, que lesdites administrations ont dû se fonder sur des prévisions de trafic nettement sous-évaluées tant par l'AEA (l'Association des compagnies aériennes européennes) que par Eurocontrol (l'organisme européen chargé de la coordination du contrôle aérien et de la facturation des taxes en route). Les directeurs généraux ont donc mis en demeure leurs interlocuteurs de leur fournir d'urgence des estimations plus réalistes et plus crédibles pour établir en conséquence la politique à appliquer. C'est ainsi qu'ils pourraient demander à leurs gouvernements respectifs que soit freinée l'ouverture de nouvelles lignes et que soient créées de nombreuses dessertes pour les avions lents et de capacité restreinte, qui occupent trop longtemps l'espace aérien utilisé par les gros porteurs rapides. Ce point de vue est assez largement partagé par M. Günter O. Eser, directeur général de l'IATA.