Les compagnies aériennes souhaitent une large libéralisation en Europe. Les transporteurs nord-américains d'abord, mais aussi les transporteurs asiatiques : leurs charges salariales sont beaucoup plus légères et ils comptent s'attribuer de larges portions du trafic sans pour autant laisser les compagnies européennes s'implanter dans leurs propres pays. M. Eser craint que l'on n'aboutisse, pour les passagers comme pour les compagnies, à la perte des avantages escomptés, à moins que ne se manifeste la volonté politique d'alléger les contraintes affectant le système au sol et dans les airs. Le transport aérien est un ensemble où l'on retrouve les compagnies, les aéroports, les organismes de contrôle. Agir sur l'une de ces composantes peut avoir des conséquences sur les autres ; le système doit être cohérent. C'est d'ailleurs l'opinion unanime des dix-huit directeurs généraux européens.

Des cellules de crise

Dans l'immédiat, face à l'ampleur du problème, on n'a pu prendre que des mesures limitées, comme l'amélioration des interconnexions entre les ordinateurs et les radars des centres de contrôle, qui existent dans le nord de l'Europe (mais pas entre la France et l'Espagne, où le téléphone demeure la seule liaison en service). On a aussi prévu – et cette mesure a déjà été appliquée – de retarder les vols IFR privés (vols aux instruments sous plan de vol) les jours de pointe, en privilégiant les vols commerciaux. Mais il sera difficile d'éviter que des passe-droits soient accordés aux gens influents et de fermer l'oreille aux réclamations de ceux à qui ils seront refusés. En outre, une telle mesure est-elle constitutionnelle ? À l'instar des pilotes américains, les pilotes privés européens ne devraient pas manquer de s'unir pour faire valoir eux aussi leur droit à la liberté du ciel. Plus concrètement, afin de permettre aux administrations concernées d'élaborer une adéquation satisfaisante entre l'offre de transport et les moyens de contrôle, Eurocontrol a été impérativement prié de remettre en décembre 1988 une évaluation de la capacité exacte de l'occupation du ciel européen à l'horizon 1995. Dans l'immédiat, pour gérer le mieux possible la situation sur le plan européen, il a été décidé de mettre en place des cellules de crise pendant les périodes critiques.

Le Royaume-Uni n'a pas cru devoir s'associer à cette initiative ; peut-être parce que de nombreux vols charters transitant au-dessus de l'Europe occidentale partent de Grande-Bretagne ou s'y rendent, sans trop tenir compte de la saturation du ciel... Inaugurées pour la Pentecôte, ces cellules n'ont pas démontré toute l'efficacité que les administrations comme les passagers étaient en droit d'en attendre. Simplement, ces derniers ont été mieux informés de la cause – sinon de la durée – du retard de leurs vols. Mais une période de rodage était indispensable.

Désengorger la circulation aérienne est donc une tâche de longue haleine qui ne pourra être menée à bien qu'en plusieurs années, dans le cadre mis en place par une concertation internationale efficace, une volonté politique soutenue et l'octroi de crédits importants. Ceux-ci devront notamment servir à la création de structures aéroportuaires (pistes, aides radioélectriques à l'atterrissage, postes de stationnement, aérogares...) et de contrôle (personnel suffisamment nombreux et bien formé, installations radar plus performantes et interconnectées, radars de bord anticollision, etc.), ainsi qu'à l'entrée en service d'avions de conception technologique de pointe, pilotés par des équipages d'un haut niveau technique harmonisé. La mise en place d'une réglementation cohérente, fonctionnelle et adaptée, assortie d'une coopération plus poussée, en particulier en Europe, entre aviation civile et circulation aérienne militaire devra compléter le tout. Car qui dit engorgement dit danger de collision, et, en aéronautique, le premier impératif est et doit demeurer la sécurité des vols. Même coûteuse. Même « hors de prix ».

L'année des grandes premières

L'année 1988 a été celle des « grandes premières » aérospatiales.