C'est le 1er octobre 1979 que le décret concernant l'obligation de porter la ceinture est entré en application. Le 15 octobre, l'usage permanent des feux de croisement de nuit, en ville, devenait obligatoire. Il n'a pas fallu huit jours pour qu'une réaction vigoureuse, d'abord par voie de presse, ne remette en cause cette décision (France-soir recevait 3 000 lettres indignées). Un sondage publié par Sud-Ouest indiquait que 98 % d'un échantillon de 3 000 personnes étaient contre.

Au Sénat, le 16 novembre, Joël Le Theule, ministre des Transports, est interpellé, et, dès le 7 décembre, cette assemblée supprime les crédits de la Délégation à la sécurité routière destinés à promouvoir cette mesure.

Éblouissement excessif, particulièrement par temps de pluie, gaspillage de carburant, usure accélérée des batteries, danger pour les piétons sont autant d'arguments repris par 51 automobiles-clubs de France, par le mouvement Auto-défense, par le syndicat des ophtalmologistes, et surtout par la plupart des maires des grandes villes, dont certains, comme Jacques Médecin à Nice, publient des arrêtés municipaux qui seront immédiatement déclarés illégaux.

L'Association pour les droits du piéton et, entre autres, les Strasbourgeois, habitués à rouler tous feux éclairés comme leurs voisins d'outre-Rhin, sont favorables à cette mesure. Une convention européenne recommande depuis 1968 de rouler en code, et 13 pays étrangers ont rendu cette mesure obligatoire.

En réalité, c'est moins la mesure en elle-même qui est combattue qu'une attitude technocratique qui trouve ici ses limites. Jacques Chirac, maire de Paris, résume bien cette situation lorsqu'il affirme au sujet des codes : « cette manie de réglementer le moindre détail de la vie des citoyens vise à en faire de véritables incapables auxquels tout doit être dicté (...) : d'où un ras-le-bol général très compréhensible ».

Le gouvernement fait rapidement machine arrière. Il ne s'agit plus que d'une expérience d'un an, puis, en janvier 1980, Joël Le Theule annonce qu'une décision sera prise dès le printemps : « Je reconnais que l'emploi des codes sur les Champs-Elysées est absurde. Si cette expérience est négative, elle sera stoppée ; si elle est positive, elle sera maintenue. »

Finalement, le 9 avril 1980, à l'occasion d'un débat au Sénat, le ministre des Transports a nettement indiqué qu'il n'était pas question pour le gouvernement de revenir sur l'usage des codes en ville, cette mesure constituant « une des composantes de la sécurité ».

Coût social

Reste pour les pouvoirs publics l'obligation d'améliorer la sécurité au-delà des polémiques. Car le coût des accidents de la route a atteint 40 milliards de F en 1978 — pourtant la meilleure année —, ce qui signifie que chaque Français travaille une semaine par an pour le compenser. Ce coût social et économique représente 2 % du produit national brut. Sans compter les drames humains qui, eux, ne s'évaluent pas.

Aussi le cri d'alarme lancé par les dirigeants de l'Organisme national de sécurité routière, qui ont souhaité voir leur budget porté de 25,3 millions de F en 1979 à 40 millions de F en 1980, aurait-il mérité d'être entendu. C'eût été mettre la France au niveau de la Grande-Bretagne ou de l'Allemagne.

L'ONSER a fait l'objet de vigoureuses attaques de la presse britannique à propos des expériences qu'il réalise avec des cadavres humains et des animaux vivants. Ces expériences sont effectivement menées à Bron (Rhône) avec des cadavres de personnes ayant donné leur corps à la science. C'est à ce prix, selon les spécialistes, que la sécurité des automobilistes pourra être encore améliorée. Et de nouvelles vies sauvées.

À Garches, 3 138 accidents analysés scientifiquement depuis dix ans

Les accidents de la route n'avaient jamais été analysés scientifiquement. Ils sont parfois étudiés cas par cas, généralement pour définir les responsabilités, et ils sont répertoriés statistiquement, mais de manière très grossière, sur la base des rapports de gendarmerie.