Sciences

Prix Nobel

Médecine et physiologie

Le prix Nobel de physique était attribué, en 1901, à Röntgen pour sa découverte des rayons X, qui permettait de voir l'intérieur du corps humain. Les énormes progrès de la radiologie depuis cette époque n'ont pas supprimé deux difficultés. Pour faire ressortir les tissus autres que les os ou les poumons, il faut les opacifier aux rayons X par des injections presque toujours pénibles et parfois dangereuses. D'autre part, l'image est une projection sur un plan de toutes les zones plus ou moins opaques rencontrées par le faisceau X à différentes profondeurs. Le radiologiste doit reconnaître les ombres du niveau qui l'intéresse. L'interprétation est délicate, et la précision de l'image souffre d'un effet de flou dû à la divergence du faisceau. Entre les années 1950 et 1960, Allan MacLeod Cormack propose de remplacer le faisceau X divergent par un rayon étroit reçu par un détecteur. En déplaçant l'ensemble source-détecteur dans un même plan tout autour de l'objet, on recueille un grand nombre de mesures d'opacité qui permettent, théoriquement, de reconstituer par des calculs une image du plan de coupe. Cormack élabore à cet effet une relation matricielle. Mais, pour obtenir une telle image, il faut un si grand nombre de données que leur traitement est pratiquement impossible. Entre 1969 et 1972, Godfrey Newbold Hounsfield associe l'ensemble source-détecteur à un ordinateur qui, en quelques instants, transforme les données en une image projetée sur écran cathodique et qu'on peut photographier ; il met au point l'algorithme qui permet d'utiliser le travail théorique de Cormack. Le premier scannographe (encore appelé en France tomodensitomètre) effectuait des balayages de la tête donnant des images d'une extraordinaire précision, sans interférence avec une autre région que le plan de coupe et d'une sensibilité rendant inutile toute préparation du malade. En quelques années, la scannographie s'est étendue au corps entier. Les possibilités de cette technique seront encore accrues par une transformation de l'enseignement de l'anatomie et le recyclage des praticiens. Son coût est compensé par les économies découlant de la suppression des hospitalisations pour examens et l'assurance de thérapeutiques plus précoces et plus efficaces.

Allan MacLeod Cormack

Né en 1924 à Johannesburg de parents écossais émigrés en Afrique du Sud ; naturalisé américain en 1966. Études en Afrique du Sud, puis à Cambridge (États-Unis), lecteur à l'université du Cap, puis attaché de recherche à Harvard et à l'université de Tuft, où il est nommé professeur. A aussi collaboré aux travaux de l'université de Berkeley. Biophysicien nucléaire, Cormack commença à s'intéresser au radiodiagnostic alors qu'il travaillait à l'hôpital de Groote Schur, où Barnard réalisait ses premières transplantations cardiaques.

Godfrey Newbold Hounsfield

Britannique. Né en 1919 à Newark. Fils de fermier, premières études à l'école de son village, pas de diplômes universitaires. Après avoir servi pendant la guerre, appointé pendant quelque temps au Radar School du Royal Air Force Collège de Cranwell, suit l'enseignement du Faraday House Electrical Engineering Collège, d'où il sort ingénieur. En 1951, entre à la compagnie EMI (Electromusical Industries), où il travaille sur les systèmes radar, puis sur les ordinateurs. Recherches sur les mémoires magnétiques, puis réalisation du premier appareil de tomographie avec ordinateur.

