Un autre problème social reste en panne, et, semble-t-il, pour longtemps : la lutte contre l'immigration « sauvage ». La loi Simpson-Mazzoli prévoit, assez généreusement, d'officialiser la présence des millions d'immigrants illégaux qui vivent dans le pays depuis plusieurs années. À condition que les contrôles soient plus efficaces aux frontières, particulièrement à celle du Mexique. Mais il faudrait pour cela transformer les employeurs en gardiens de l'ordre : impensable au pays de la libre entreprise, d'autant qu'il n'existe pas de carte d'identité nationale... et que les immigrants clandestins — 500 000 par an, dit-on — acceptent des salaires que d'autres refuseraient.

La « reaganomie » ne profite pas non plus à la population noire, qui fournit le gros contingent du chômage (20 % chez les adultes, le double chez les moins de vingt ans). Les « ghettos » sont relativement calmes, mais, pour la première fois, des troubles graves éclatent, en août, entre la nombreuse population hispanophone d'un faubourg de Boston et ses voisins « anglos ». La drogue continue ses ravages, tant chez ses utilisateurs que parmi ses trafiquants, dont les plus importants continuent à passer au travers des mailles du filet policier. En août, John De Lorean, l'homme qui avait imaginé de faire construire dans son usine de Belfast la voiture de sport la plus chère du monde et qui, la faillite menaçant, s'était laissé aller à accepter de servir d'intermédiaire pour un trafic portant sur 24 millions de dollars de cocaïne, a été acquitté : ses interlocuteurs avaient été des agents du FBI, un piège que son (brillant) avocat a réussi à faire considérer comme illégal.

Le dollar roi

À la fin de l'été, le dollar passe le cap des 9 F et des 3 marks. Il est vrai que, quelques semaines avant, l'administration Reagan a supprimé la retenue à la source de 30 % sur les revenus des obligations détenues par les étrangers : une nouvelle aubaine pour les placements européens, ou autres, déjà alléchés par des taux d'intérêt exceptionnels. En même temps, les Soviétiques, dont les récoltes de céréales se révèlent, cette année, particulièrement catastrophiques, passent de nouveaux contrats avec Washington : les producteurs américains, dont les affaires vont très mal en raison d'une surproduction qui a fait effondrer le prix des céréales, de la viande et même de la terre, se voient, en plus, offrir un rééchelonnement substantiel — cinq ans — de leurs dettes les plus criardes.

L'ascension du dollar aggrave le déficit commercial américain, dont les industries d'exportation subissent des pertes considérables. Elle favorise, en même temps, les importations massives des produits étrangers et permet, ainsi, à l'industrie aéronautique européenne de vendre 91 Airbus à la Panam. À la grande fureur des constructeurs américains, en particulier de Boeing.

L'« empire du mal »

C'est en politique étrangère que l'année est sans doute la moins brillante pour les Américains. Avec le rembarquement piteux des « marines » du Liban, en février, s'achève une intervention qui avait été mal comprise de l'opinion, toujours inquiète d'un possible « nouveau Viêt-nam ». Ce qui n'empêche pas l'ambassade américaine d'être l'objet de nouveaux et sanglants attentats à la bombe. Washington ne joue pratiquement aucun rôle, non plus, dans la recherche d'une solution au conflit entre l'Iraq et l'Iran, qui se fait de plus en plus sanglant. De mauvaises langues assurent que les grandes sociétés pétrolières ne souhaitent d'ailleurs pas sa fin, qui risquerait de jeter sur le marché de nouvelles quantités d'un « brut » déjà partout à la baisse.

Les relations Est-Ouest sont presque au point mort, bien que George Shultz ait rencontré Gromyko en janvier à Stockholm, pour la première fois depuis l'affaire du Boeing sud-coréen abattu par la chasse soviétique à l'automne précèdent. En février, c'est le vice-président, George Bush, qui se rend aux obsèques d'Andropov, auxquelles assistent la plupart des chefs des grands États.