Entre-temps, en effet, il a fallu réemployer la masse des dividendes payés par les sociétés, et la montée du dollar au-dessus de 8 F a conforté l'image des groupes largement ouverts sur l'extérieur, États-Unis en tête. Même le lancement d'un emprunt d'État de 15 milliards au mois de septembre ne réussit pas à affecter le marché. Un emprunt qui se compose d'ailleurs de deux tranches à caractéristiques différentes, au choix des souscripteurs : emprunt classique à 13,7 % remboursable au bout de dix ans ; et emprunt à 13,2 % remboursable au bout de douze ans, mais dont les détenteurs pourront dès la deuxième année demander l'échange contre les obligations de même durée, dont le taux variera avec celui des emprunts d'État. Un premier emprunt de 10 milliards avait déjà été émis en février, un autre de 12 milliards est lancé en décembre.

Seules les mesures prises par le gouvernement en matière de prix parviennent à affecter les compagnies pétrolières : les possibilités de répercuter la hausse du dollar sont plafonnées à un prix fictif de 7,70 F pour un dollar, alors que la monnaie américaine vaut plus de 8 F. Mais les affaires restent des plus actives, puisque le volume d'échanges enregistré depuis le début de l'année passe en août le cap des 200 milliards, contre 216 pour l'ensemble de l'année 1982.

Vient le temps du budget donnant l'illusion de la rigueur en renforçant la ponction fiscale. Il est plutôt bien accueilli. Tout comme l'est François Mitterrand quelques jours plus tard, quand il admet dans une allocution publique que l'impôt a atteint l'insupportable et que les charges des entreprises sont excessives. L'affirmation par certains spécialistes de l'analyse financière que les résultats de 1983 seront meilleurs qu'initialement envisagé ne peut que conforter les cours, malgré les déboires notables enregistrés çà et là, de Dunlop à Motobécane, de Manurhin à Thomson-CSF ou Creusot-Loire, qui, ruiné par son acier, appelle sa société mère et les pouvoirs publics au secours. Pour Schneider, le plan envisagé revient à affecter la totalité de l'actif subsistant au sauvetage de la filiale. La Bourse accuse le coup.

Manœuvres

Qu'il s'agisse de sauvetages ou de regroupements, l'année n'aura pas été exempte des grandes manœuvres habituelles. Sans parler même de l'intérêt manifesté par les Presses de la Cité et leurs concurrents pour la Librairie Larousse, quelques faits majeurs appellent l'attention : la restructuration de la construction navale et de la pétrochimie, la part prise par Erap dans Nickel aux côtés de ses actionnaires traditionnels, l'achat par la SCREG de Colas et Sacer, la fusion de Borel et Novotel sous le nom d'Accor, l'annexion par Genty-Cathiard de L'Allobroge et de Go-Sport. Et, encore, les négociations menées par la Compagnie générale d'électricité pour s'associer avec Saint-Gobain dans les travaux publics (SGE-SB), partager les zones d'influence avec Thomson, racheter la CEM à Brown Boveri par le biais d'Alsthom-Atlantique.

1983 aura donc été une année passionnante à plus d'un titre, une excellente année boursière pour les professionnels, les épargnants et les sociétés qui se sont adressées au marché financier. Une seule inconnue notable subsiste à la Toussaint : l'accueil qui serait fait au nouveau compte d'épargne en actions (CEA), qui remplace le mécanisme de détaxation du revenu investi, connu sous le nom de loi Monory. Cette loi avait eu un effet mécanique important sur les cours de fin d'année des millésimes précédents. Le succès, ou l'échec éventuel, de son héritier ne peut laisser les boursiers indifférents.

François Billioud

Énergie

Remise en question générale

Le retournement du marché pétrolier mondial, passé, à partir de 1981, d'une situation de crainte de pénurie (caractérisée par la hausse des prix et la domination des producteurs) à une situation d'abondance (baisse des prix et revanche des consommateurs), continue de développer ses effets. Et les nouveaux problèmes qui apparaissent ne sont pas forcément plus faciles à résoudre que les anciens.