Depuis le début de 1984, l'homme se connaît un peu mieux lui-même et sait, grâce à une série de travaux effectués aux États-Unis (université de Denver, Harvard Medical School, etc.), que — contrairement à ce que l'on pensait jusqu'ici — le cerveau est capable de s'améliorer avec l'âge, que le vieillissement ne signifie pas nécessairement un déclin des facultés intellectuelles.

Mais il n'y a pas que l'homme. Il y a la matière. Or la mise en évidence, par les physiciens du CERN à Genève, du « sixième quark », dit encore « quark T » ou « quark top » (découverte d'ailleurs récompensée séance tenante par l'attribution d'un prix Nobel), apporte enfin une cohérence à tous les travaux antérieurs concernant les particules subfondamentales, et un début de compréhension à ce grand mystère : la nature et la structure intime de la matière.

À l'autre extrémité — à l'opposé de l'infiniment petit —, la science de l'infiniment grand et lointain a également enregistré des progrès décisifs en 1984. On se bornera à en signaler un : Bradford Smith (université de l'Arizona) et Richard Terrile (Jet Propulsion Laboratory, à Pasadena, Californie) ont capté les premières images qui apportent apparemment la preuve de l'existence d'un autre système solaire. Il s'agit de l'étoile Beta Pictoris, située à une bonne cinquantaine d'années-lumière de notre étoile à nous — le Soleil. Or Beta Pictoris semble bien posséder un cortège planétaire. Certaines de ces planètes sont-elles les supports d'une vie intelligente ? « En tout cas, dit Bradford Smith, la preuve est faite que notre système solaire n'est pas unique, que nous ne sommes ni le nombril de l'Univers ni le centre obligé de toute civilisation. »

Puisse cette révélation nous rendre modestes. De toute façon, l'actualité terrestre est là pour nous rappeler — hélas ! — que la science et la technologie n'apportent pas nécessairement des bienfaits : en cette fin d'année 1984, une explosion survenue dans une usine indienne de la firme américaine Union Carbide (à Bhopal, dans le Madhya Pradesh) a fait au moins 2 000 morts et cent fois plus de blessés, à la suite d'une pollution massive par un gaz terrible, l'isocyanate de méthyle. L'usine de l'Union Carbide ne fabriquait pourtant que des insecticides. Elle était vouée à l'amélioration de la condition humaine.

1984 nous aura tragiquement apporté la confirmation d'une évidence : la science et la technologie sont des armes à double tranchant.

Fabien Gruhier

Espace

L'ère des mécanos de l'espace

Mardi 10 avril 1984, 15 h 55 (heure française). Dans l'immense salle de contrôle de la NASA à Houston, c'est l'explosion de joie : Robert Crippen, James Van Hoften, George Nelson et Terry Hart ont réussi à agripper le satellite Solar Max à l'aide du bras articulé de la navette Challenger. Pour la première fois depuis le début de l'ère spatiale, une réparation va être effectuée sur orbite. Lancé en février 1980 pour étudier les éruptions solaires, Solar Max était tombé en panne dix mois plus tard à cause d'une banale histoire de fusibles. Grâce aux mécanos de l'espace, il a désormais repris ses fonctions et la NASA a économisé les 240 millions de dollars qu'aurait coûté son remplacement.

NASA : la série noire

L'année a portant commencé, pour la navette, par un ratage spectaculaire. Début février, Challenger doit placer sur orbite deux satellites de télécommunications, Westar-6, appartenant à la firme américaine Western Union, et Palapa-B2, propriété de l'État indonésien. Initialement, Westar-6 devrait être lancé par Ariane, mais les retards et les problèmes techniques du lanceur européen avaient conduit la Western Union à annuler sa commande. Bien mal lui en a pris : son satellite, tout comme l'indonésien se retrouvent largués sur une orbite basse, à quelque 1 200 km, alors qu'ils auraient dû graviter sur l'orbite géostationnaire à 36 000 km. Bref, ils sont à peu près aussi utilisables qu'un ascenseur qui s'arrêterait à l'entresol dans un immeuble de 20 étages...