Alors que 1983 avait été une année de grandes manœuvres (rapprochement Thomson-CGE dans le téléphone, rachat de l'allemand Telefunken par le même Thomson, refonte totale de l'organigramme de Bull), l'exercice 1984, au moins jusqu'à l'automne, a été caractérisé par la consolidation des positions acquises. Ce qui compte, désormais, c'est le renforcement financier des entreprises du secteur et la maîtrise, dans de bonnes conditions de rentabilité, des technologies d'avenir.

Hervé Jannic

Construction
Mécanique

Mutation pénible

La légère reprise des investissements industriels en 1984 ne paraît pas avoir profité au secteur de la construction mécanique, dont le marché principal est celui des biens d'équipement : un progrès de 2 % des investissements (qui succède à trois années de replis successifs) n'évite pas une chute de 3 % du volume de la production mécanique nationale.

7 000 entreprises, 553 000 salariés, un chiffre d'affaires de 182 milliards de F en 1983, un taux d'exportation passé en dix ans de 10 % à plus de 50 % — les industriels de la mécanique se targuent de n'être pas en retard d'une révolution technologique, mais se plaignent d'un système fiscal et financier qui freine l'investissement productif en France. Les nombreux crédits spécialisés à taux bonifié, destinés à favoriser les investissements, la diffusion des automates... ne leur semblent pas correspondre aux incitations fiscales existant à l'étranger. Peuplé d'entreprises à structures demeurées souvent familiales, le secteur entretient avec l'État des relations difficiles, illustrées en 1984 par les péripéties du dépôt de bilan de la société Creusot-Loire.

Une nouvelle identité

La construction mécanique est, d'autre part, à la recherche d'une nouvelle identité qui se définira après sa fusion progressive avec la construction électrique et électronique, l'informatique, les instruments de contrôle et les capteurs. Ces diverses activités sont désormais complémentaires et les initiatives de développement peuvent être prises indifféremment en n'importe quel point de la nébuleuse, mais à condition de respecter l'autorité originale d'un nouvel intervenant : l'« architecte » en « productique » qu'est le concepteur de logiciel. Cette mutation est vécue douloureusement par les industries mécaniques, héros de la croissance et des projets technologiques depuis la première révolution industrielle, mais dépossédés aujourd'hui de leur souveraineté au profit des détenteurs d'une autre « matière grise ».

La mentalité de l'ingénieur-chef d'entreprise mécanicienne s'appuie d'ailleurs sur celle de son client traditionnel : l'utilisateur de machines dont le succès ne dépend plus, comme hier, de petits secrets techniques, mais de méthodes de fabrication et de gestion largement dominées par l'informatique. Contradictions et conflits n'empêchent pas ce même client de demander, pour résister à la productivité de la concurrence internationale, des équipements sophistiqués qui, exigent d'être employés par plusieurs équipes quotidiennes afin d'être amortis et remplacés dès que surgit l'innovation suivante. Des problèmes d'organisation du travail, de modification d'habitudes sociales se posent alors, toujours malaisés à résoudre dans une économie française dont la souplesse n'est pas la qualité première.

Le retour aux équilibres financiers dont le gouvernement fait actuellement sa règle de conduite prive aussi la construction mécanique de l'aide indirecte que constituaient naguère les investissements des grandes entreprises nationales. Ces commandes ont chuté en 1984 de 5 % et diminueront de nouveau en 1985, tandis que certains marchés étrangers (métro d'Alger, par exemple) sont ajournés en raison des nombreuses crises financières dont souffrent la plupart des pays en voie de développement.

Michel Herblay

Sidérurgie

La descente aux enfers

Dix milliards de F de déficit par an, c'est le total des pertes des deux leaders de la profession, Sacilor et Usinor. Cette détérioration financière s'accompagne d'une chute de la production d'acier : 23 millions de t en 1980, 17 en 1983. Pour la première fois depuis longtemps, on assiste en 1984 à un raffermissement de l'activité (+ 11 % au cours des 8 premiers mois), mais cette embellie tient davantage à une reprise technique qu'à un assainissement du marché. De plus, malgré une nette diminution des effectifs (90 000 salariés en 1983 contre près de 160 000 en 1974), la productivité des entreprises du secteur est toujours aussi catastrophique, et de graves problèmes d'excès de main-d'œuvre demeurent.

Rien n'est réglé

C'est dans ce contexte qu'ont été prises au printemps dernier des mesures d'austérité (nouvelles réductions d'effectifs, fermeture d'unités de production), qui ont été accueillies en Lorraine par une explosion de colère. Un plan social a alors été mis en place, de même qu'a été nommé un commissaire de la République, le syndicaliste CFDT Jacques Cherèque, pour organiser la reconversion de cette région frappée une fois de plus par la crise de l'acier. Tout porte à croire, malheureusement, que la situation risque encore de se dégrader en 1985. Il y a à cela des raisons d'ordre structurel et d'autres spécifiques au cas français.