Entre le printemps de 1983 et celui de 1984, le prix du polyéthylène basse densité, l'un des plastiques les plus ordinaires, est passé de 4 500 à 7 500 F la tonne, soit une hausse de 70 %! Dans le même temps, le prix du naphta (qui sert de matière première à l'industrie pétrochimique) a stagné, en dépit de la forte hausse du dollar, sa monnaie de référence. La situation était donc idéale ! Ajoutons que la fermeté du dollar a eu un double effet favorable : elle a permis une augmentation sensible des exportations vers les États-Unis et elle a réduit la concurrence des entreprises américaines sur les marchés tiers (leurs prix à l'exportation n'étaient plus compétitifs). Les résultats exceptionnels de Rhône-Poulenc et de Roussel-Uclaf (pharmacie) sont dus, pour l'essentiel, aux profits réalisés à l'exportation par deux types de produits dont ces deux entreprises se sont faites les spécialistes : les produits pharmaceutiques et les pesticiels.

Des concurrents nouveaux

Les Saoudiens, à travers leur filiale pétrochimique (la Sabic), viennent de faire une entrée en force sur le marché des plastiques et du méthanol, un produit qui sert notamment de substitut au plomb dans l'essence. Du coup, l'été dernier, les prix de certains plastiques ont baissé de 20 %. On craint à juste titre que la production saoudienne ne perturbe gravement un marché européen à peine remis du second choc pétrolier. D'ailleurs, à la mi-septembre, CDF-Chimie annonçait de nouvelles réductions de capacités et tentait de relever ses prix. 1984 devait avoir, à tout le moins, permis de poursuivre, avec plus de sérénité, les plans d'ajustement et de modernisation des unités de production.

La fin des reclassements

D'ailleurs sur le plan des structures, l'année 1984 a vu s'opérer les suites naturelles des nationalisations. C'est ainsi que l'Institut Pasteur-Production a fini par redistribuer ses activités entre l'institut Mérieux (filiale à 51 % de Rhône-Poulenc) et la Sanofi (filiale d'Elf-Aquitaine). Grand malade de ces dernières années, devenu filiale par nécessité du Crédit commercial de France, Nobel-Bozel a finalement été complètement dépecé. Sa branche électro-métallurgique est passée entre les mains de Péchiney, les peintures Valentine ont échu au groupe britannique ICI, tandis que la division « plastiques » était partagée entre un Belge et un Australien. Ainsi, sans drame, sans dépôt de bilan, Nobel-Bozel n'existe plus.

L'entreprise moderne

Vie et mort des entreprises, telle est l'une des facettes de la modernisation. En attendant, la preuve est faite que ce qui est ingérable par tel entrepreneur peut avoir un sens pour tel autre. Ce que les Américains appellent l'asset-stripping (littéralement, le dépouillement d'actifs) est devenu, ces dernières années, une activité financière majeure, dont l'intérêt a été largement confirmé. La preuve : en juillet 1984, le groupe américain Du Pont de Nemours a revendu à trois de ses cadres (et à un établissement financier) l'essentiel de la pétrochimie du groupe pétrolier Conoco, acquis en 1982. Prix de la transaction : 500 millions de dollars ! La technique vient d'être introduite en France. Nul doute qu'elle ne trouve quelques applications dans la chimie et la pharmacie. Car le reclassement à opérer est clair : aux pétroliers la chimie lourde, coûteuse en investissements ; aux chimistes les « spécialités » (pharmacie, biotechnologies, pesticides, pigments, etc.), qui ne coûtent pas cher à produire, mais à découvrir (un milliard pour une nouvelle molécule à usage médical !) ; aux PME entreprenantes les dérivés domestiques (sacs, boîtes, revêtements muraux), qui sont, pour l'essentiel, une affaire de marketing.

François de Witt

Électrique
Électronique

Le kriegspiel mondial

Par rapport à la plupart des grands secteurs industriels, tous plus ou moins frappés par la crise, la construction électrique (et électronique) a relativement bien tiré son épingle du jeu : + 13,7 % de croissance en 1981, + 15 % en 1982, + 13,4 % en 1983, sans doute + 13 % encore en 1984 si on extrapole les résultats plutôt encourageants du premier semestre. Certes, il s'agit là d'une croissance en valeur. En volume, la progression ne dépasse pas quelques pourcents mais ce résultat est préférable à un recul.