Outre ces effets sur le cadre de vie, l'emploi systématique des pesticides provoque de graves déséquilibres écologiques. De nombreux prédateurs et parasites qui limitent le développement des insectes nuisibles sont détruits par les insecticides, ce qui, à terme, conduit à la pullulation de certains ennemis des cultures. De plus, apparaissent des souches résistantes de parasites et d'insectes qu'aucun pesticide n'est capable d'éliminer. On cite ainsi 450 espèces d'insectes nuisibles contre lesquelles aucun insecticide n'est efficace.

La pollution des écosystèmes continentaux ou marins menace par ailleurs gravement certaines espèces animales, tel le faucon pèlerin, en très forte régression sous l'action des pesticides organochlorés, actuellement interdits en Europe mais exportés dans le tiers monde. Des études ont montré que la majorité des matières actives contenues dans les pesticides ont une action nocive pour au moins une des composantes de la faune.

Devant cette avalanche de critiques le plus souvent fondées, émises par ceux qui se soucient de protection de la nature, les industriels rappellent que des progrès appréciables ont été réalisés depuis la mise au point du DDT, il y a quarante ans, et que les pesticides sont maintenant beaucoup plus sélectifs dans leur action. Certains écologistes rétorquent que, si les techniques de contrôle par les pesticides étaient vraiment efficaces, ce serait une catastrophe pour l'industrie chimique. Même si on ne peut nier que l'emploi de ces produits participe aux progrès de l'agriculture, on reste perplexe devant certaines affirmations comme celle de l'Environnemental Protection Agency (EPA) selon laquelle les pertes de récoltes des agriculteurs américains ont doublé en trente ans alors que l'utilisation de pesticides a été multipliée par douze (The New Ecologist, mai-juin 19787, cité par Mohammed Larbi Bouguerra, le Monde diplomatique, mai 1987.).

Les méthodes biologiques

Dans un tel contexte, le développement de la lutte biologique n'a donc rien d'étonnant. Consistant à opposer à un être vivant nuisible un autre être vivant qui l'attaque et le détruit, cette méthode permet d'éviter les risques secondaires des pesticides chimiques et, dans certains cas, d'être plus efficace. Les agents utilisés peuvent être classés en deux catégories : les micro-organismes (bactéries, virus, champignons) et les invertébrés entomophages, c'est-à-dire qui se nourrissent d'insectes à différents stades de leur développement (amibes, nématodes, insectes). Aboutissement de longues recherches, des applications commerciales de lutte biologique sont maintenant mises en œuvre. C'est le cas notamment dans les cultures sous serres, dont l'atmosphère est particulièrement favorable à la pullulation des ravageurs et parasites. L'un d'entre eux, l'aleurode des serres (Trialeurodes vaporarium), insecte homoptère voisin des pucerons, dit aussi mouche blanche, est soumis aux attaques d'un parasite hyménoptère spécifique (Encarsia formosa). Les résultats sont satisfaisants, meilleurs même que ceux obtenus par les pesticides, dont l'action est limitée à certaines phases du cycle de vie de l'insecte. Des travaux sont menés par ailleurs pour le traitement de maladies des arbres difficiles à traiter chimiquement : c'est le cas du chancre du châtaignier, dont l'agent est un champignon (Endothia parasitica), de la graphiose de l'orme, du dépérissement du platane. Dans les champs de maïs, attaqués par un lépidoptère redoutable, la pyrale du maïs, on procède au lâchage d'un hyménoptère minuscule, le trichogramme, de moins de 1 mm de taille, qui pond dans les œufs de la pyrale et provoque ainsi leur destruction. Cette forme de lutte semble pouvoir prendre de l'importance.

Ces méthodes de défense biologiques, encore loin de concurrencer sérieusement les produits chimiques, témoignent des nouvelles orientations que prend la lutte phytosanitaire, de plus en plus fréquemment mise en œuvre sous forme de « lutte intégrée », consistant en une utilisation harmonieuse des produits chimiques, ayant recours à la sélection des plantes, pratiquant les méthodes de culture et de lutte biologiques. D'une manière générale, la lutte biologique témoigne d'une nouvelle conception de l'agriculture, qui se veut tout aussi efficace que celle reposant sur l'emploi massif et insuffisamment raisonné de produits industriels mais qui a le souci d'harmoniser ses rapports avec l'environnement et avec les ressources naturelles.