Plus tard, lorsque les combats feront rage, le pape Jean-Paul II lui-même ne réussira pas, au cours de son double voyage à Londres (28 mai-2 juin) et à Buenos Aires (11-12 juin), à faire entendre le langage de la paix.

Prestige

Force est de constater que l'opération redore singulièrement le blason du Royaume-Uni et le prestige du Premier ministre. N'est-elle pas une belle démonstration de l'état de préparation d'une armée de métier dont l'efficacité était souvent mise en doute et d'une marine que l'on croyait à moitié désarmée par une politique d'économie drastique ?

N'est-elle pas aussi une preuve que les qualités traditionnelles du peuple britannique, sa fierté et sa ténacité, existent encore et que le consensus national reste intact en cas de crise ? N'est-elle pas enfin un exemple pour ces vieilles nations européennes trop souvent bafouées par les grandes et les petites puissances ?

Pour le gouvernement conservateur, dont la popularité s'effritait singulièrement, l'affaire des Malouines est aussi une bonne occasion de réduire ses adversaires au silence : les travaillistes déconsidérés par les querelles entre pacifistes et modérés, comme les sociaux-démocrates obligés d'approuver le sursaut national.

Mais les sacrifices consentis pour ces quelques arpents de terre lointaine, dont les 1 800 habitants et les 600 000 moutons ne représentent qu'un dérisoire enjeu, risquent de peser lourd à l'avenir. Sur les trois fronts où se bat Margaret Thatcher depuis son arrivée au pouvoir, la grande expédition n'a pas effacé les difficultés. Au contraire.

– Sur le plan économique, le fardeau de la guerre compromet les espoirs de redressement suscités au printemps 1982 par une décélération de l'inflation et une légère reprise économique que le budget devait favoriser. Le coût de l'expédition était estimé, avant même l'arrêt des combats, à plus de 500 millions de livres.

– Sur le plan européen, si les partenaires de la Grande-Bretagne apportent leur soutien politique à Margaret Thatcher dans la crise, ils ne se montrent que plus déterminés à mettre un terme aux exigences de Londres en matière financière. Ils passent outre, le 18 mai, à son refus d'approuver les nouveaux prix agricoles, lui enlevant ainsi tout moyen de chantage pour obtenir une diminution de sa contribution au budget de la Communauté.

– Sur le plan intérieur, le consensus obtenu pendant la crise reste fragile et la remontée des conservateurs dans les sondages, précaire. Forts de l'alliance scellée à l'automne avec les libéraux, les sociaux-démocrates se sont imposés comme troisième grand parti (Journal de l'année 1980-81. Shirley Williams et Roy Jenkins, plébiscités dans des élections partielles, sont venus rejoindre aux Communes les deux autres fondateurs du SDP, David Owen et William Rodgers. Au total, l'Alliance compte désormais une trentaine de députés, venus pour la plupart des rangs travaillistes, mais aussi conservateurs.

Enfin, les tensions raciales et la colère des jeunes chômeurs qui avaient provoqué en juillet 1981 une véritable guérilla urbaine de Londres à Liverpool, de Leicester à Manchester, n'ont rien perdu de leur violence.

La guerre des Malouines n'a rien résolu. Après sa victoire, il reste à Margaret Thatcher à trouver les vrais remèdes pour traiter le mal anglais.

Ulster

La Dame de fer n'aura jamais mieux mérité son surnom que face aux grévistes de la faim d'Irlande du Nord (Journal de l'année 1980-81). Cette intransigeance, érigée en vertu, rien ne l'entamera, ni les relations tendues avec Dublin, ni les interventions de l'Église, ni les tentatives de médiation de la Croix-Rouge, ni le réveil de la puissante communauté irlandaise des États-Unis, ni les défilés de protestation qui se multiplient dans le monde, ni l'élection au siège de Bobby Sands de son agent électoral Owen Carron, ni l'érosion des partis modérés (Alliance, SDLP).

Ayant déjà perdu dix des leurs — en pure perte —, sentant que les jeux sont faits, les derniers grévistes de la faim suspendent leur jeûne le 2 octobre 1981. Sur le moment, il semble bien que Margaret Thatcher ait gagné la bataille des prisons et perdu la guerre de la propagande.

Terrorisme

L'IRA n'a-t-elle pas mobilisé l'opinion mondiale, suscité en Irlande une vague d'anglophobie sans précédent depuis 1972, réchauffé l'ardeur de ses partisans outre-Atlantique et soutiré d'eux une contribution de 250 000 dollars, recruté plus de militants qu'il ne lui en faut pour continuer la lutte, effectué une percée électorale en République d'Irlande et dans le Royaume-Uni ?