À la veille d'un profond renouvellement de leurs gammes qui leur permettra de sortir de leur actuelle monoculture (la 205 et la BX représentent près de 50 % des immatriculations de Peugeot et de Citroën), les marques françaises ont cependant préparé leur contre-offensive. Renault, cette année, aura sorti trois modèles (la R 25, l'Espace et la Supercinq). Peugeot aura retrouvé, grâce à la 205 turbo 16 et aux rallyes, une image sportive. Dans les deux groupes, la nécessité de définir de nouveaux systèmes internes de relations et de communications n'est plus contestée. La commission, animée par François Dalle, chargée de réfléchir sur l'avenir de l'industrie automobile aura eu le mérite de provoquer de larges débats et de préparer l'opinion à de profonds bouleversements. Nécessité des suppressions d'emplois (54 000 d'ici à fin 1988 chez les constructeurs, 20 000 chez les équipementiers), des remises à niveau des prix de vente (3 % sur deux ans) et des réparations, d'aides supplémentaires (un montant minimum de 6 milliards par an de prêts participatifs au taux le plus réduit possible), le président de la Commission nationale de l'industrie aura renvoyé la balle dans le camp des pouvoirs publics. Tout en insistant pour que les constructeurs français s'inspirent davantage du modèle japonais de gestion et d'organisation de leurs unités de production.

Deux dossiers, celui de l'essence sans plomb et celui du projet européen sur la distribution automobile, sont enfin venus en décembre troubler les certitudes et révéler au grand jour les profondes divergences d'intérêts.

Seat sans Fiat

Après avoir vécu pendant trente ans sous les auspices et avec l'assistance technique de la Fiat, Seat, la deuxième marque automobile espagnole après la FASA-Renault, est devenu, cette année, un constructeur à part entière. En 1980, le groupe de Turin cédait ses intérêts à l'Institut national de l'industrie contrôlé par le gouvernement espagnol et retirait à son ancien licencié toute possibilité d'avoir accès à ses bureaux d'études. Complètement nationalisé, Seat a depuis lors reçu la manne gouvernementale pour continuer à exister (80 milliards de pesetas) et s'est battu pour améliorer sa productivité (7 000 emplois supprimés). Pour commercer le renouvellement de ses gammes, il a fait appel à plusieurs grands noms de l'automobile européenne. Le jugement rendu, en novembre 1983, par le tribunal de la Chambre de commerce internationale de Paris lui a accordé le feu vert pour commercialiser ses modèles hors d'Espagne. Autant de conditions indispensables pour assurer le redémarrage de l'affaire.

Avec de nouvelles équipes — souvent formées à l'école de Ford-Europe — le constructeur de Barcelone que dirige, depuis janvier 1984, Juan Antonio Diaz Alvarez lance en octobre 1984 sa première voiture : l'Ibiza. En mettant en avant les prestigieux patronages dont elle a bénéficié avant de voir le jour : Giugiaro pour le design, Porsche pour l'étude et le développement moteur, Karmann pour la carrosserie et les méthodes d'industrialisation. Présentée à la fin de l'année 1984, la Malaga — une nouvelle version 3 volumes 4 portes de l'Ibiza — est venue compléter la gamme qui désormais devrait voir apparaître un nouveau modèle ou une nouvelle version tous les six mois.

Le producteur de Seat devrait se situer en 1985 à 320 000 voitures (dont 70 000 Ibiza).

Saturne fait rêver General Motors

Dès janvier, Roger Smith, président de General Motors, dément ceux qui, jusqu'alors, n'avaient vu en lui qu'un pape de transition. Les deux bombes qu'il lance en ce début d'année vont modifier cette réputation : le projet Saturne et la mise en chantier d'une gigantesque réorganisation de la plus grande corporation mondiale.

L'ambition de Saturne ? « Effectuer dans tous les domaines des progrès significatifs » pour abaisser de 2 000 dollars — plus du tiers du niveau actuel — les coûts de production des petites cylindrées de la GM au début des années 90. L'aérodynamisme, le poids, les aménagements intérieurs, la conception des moteurs et l'automatisation des lignes de production, R. Smith assure que tout sera passé au crible avec la plus grande détermination. En profitant pleinement des enseignements de la collaboration amorcée depuis 1983 avec Toyota, le numéro un japonais, 200 000 Nova dérivées de la Toyota Sprinter seront construites chaque année par 3 000 personnes à Fremont, en Californie, par une filiale commune baptisée New United Motor MFG Inc. Comme aussi du savoir-faire acquis depuis des lustres avec les deux autres Japonais, Isuzu (34,2 % du capital détenu par GM) et Suzuki (5,3 %), auxquels R. Smith n'a pas hésité à prêter des sommes importantes pour qu'ils produisent les petits modèles qui manquent dans les catalogues de la corporation, tant aux États-Unis que dans le reste du monde. En avril, 300 ouvriers GM sont envoyés dans les usines japonaises pour suivre des stages de formation.

Les grands moyens

Financier de formation, comme le sont traditionnellement les présidents de GM, Roger Smith n'a pas craint, dans le même temps, de s'attaquer de front à la plus vaste réorganisation que son groupe ait jamais entreprise depuis les années 20. Début 1985, les cinq marques du groupe — Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile, Buick, Cadillac — auront été conservées ainsi que leurs réseaux commerciaux, mais leur potentiel industriel sera rassemblé en deux entités : l'une pour les grosses cylindrées (Cadillac, Buick, Oldsmobile), l'autre pour les petites cylindrées (Chevrolet, Pontiac).