Autre surprise : celle des sépultures de Passy, dans l'Yonne : des fosses longues de 15 m à plus de 200 m et contenant seulement les restes d'une ou de quelques personnes. Leurs extrémités dessinent d'un côté des antennes, de l'autre un arrondi. On ne connaissait encore rien de tel ni en France ni ailleurs... Mais un autre site qui semble en contenir a été découvert dans la même région.

Comme bien d'autres transitions, le passage des cultures de chasseurs aux cultures paysannes continue à soulever des difficultés dans le Midi : on ne sait toujours pas clairement faire la part des inventions indigènes et celles des importations. À quoi correspondent les centaines de graines trouvées dans certains sites anciens du Languedoc ? Y-a-t-il vraiment eu une proto-agriculture dans cette région ?

Paléolithique

C'est enfin à petits pas méticuleux que progressent les connaissances sur le paléolithique. On s'attache ici surtout, désormais, à retrouver les témoignages de la vie, en particulier ceux des gestes techniques. Les très belles fouilles menées autour de Paris sur les sites magdaléniens, les recherches qu'elles permettent dans les domaines des remontages de silex, des traces d'utilisation et d'expérimentation (taille des pierres et utilisation d'outils) sont quelques premiers pas vers une véritable ethnologie préhistorique. Ainsi peut-on dire que les chasseurs de Verberie (Oise) ont surtout travaillé de la viande avec leurs outils. Ainsi peut-on reconstituer tous les gestes qui ont conduit à produire un amas de déchets de taille à Pincevent (Seine-et-Marne). Dans ce dernier site, quatorze tentes ont été fouillées. Il est désormais assuré qu'au moins quatre ou cinq d'entre elles ont fonctionné en même temps : un village de tentes il y a 13 000 ans ?

À l'autre bout du paléolithique, on dispose, grâce à la datation radio-isotopique, de dates sûres pour deux sites très anciens du Velay : Soleihac, avec son alignement de blocs et son outillage archaïque, est situé à 970 000 ans ; Ceyssaguet, qui pourrait montrer les restes d'animaux fragmentés par des hommes, remonte à 1 300 000 ans. Telle est, pour le moment, la plus ancienne préhistoire de la France.

Du nouveau sur l'art des cavernes

L'art paléolithique d'Europe n'est pas un monument connu une fois pour toutes. L'exposition qui lui a été consacrée au musée de l'Homme à Paris, suivie en novembre d'un colloque international à Périgueux, a montré que les connaissances augmentaient et que les interprétations de cet art évoluaient.

Deux sites d'art rupestre ont été découverts en Dordogne, l'un en décembre 1983 près de Brantôme, la Tour Blanche, l'autre en avril 1984 dans le canton de Mareuil. Le premier a surtout des représentations animales (bouquetins), le second fourmille de symboles sexuels et de signes. Les deux découvertes ont été faites par le même spéléologue, Christian Carcauzon. Par son style, le second site peut être sans hésitation daté du magdalénien moyen (environ 15 000 ans).

En effet, les études d'André Leroi-Gourhan ont établi, voilà plus de vingt ans, une chronologie qui est acceptée partout aujourd'hui. Depuis, on a précisé, raffiné. Il est possible de désigner les œuvres les plus anciennes, notamment par les analyses de tracés : ce sont des esquisses de formes animales... et des sexes féminins. Brigitte et Gilles Delluc peuvent dire que tous les tracés pariétaux les plus anciens (environ 30 000 ans) se concentrent sur moins de 15 km autour de la vallée de la Vézère, entre Sergeac et la Ferrassie : ici a été inventée l'image.

L'art mobilier continue à s'enrichir lui aussi. La grotte d'Enlène, en Ariège, a livré ces dernières années à l'équipe de R. Begouën et J. Clottes plus de cent plaques gravées représentant des animaux et des humains. Ces découvertes se font à 200 m de l'entrée, dans un site d'habitat. On commence enfin à voir se dessiner des répartitions géographiques. Les signes appelés tectiformes (en forme de toit) ne se rencontrent que dans la région des Eyzies. Ils pourraient avoir été une sorte de marqueur ethnique. En Ariège, Denis Vialou a reconnu une unité dans les représentations, qui datent toutes du magdalénien moyen, mais aussi des différences permettant de suggérer des zones culturelles centrées sur de grands sites ou des ensembles de sites distants de 15 à 30 km les uns des autres.

Sauver le site de Moenjodaro

Moenjodaro, un des principaux sites de la civilisation de l'Indus (situé à 400 km au nord-est de Karachi), est menacé de disparition. La ville, construite en briques cuites vers 2700 av. J.-C. et occupée pendant un millier d'années, est menacée, en effet, par la remontée de la nappe phréatique due au développement des cultures irriguées. L'eau est chargée de sels minéraux qui, la chaleur aidant, cristallise dans les briques qu'elle fait éclater. Ce qui déstabilise les murs. Pour sauver ces restes de l'une des grandes civilisations de l'âge du bronze, le Pakistan, avec l'aide de l'Unesco, a mis au point un plan de sauvetage de Moenjodaro par des pompages permanents qui abaissent localement le niveau de la nappe phréatique. Partiellement réalisé, ce plan est estimé à 16 millions de dollars (140 millions de F) dont 6,75 millions ont déjà été versés par le Pakistan et 3 millions par divers pays.

Henri de Saint-Blanquat

Les secrets de la cour du Louvre

Commencée au mois de mars, la fouille des cours du Louvre représente le plus vaste chantier d'archéologie urbaine jamais ouvert non seulement en France mais également en Europe. Elle précède l'aménagement de ces cours, qui doit commencer en mars 1986. Grâce à elle, Paris va peut-être rattraper son énorme retard dans ce domaine : à côté de la cour Carrée où l'on achève de dégager les bases du Louvre médiéval pour aménager une crypte archéologique, la cour Napoléon, qui doit être fouillée sur 25 000 m2, voit s'appliquer pour la première fois à Paris les méthodes de la fouille urbaine rendue délicate par la diversité des vestiges et l'enchevêtrement des structures.

Renaissance d'un faubourg

Lors des journées « portes ouvertes » organisées à la fin d'octobre, les responsables de cette dernière fouille, Yves de Kisch, directeur des Antiquités historiques régionales, et Pierre-Jean Trombetta ont présenté les premiers milliers de mètres carrés étudiés. Les visiteurs ont pu voir toute une série de caves, de puits, de fosses à détritus, de bases de murs qui se recoupaient souvent, qui parfois montaient jusqu'à un soupirail, mais dont on n'avait pu mettre en évidence que les « fantômes » traversant le remplissage. Ce sont les restes d'un quartier de Paris bien vivant au xviiie siècle encore, qui est né comme faubourg à l'époque de Phillipe Auguste et n'a disparu que sous les deux Napoléon.