En fait, les responsables du mouvement intégriste algérien récusent tout lien avec l'ancien président. Les autorités elles-mêmes estiment que les intégristes n'ont pas sur la société algérienne l'emprise que l'on pourrait supposer, qu'ils sont divisés et que le régionalisme et l'esprit de clan entretiendront longtemps une désunion qui se traduit par l'absence de stratégie. La détermination du pouvoir à contrecarrer les intégristes non seulement par des actions policières (arrestations et procès), mais aussi sur le terrain des idées — notamment en prenant toute une série de mesures purificatrices — est de nature à limiter une effervescence sporadique qui, d'ailleurs, ne touche que les grandes villes.

Redressement

Au nombre des choix économiques et sociaux prioritaires du gouvernement algérien figurent l'abandon de l'industrie lourde, trop dépensière, la réforme d'une agriculture longtemps délaissée et l'amélioration de l'habitat pour une population (19 millions d'habitants) au taux de croissance élevée (3,23 %). Longtemps épargnée par la crise économique mondiale, l'Algérie enregistre, pour 1983, une baisse importante de ses revenus pétroliers, bien qu'elle ait obtenu de ses acheteurs l'alignement du prix de son gaz sur celui du brut. N'ayant exporté qu'une trentaine de millions de tonnes en 1982 — contre 52 en 1980 —, elle obtient cependant quelques bons résultats : une augmentation de 7 % par an de son PNB, un excédent annuel moyen de 16 milliards de F de la balance commerciale, un accroissement de 20 à 25 % du taux d'investissement et une amélioration sensible du marché de l'emploi (150 000 postes de travail créés annuellement).

Mais la chute des revenus pétroliers limite les capacités de remboursement d'une dette extérieure importante, tandis que les importations de produits alimentaires coûtent plus de 10 milliards de F par an (1982). Les réformes énergiques engagées par le président Chadli pour améliorer la gestion de l'appareil producteur de l'État — toujours dominant — et encourager le secteur privé commencent à se faire sentir.

Enfin, la visite à Paris du président Chadli, du 9 au 11 octobre, première visite officielle d'un chef d'État algérien, scelle la réconciliation entre les deux pays, après 20 ans de malentendus.

Philippe Rondot

Égypte

Variations autour de l'héritage de Sadate

Installé avec l'image d'un homme intègre, soucieux de lutter contre la corruption, le népotisme et le trafic d'influence, présenté comme désireux de prendre quelque distance avec le courant, toujours influent, des sadatiens, Hosni Moubarak laisse à la justice le soin de trancher à travers quelques procès retentissants. C'est ainsi qu'Esmat al-Sadate, frère du raïs assassiné, et trois de ses fils ont à répondre du délit d'enrichissement illicite : ils sont condamnés en février à un an de prison, mais, finalement, libérés en août. Mis en cause dans cette affaire, deux ministres, ceux de l'Industrie et de l'Approvisionnement, sont remplacés en mars, d'autres hauts responsables étant soumis, par ailleurs, à une enquête.

Beaucoup considèrent ces réactions comme une volonté de désadatisation du régime. Mais, dans le même temps, sont poursuivis des procès contre des centaines d'intégristes islamiques, accusés d'avoir voulu renverser le régime en octobre 1981. Les écrits qui — comme le livre d'Hassanein Heykal (L'automne de la colère) — mettent en cause Anouar al-Sadate sont dénoncés. Soupçonnée d'entretenir en son sein quelques groupes marxistes clandestins, la gauche n'est pas épargnée. L'Église copte, dont le pape Chenouda III a été destitué par Anouar al-Sadate, voit cette décision confirmée en avril par le Conseil d'État. Nul ne conteste, cependant, qu'en s'efforçant de jouer la démocratie Hosni Moubarak a amélioré sensiblement le climat qui règne en Égypte.

Ouverture diplomatique

Le successeur de Sadate renoue discrètement avec le monde arabe, à l'occasion de sa présence au sommet des non-alignés à New Delhi, en mars. Les relations commerciales sont officiellement rétablies avec la Jordanie en avril, la coopération militaire s'accentue avec l'Iraq — visite du numéro deux iraqien T. Aziz au Caire, en juillet —, le dialogue s'instaure avec le président libanais Amine Gemayel.