Il est, également, question des mesures à prendre pour faciliter l'installation des jeunes agriculteurs. La situation démographique de l'agriculture se caractérise, en effet, par le vieillissement de la population des chefs d'exploitation. D'ici à 1990, quelque 500 000 d'entre eux auront atteint l'âge de la retraite et plus de la moitié n'ont pas de successeurs. Sans doute tous ces agriculteurs âgés ne cesseront-ils pas leur activité. Il est tout de même à prévoir que bon nombre d'exploitations deviendront libres. Pas facile d'assurer la relève.

L'agriculture exige aujourd'hui d'importants capitaux. Les prix des terres sont élevés, même si leur hausse depuis 1979 marque un temps d'arrêt. La valeur moyenne de l'hectare libre à la vente est chiffrée à un peu plus de 21 000 F. L'acquisition d'une exploitation requiert donc une importante mise de fonds. De même que l'achat de matériel, de cheptel ou la réalisation de plantations : ce que l'on appelle le capital d'exploitation. Aussi cherche-t-on les moyens d'éviter que les jeunes, candidats à l'installation, n'immobilisent dans l'acquisition de terres des capitaux qu'ils pourraient consacrer à des investissements directement productifs. Mais les investisseurs susceptibles d'acheter des terres pour les louer à de jeunes exploitants se font rares. Le rendement de ce type de placement est trop faible, et la terre, depuis que ses prix n'augmentent même plus au rythme de l'inflation, n'apparaît plus comme une valeur refuge.

Michel Rocard va pourtant tenter de mobiliser l'épargne. Il crée une société civile de placements immobiliers, la Société d'épargne foncière agricole, qui est dotée de 300 millions de F provenant des fonds propres de la Caisse nationale de crédit agricole et est autorisée à faire appel public à l'épargne. Avec cette dotation initiale et les capitaux qu'elle pourra collecter, cette société achètera des exploitations qui auront le statut de groupement foncier agricole, dont le capital terre est représenté par des parts détenues par les apporteurs de capitaux. Déjà un certain nombre de groupements de ce type existent. Ils sont le plus souvent de caractère familial, et parfois mutualistes. L'objectif est d'attirer d'autres investisseurs, collectivités territoriales, institutions financières et particulières. Un espoir pour les jeunes.

Mais sera-t-il comblé ? À la mi-juin s'expriment lors de l'assemblée générale de la Caisse nationale de crédit agricole des inquiétudes sur les perspectives de financement de l'agriculture. L'encadrement du crédit, depuis longtemps déjà, constitue une entrave. Et l'on craint que la volonté marquée par les pouvoirs publics d'orienter l'épargne vers l'industrie n'aboutisse à un amenuisement progressif des ressources financières affectées aux activités agricoles, alors que les besoins en capitaux y progressent plus vite que l'inflation. Inquiétude donc pour l'avenir.

Quelle agriculture ?

Et ce n'est pas la seule. La première loi de plan du 13 juillet, qu'une seconde suit à l'automne, définit les choix stratégiques, les objectifs et les grandes actions de développement de la nation. Elle prévoit douze programmes prioritaires d'exécution. Aucun de ces programmes n'est spécifique à l'agriculture, qui est toutefois présente dans huit d'entre eux : recherche, enseignement, exportation par exemple. Les dirigeants agricoles ne s'inquiètent pas moins de cette option où ils voient le signe que l'agriculture n'est plus une priorité de la politique économique. Et ils se disent confirmés dans ce sentiment lorsque, à la fin de septembre, le projet de budget pour 1984 est rendu public.

D'une même voix, les présidents des quatre grandes organisations — Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, Centre national des jeunes agriculteurs, Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles, Assemblée permanente des chambres d'agriculture — jugent mauvais le budget que Michel Rocard aura à gérer en 1984. Mauvais, parce que le montant des crédits ouverts au ministère de l'Agriculture n'augmente que de 4,3 % par rapport à celui de 1983, alors que la croissance de l'ensemble du budget du pays est de 6,3 %. Mauvais, parce que les dotations pour les investissements productifs sont en valeur réelle en nette diminution. De fait, la rigueur a imposé des choix. Tout pourtant n'est pas critiquable dans ce budget : recherche, enseignement, développement forestier, offices par produits qui deviennent opérationnels après les nominations de leurs directeurs, de leurs conseils de direction et de leurs présidents, sont, en effet, bien pourvus. Il est vrai que, à l'inverse, d'autres chapitres sont sacrifiés. Austérité oblige...