La France aura été, du début à la fin, l'animateur de cette difficile entreprise. Elle dut se résigner, dans un premier temps, à accepter l'expérience, aussi coûteuse que malheureuse, du lanceur Europa (Journal de l'année 1968-69), un engin hétéroclite dont l'histoire s'est achevée le 5 novembre 1971, avec un dixième tir qui était aussi le dixième échec.

Le 30 avril 1973, ce programme est abandonné, mais, deux mois plus tard, la France réussit à intéresser la RFA à son projet de lanceur L III S, dénomination provisoire du futur Ariane. La nouvelle organisation européenne vote en août 1973 la construction de ce lanceur. Les modalités sont arrêtées le 28 décembre. La France finance 63,9 % du coût du lanceur et assume 75 % des frais de fonctionnement du cosmodrome de Kourou. Fort de l'expérience acquise avec les Diamant, le CNES devient le maître d'œuvre du nouveau lanceur. Après le lancement du dernier Diamant, tous les efforts sont désormais consacrés à Ariane. À Kourou, un personnel réduit entreprend les aménagements qui permettront d'utiliser le pas de tir d'Europa pour le futur Ariane. Le programme Ariane a été réalisé sans défaillance malgré les difficultés qui sont inhérentes à la mise au point du 3e étage, dont le moteur brûle des ergols cryogéniques (hydrogène et oxygène liquides) de haut rendement mais d'un maniement délicat. Des progrès techniques acquis pendant la réalisation du projet initial ont permis de porter la charge satellisable (sur orbite synchrone) de 1 500 à 1 750 kg, soit un gain d'un sixième, ce qui est beaucoup. À l'horizon 1990, Ariane 5 devrait pouvoir lancer des vaisseaux spatiaux de 8 t sur orbite basse et des satellites géostationnaires de 4,75 t.

Arianespace

C'est le nom de la société constituée en 1980 pour le financement, la construction et la vente des lanceurs Ariane. Le capital est de 120 millions de F, dont le CNES détient un tiers ; le reste constitue l'apport de 11 banques et 35 entreprises (sous-traitants appartenant à 11 pays européens). En tout, la part de la France est majoritaire (59,25 %). Le prix de vente d'Ariane (satellisation comprise) est pondéré en fonction de la clientèle (pays de l'ESA ou non-européens) et de la masse du satellite. Pour la mise en orbite géostationnaire, ces prix (en francs de 1978) sont de 175 millions pour un gros satellite européen, 95 millions pour un satellite moyen européen, deux satellites étant lancés par la même fusée.

Les tarifs hors Europe, établis en dollars US, sont de 27 millions pour le satellite Intelsat 5 ; 13,5 millions pour les satellites du tiers monde genre Arabsat (pays arabes) et Palapa (Indonésie). Le carnet de commande prévoit 4 tirs technologiques aux frais de l'ESA, 11 commandes fermes, 5 options d'achat, 16 achats potentiels.

Arianespace pourrait s'assurer, au cours des années 80, jusqu'à 20 % d'un marché mondial estimé à 220 lanceurs.

Répartition

Le bon fonctionnement de l'Europe spatiale requiert le fair play dans la répartition du pactole entre les diverses industries nationales. La Grande-Bretagne a reçu commande, le 26 juillet 1979, d'un troisième Marecs, dont le maître d'œuvre est le British Aerospace Dynamics Group. Ces satellites, avec d'autres, américains et soviétiques, constitueront le réseau d'une nouvelle organisation internationale, l'Immarsat, qui compte déjà 26 membres. Il s'agit d'établir un service mondial de télécommunications maritimes par satellite.

Indépendamment des satellites de télévision directe que la RFA et la France construisent en commun pour leurs propres besoins et pour permettre à leur industrie de prendre une place dans le marché international de ces engins, l'ESA a établi un projet L-SAT de satellites de télécommunications destinés aux autres pays membres désireux de les utiliser. Réuni à Paris les 23 et 24 janvier 1980, le conseil de l'ESA a, pour la première fois depuis que l'Europe spatiale existe, approuvé le budget à l'unanimité. De même a été approuvée la proposition française de créer la société Arianespace.

Spacelab

La France a remis à plus tard la signature d'un autre accord pris à l'unanimité : des fonds supplémentaires seront versés à la RFA pour la rembourser du dépassement du coût du Spacelab construit outre-Rhin. Tout se passera bien, d'autant plus que la NASA a signé, le 28 janvier, la commande à l'ESA d'un autre Spacelab à construire en Allemagne.