Sciences économiques

Les deux lauréats sont des spécialistes de l'économie agricole, domaine dans lequel ils se sont attachés à définir des solutions pratiques plutôt qu'à affiner des cadres théoriques abstraits. En les couronnant, le jury suédois a répondu aux préoccupations d'une époque où l'industrialisation à outrance n'est plus envisagée avec le même enthousiasme inconditionnel que naguère et où l'on est conduit à considérer le rôle déterminant de la production des aliments dans l'avenir proche de l'humanité. Travaillant dans le cadre américain, Schultz a étudié les crises du secteur agricole (caractérisées par des variations brutales de prix et de revenus) en fonction des ruptures de rythme entre révolution de la production et celle de la demande des consommateurs. Ses analyses contribuent largement à inspirer la politique agricole des pays riches. Prenant en compte le capital humain, Schultz traite l'éducation du milieu rural comme un investissement. Il critique l'introduction forcée, notamment dans les pays en voie de développement, des machines et des produits chimiques : la mise en œuvre de facteurs de production nouveaux doit être accompagnée, sinon précédée, d'actions d'éducation et de mise en place d'institutions rurales de base appropriées. C'est au développement des pays pauvres que l'Antillais Lewis a tout naturellement consacré l'essentiel de son œuvre, insistant, comme Schultz, sur l'aspect humain, voire politique, et la nécessité d'articuler la croissance industrielle et la croissance agricole. Sur un point, cependant, la position des deux hommes semble différer Alors que Schultz estime que la résistance des systèmes agricoles traditionnels à une industrialisation brutale correspond à l'intérêt réel des régions surpeuplées, Lewis pense que cette surpopulation abaisse la productivité et qu'il n'y a donc pas d'inconvénient, au contraire, à prélever une partie de la force de travail pour la diriger vers d'autres secteurs. Les travaux de Lewis font particulièrement autorité dans les pays du tiers monde et auprès des organismes qui s'efforcent de prévoir un nouvel ordre international.

Théodore W. Schlutz

Américain. Né en 1902 à Arlington (Dakota du Sud). Docteur de l'université du Wisconsin. En 1930, professeur à l'université agricole de l'Iowa, au cœur du corn belt (la ceinture de maïs), puis en 1943 à Chicago, où il dirige le département d'économie. En 1945, il publie Agriculture in an Unstable Economy (« L'agriculture en économie instable »), dont le titre marque la direction de toute son œuvre. Viendront ensuite (entre autres) Food for the World (« Nourrir le monde ») et Economic Growth and Agriculture (« La croissance économique et l'agriculture »). Ces ouvrages n'ont pas été publiés en français.

Sir Arthur Lewis

Britannique. Antillais né en 1915 à Castries, dans l'île de Sainte-Lucie. Études en Grande-Bretagne. Il est nommé, en 1945, professeur à l'université de Manchester. Il repart pour les Antilles pour y diriger la Banque de développement des Caraïbes, avant d'être nommé professeur à l'université de Princeton, aux États-Unis. Parmi ses nombreux ouvrages, traduits en français : Théorie de la croissance économique, Développement économique et planification, La chose publique en Afrique et, seulement en anglais : The Evolution of the International Economic Order.

Physique

Travaillant dans le même sens, quoique le plus souvent indépendamment les uns des autres, les lauréats ont contribué de façon décisive à la restructuration théorique qui, après avoir uni dans une même formulation mathématique deux des forces fondamentales de la nature (l'électromagnétisme et l'interaction faible), ouvre aujourd'hui l'espoir d'une synthèse encore plus vaste. L'application de la théorie quantique au champ électromagnétique se heurtait au fait que les calculs effectués sur cette base faisaient apparaître des quantités infinies, donc dénuées de sens physique. La difficulté fut résolue aux environs de 1950, grâce à une théorie dite de renormalisation, fondée sur le fait que le photon, quantum de champ électromagnétique, a une masse nulle, théorie à l'élaboration de laquelle collaborèrent Abdus Salam et Steven Weinberg. En 1960, Sheldon Glashow, en même temps que d'autres théoriciens, envisage la possibilité de réunir l'interaction électromagnétique et l'interaction faible. Quelques années plus tard, Salam et Weinberg développent à leur tour cette idée. Ils montrent que l'interaction faible, bien que son quantum, le boson neutre, doive avoir une masse non nulle, peut, elle aussi, être renormalisée. Ainsi naît la théorie du champ électro-faible unifié, dont les prédictions sont vérifiées par nombre de résultats expérimentaux, parmi lesquels la découverte des courants neutres (réactions sans échange de charge électrique entre les particules concernées). Cependant, certaines réactions attendues ne sont pas constatées. Glashow propose d'expliquer le phénomène en ajoutant au modèle des trois quarks un quatrième quark, dit charmé. Il en résulte la prédiction d'une nouvelle famille de particules, dont le quark charmé est un des constituants ; prédiction vérifiée, en 1974, par la découverte de la particule J/psi. La notion dite de champ de jauge, qui a conduit à l'unification électro-faible, est maintenant appliquée aux interactions entra quarks, qui relèvent de l'interaction forte. Les physiciens pensent ainsi soulever bientôt, selon l'expression d'Einstein, « un coin du grand voile » qui cache encore la nature ultime de la matière.

