La réussite du plan d'austérité, improprement appelé plan Delors, dépend donc du succès qu'il remportera sur l'inflation.

Le pari des prix

Le ralentissement de la hausse des prix pour laquelle le gouvernement s'est fixé une norme de 8 % en glissement pour la fin de 1983 n'a pu être tenu, du fait notamment du maintien de la consommation à un niveau plus élevé que prévu. Or le niveau de hausse des prix constitue la pierre d'achoppement sur laquelle bute la volonté de gagner la deuxième étape (5 % en 1984) par la compression négociée du niveau des salaires dans la fonction publique et, partant, dans le reste du corps social. Si la hausse des prix dépasse les objectifs et contraint à relever le niveau des salaires, le différentiel d'inflation entre le franc et le mark jouera à plein et nous contraindra à un nouveau réajustement monétaire avec ses conséquences. Si le gouvernement s'enferme dans une politique de l'indice en bloquant toute augmentation des prix, il risque de provoquer des dépôts de bilan et un chômage accru.

Entre ces deux récifs, il ne peut que compter sur la reprise mondiale, l'élasticité financière des entreprises et la compréhension des syndicats.

René Tendron

Monnaie

Un franc trop endetté

La scène monétaire internationale aura été une fois de plus dominée en 1983 par la hausse du dollar et les difficultés dues à l'endettement international, avec notamment l'émergence du problème brésilien.

Comme le déclarait le 2 octobre 1983 le ministre français de l'Économie, des Finances et du Budget, les grandes puissances et le système bancaire international auront démontré la capacité à éteindre les incendies — en accordant au coup par coup les crédits nécessaires pour éviter toute catastrophe financière —, mais n'auront su, en aucun cas, jouer les architectes capables de reconstruire un édifice monétaire durable.

Emprunt
La France no 2

Au cours des trois premiers trimestres de 1983, la France s'est située, selon l'OCDE, au deuxième rang des emprunteurs mondiaux, avec 12 milliards de dollars, derrière les États-Unis (12,4), avant le Japon (9,4), le Canada (6,6) et le Mexique (5). Le total des 12 milliards de dollars comprend l'ensemble des prêts à court, à moyen et à long terme accordés aux emprunteurs français, y compris les 4 milliards d'écus (3,7 milliards de dollars) de l'emprunt communautaire, réservé à la France, que l'OCDE ne reprend pas dans ses calculs pour notre pays. L'an dernier, la France avait emprunté 14,6 milliards de dollars (100 milliards de F).

La royauté du dollar

Même si l'on a pu observer pendant les trois derniers mois de l'année des modifications substantielles dans le comportement des investisseurs à l'égard de la monnaie américaine, reste que celle-ci continue de constituer le pôle central des échanges et des politiques monétaires dans le monde entier. Que ce soit en raison des taux d'intérêts résultant de la politique monétaire interne aux États-Unis, à cause des besoins de financement mondiaux ayant fait passer le taux de l'eurodollar à 3 mois de 9,19 % à 10,25 % entre décembre 1982 et août 1983, ou encore de l'attraction exercée par le « havre de sécurité et de croissance » que constitue le pays de l'oncle Sam, le dollar a coûté cher à tout le monde :
– aux pays en voie de développement, débiteurs de 700 millions de dollars à un prix accru de 20 à 50 % et avec des taux d'intérêt réels positifs de 4 à 6 % selon la nature des crédits ;
– aux pays exportateurs de pétrole, aujourd'hui emprunteurs nets ;
– aux pays industrialisés, par le renchérissement qui en est résulté de leurs importations de matières premières avec toutes les conséquences que cela suppose sur l'équilibre de leur balance commerciale.

Pour la France, de la fin décembre 1982 à juin 1983, le coût moyen en dollars de la tonne de pétrole brut importé a baissé de 13 %, mais, dans le même temps, le dollar progressait de 12 %, annulant la quasi-totalité du profit que l'on aurait pu en tirer. Et le même phénomène ou presque a pesé sur les autres économies, comme le montre l'évolution de l'indice du taux de change effectif des principales monnaies. Encore le phénomène a-t-il été moins sensible que pendant le second semestre de 1982, où la hausse du dollar a joué à plein sur les importations.