Côté américain, à l'occasion de travaux antérieurs, une souche virale avait été découverte chez un singe, puis mise en évidence en 1975 au Japon, où elle est liée à une forme extrêmement grave de leucémie humaine. Ce virus a été retrouvé aux Caraïbes par l'équipe du professeur Gallo, qui l'appela Human T-cell Leukemia Virus (HTLV), et l'associa au SIDA après le début de l'épidémie. Par la suite, un second virus lui fut également associé, le HTLV-2. Enfin, le HTLV-3, présumé responsable du SIDA, et ainsi nommé car ses caractères le différencient au sein de cette même famille de ceux connus précédemment, fut enfin isolé outre-Atlantique au début de l'année, chez une cinquantaine de malades atteints du SIDA, ou des troubles caractéristiques d'une situation pré-SIDA.

Mais c'est au mois d'août 1983 que les professeurs Luc Montagnier, Jean-Claude Cherman et Françoise Barre-Sinoussi, de l'Institut Pasteur de Paris, avaient annoncé l'isolation d'un autre rétrovirus, qu'ils baptisèrent LAV (Lymphodenopathy Associated Virus), trouvé tout d'abord dans un fragment de ganglion prélevé chez un malade, puis chez 12 autres patients.

Il semble établi que le rétrovirus LAV est bien le responsable essentiel du SIDA. Il semble également qu'il soit identique à celui isolé ensuite aux USA par le professeur Gallo.

Infections répétées

L'action de ce ou de ces virus est particulièrement sophistiquée. Lorsqu'il pénètre dans l'organisme, il se fixe dans l'ADN de certains lymphocytes T4, y apportant l'information génétique indispensable à sa duplication, quand les conditions seront favorables. Demeurant à l'état latent dans l'organisme, ce rétrovirus attendra qu'une succession d'infections répétées, par exemple, contraigne les lymphocytes T4 à s'activer pour combattre ces agents infectieux. En se multipliant, ces lymphocytes vont donc développer les rétrovirus du SIDA qui vont à leur tour, étant produits massivement, détruire ces lymphocytes et en infecter d'autres. On comprend donc que les homosexuels à partenaires multiples, fréquemment atteints par des infections répétées, les hémophiles, sujets à des stimulations diverses lors des transfusions qu'ils reçoivent, comme les toxicomanes qui s'injectent des produits pouvant contenir des germes pathogènes, figurent au rang des sujets à haut risque. Si la multiplication d'infections semble constituer l'un des principaux cofacteurs du développement du SIDA, il est également possible que des facteurs génétiques spécifiques interviennent lors de l'infection primitive. Ce qui expliquerait que certains pays comme le Japon soient épargnés par la maladie.

Quoi qu'il en soit, la découverte des virus est de première importance, et la comparaison de souches virales devrait permettre d'établir formellement si LAV et HTLV-3 ne font qu'un. L'enjeu est conséquent. Non seulement le chercheur qui aura officiellement résolu l'énigme du SIDA pourrait se voir décerner un prix Nobel de médecine, mais, au-delà des rivalités entre scientifiques, le challenge est aussi commercial.

Test de dépistage

L'Institut Pasteur Production a signé un accord avec la société américaine Genetic Systems pour fabriquer et commercialiser un test de diagnostic du virus LAV, qui a pu être produit en grande quantité en laboratoire. Il est destiné à toutes les populations à risque et à tous les donneurs de sang, pour éviter d'éventuelles contaminations par des transfusions. (Tout comme on évite depuis une dizaine d'années les contaminations des transfusions sanguines par le virus de l'hépatite B.)

Reposant sur le dépistage des anticorps spécifiques que fabrique l'organisme infecté par le LAV, le test Eliza s'est révélé positif chez 35 à 90 % des patients atteints de SIDA en Europe, en Afrique et en Amérique du Nord, et chez 70 à 90 % de ceux présentant les tuméfactions des ganglions qui préludent à l'apparition de la maladie. Une production massive est nécessaire à la fabrication ultérieure d'un vaccin, et le LAV a déjà été inoculé à des singes aux Pays-Bas et aux USA. La durée d'incubation de la maladie pouvant atteindre cinq ans, ce délai repousse à plusieurs années la fabrication d'un vaccin.