Cet objectif est aussi celui de l'agriculture dite « biologique », définie comme n'utilisant pas de produits chimiques de synthèse. Fondée sur l'idée que les aliments obtenus à partir de ces produits ne sont pas les meilleurs possibles pour la santé, elle connaît une progression régulière tout en restant très marginale devant les méthodes de production dominantes.

Enfin, il faut rappeler que le champ de la biologie est en train de fournir à l'agriculture certains instruments qui préoccupent les milieux écologistes. Il s'agit, par exemple, de bactéries génétiquement manipulées, utilisées pour lutter contre le gel. Inaugurée aux États-Unis en 1987 sur les fraisiers, cette technique préoccupe ceux qui pensent que les bactéries répandues sur les cultures peuvent s'en échapper et coloniser le milieu environnant, notamment les plantes adventices, qui, protégées contre le gel, pourraient envahir les parcelles cultivées. Les biologistes affirment que les risques sont minimes.

L'agriculture intensive et le patrimoine

Notre « capital nature » (air, eau, sol, flore, faune) est en permanence mis à contribution par les activités agricoles. On l'a vu en ce qui concerne la pollution des eaux et les destructions faunistiques. Mais il reste d'autres domaines de notre patrimoine sur lesquels les transformations de l'agriculture depuis une trentaine d'années ont eu des effets considérables. Il s'agit notamment du stock génétique, végétal et animal, des sols cultivables et de l'environnement paysager.

L'un des faits nouveaux apparus avec les simplifications qu'entraîne l'agriculture intensive moderne est le risque d'un sérieux appauvrissement des ressources génétiques. L'époque est révolue qui faisait des paysans les architectes et les gardiens d'un édifice génétique sans cesse remodelé et diversifié. La spécialisation régionale de l'agriculture et la domination de quelques firmes sur la création et le commerce des variétés cultivées ont éliminé le rôle ancestral des communautés villageoises dans l'adaptation des variétés et des races aux conditions locales de climat et de sol. Ainsi qu'on a pu le faire remarquer, « l'agriculture cesse d'être un réservoir bouillonnant de diversité » (Cauderon (A.), Pour une politique de la diversité écologique, Ministère de la Recherche et de la Technologie, Bureau des ressources génétiques.). D'innombrables variétés de plantes et de races d'animaux domestiques laissent la place à quelques variétés et races homogènes, à haute productivité, dont la diffusion est internationale. La diversité et la richesse génétique étant menacées par les pressions exercées par l'homme sur le milieu qu'il a modelé, c'est aux sociétés humaines elles-mêmes qu'incombe la tâche de leur sauvegarde. D'où les actions engagées pour constituer des « banques de gènes » pour les principales espèces domestiques et pour assurer la protection des formes végétales spontanées dans certains parcs naturels. D'une manière plus générale se dessinent des politiques pour la surveillance écologique des écosystèmes et de l'ensemble des territoires.

Si les ressources génétiques du milieu artificialisé par nos très vieilles agricultures sont menacées, celles d'un écosystème naturel par excellence, la forêt vierge, ne le sont pas moins. La forêt tropicale, qui ne couvre que 7 p. 100 du globe, abrite la moitié des espèces végétales et animales recensées à ce jour. Or, l'étude des images satellites montre que neuf millions d'hectares de forêt sont détruits chaque année : à ce rythme, ce biotope foisonnant disparaîtrait en 2135. L'extension des terres cultivées, principale cause de cette hécatombe forestière, justifie-t-elle cette agression contre la plus grande réserve génétique de la planète ? Pour beaucoup, il s'agit d'une perte irréparable, contrairement à ce que pourrait faire croire l'avènement de l'ingénierie génétique, car celle-ci se borne à manipuler des gènes ou à modifier des génomes d'êtres vivants. L'appauvrissement du patrimoine génétique de la planète limite donc le champ d'action du génie génétique.