La production d'un courant homogène d'antiprotons a posé des problèmes. Contrairement aux protons, on ne les trouve pas dans la nature. On sait les produire en grande quantité, mais ils partent en tous sens ; avant de les injecter dans l'accélérateur, il faut les ordonner et uniformiser leurs vitesses. Ce problème a été résolu, ainsi que bien d'autres qui défiaient l'ingéniosité des chercheurs.

Grande unification

Sur un milliard de collisions proton-antiproton réalisées en janvier, on a pu en retenir six dans lesquelles les particules issues du choc ont été identifiées comme provenant de la désintégration de bosons W. En mai, des produits de désintégration de bosons Z ont été détectés à leur tour. Toutes ces particules ont bien la masse prédite par la théorie électrofaible, laquelle reçoit ainsi une brillante confirmation. Les expérimentateurs projettent maintenant des collisions à des énergies beaucoup plus élevées, donnant un meilleur taux de création de weakons. Quant aux théoriciens, ils rêvent plus que jamais à la grande unification qui rassemblerait dans un même formalisme mathématique non seulement l'électromagnétisme et la force faible, mais aussi la gravitation et la force forte. C'était déjà le rêve d'Albert Einstein, mais, avec les moyens de son temps, il eût été vain de vouloir l'approcher par la voie expérimentale.

Désertron

Dans six ou sept ans, le CERN espère inaugurer un collisionneur de 26 km de circonférence, qui produira chaque jour des milliers de weakons et d'autres particules d'intérêt capital. En attendant, les physiciens américains, qui doivent mettre en service au cours de l'année 1984, à Standford, une machine comparable à l'actuel collisionneur du CERN, projettent pour plus tard un accélérateur de plusieurs centaines de kilomètres de circonférence. Comme il faudra, pour le loger, une vaste région inhabitée, on l'a baptisé le désertron. Mais on peut penser que les préoccupations financières imposeront une limite au gigantisme de la physique des hautes énergies.

Michel Rouzé

Archéologie

Un village de la préhistoire

Près de Neuchâtel, en Suisse, on a commencé à fouiller, en mai, un village de l'âge du bronze final (xe siècle av. J.-C.) dont les pieux sortent des sédiments du lac sur une superficie de 13 000 m2. Ce site de Hauterive-Champréveyres promet de fournir, encore plus que ses devanciers, les célèbres « palafittes ».

Une prospection effectuée par des plongeurs, suivie d'un sondage en fouille subaquatique portant sur 8 m2, a donné des résultats étonnants. Les fouilleurs ont trouvé bien plus que des pieux : des restes de cloisons effondrées, en terre et en bois, des fragments de chemins de clayonnages en branches de noisetier et même des radicelles fossiles témoignant d'un coin de prairie ; sans compter les objets de toute espèce, en pierre, en céramique, en bois, en os.

Les archéologues neuchâtelois de Michel Egloff auraient pourtant le droit d'être blasés. À Cortaillod, à Auvernier, pour ne citer que les ensembles les plus connus, ils avaient trouvé des objets de bois par dizaines : jattes, louches, manches d'outils, gobelets. Ils avaient récolté des morceaux de tissu, de corde, de ficelle et de fil, de grands fonds de panier ; des objets encollés à la colle de bouleau, laquelle tenait encore après 5 000 ans. Ils ont retrouvé des objets de ce genre à Champréveyres, par exemple des haches de bronze à long manche de bois. Mais, de ce site, ils attendent désormais plus encore. Pour la première fois, on pourra fouiller un de ces fameux villages en entier.

Datation

La richesse en objets n'est pas tout. La succession des cultures est désormais bien établie, les dates de ces cultures sont connues en général avec précision grâce à l'analyse dendrochronologique de milliers de pieux. La courbe générale établie par les chercheurs allemands a été complétée par les Suisses, justement grâce aux sites lacustres. Valable pour une partie de l'Europe (Allemagne du Sud et de l'Ouest, Suisse, France de l'Est et du Centre-Est), elle permet de dater certains objets et certains niveaux parfois à l'année près, jusqu'au-delà du IVe millénaire avant notre ère. Ainsi pour une pirogue d'une seule pièce longue de 19 m trouvée dans le lac de Neuchâtel, à Bevaix : l'arbre dans lequel elle était taillée, un chêne, a été coupé en 39 av. J.-C. Il avait alors 364 ans.