Sheldon Lee Glashow

Américain. Né à New York en 1932. Études aux universités Cornell et Harvard. Séjour à l'université de Copenhague (un des centres mondiaux de la physique théorique) de 1958 à 1960. Retourne aux États-Unis, où il est successivement chercheur au Caltech (Institut de technologie de Californie), professeur à Stanford, puis à l'université de Berkeley, et actuellement, depuis 1966, professeur au laboratoire Lyman de l'université Harvard. Proposé en 1960, son modèle unifié de champ électro-faible passa à l'époque presque inaperçu.

Steven Weinberg

Américain. Né à New York en 1933. Études à l'université Cornell, puis à Princeton, où il passe son doctorat en 1957. À partir de 1960, il travaille à l'université de Californie, à Berkeley, où il est nommé professeur en 1965. Professeur ensuite au MIT (Institut de technologie du Massachusetts), puis à l'université Harvard. Donne des cours au Collège de France en 1971. Ses plus récents travaux l'orientent vers l'étude de la gravitation et la cosmologie. Son ouvrage Les trois premières minutes de l'univers a été traduit en français. Membre de l'académie des sciences des États-Unis.

Abdus Salam

Pakistanais. Né en 1926 à Jhang, dans la région la plus pauvre du Pakistan. Études à l'université du Pendjab, puis en Grande-Bretagne à Cambridge. De 1951 à 1954, dirige le département de mathématiques de l'université du Pendjab, puis enseigne la physique à Cambridge et au Collège impérial de Londres. Membre de nombreux organismes scientifiques internationaux, où il se fait l'avocat des besoins du tiers monde en matière scientifique et technique. A consacré le montant de son prix à une fondation pour l'éducation des habitants de sa ville natale.

Chimie

La chimie organique synthétise des composés carbonés, connus ou non dans la nature, intéressants par leurs propriétés : physiques, chimiques, pharmacodynamiques, gustatives ou olfactives. Il s'agit de trouver les voies de synthèse qui, sorties du laboratoire, assurent une production industrielle rentable. Pour les molécules nouvelles, on cherche à prévoir leurs propriétés et à obtenir à la demande celles qui répondent à des besoins donnés. Au cours de leur longue carrière, les deux lauréats ont mis au point des réactions et des familles de produits aujourd'hui largement utilisés dans l'industrie mondiale. Les synthèses les plus utiles sont celles où il y a création de doubles liaisons carbone-carbone ou carbone-oxygène. Georg Wittig a particulièrement travaillé sur les ylures au phosphore, composés dans lesquels l'atome de phosphore porte une charge électrique positive et le carbone adjacent une charge négative. Ces corps réagissent avec les aldéhydes et les cétones pour donner des oléfines (hydrocarbures insaturés comprenant des doubles liaisons carbone-carbone), que l'on trouve dans la plupart des composés organiques. Cette réaction de Wittig sert à synthétiser des milliers de composés : vitamine A, terpènes pour la parfumerie ; hormones de croissance, phéromones, prostaglandines ; etc. De son côté, Herbert Brown a travaillé sur des réactions dans lesquelles des composés de bore cassent de façon sélective des liaisons oléfiniques, donnant des organoboranes, à partir desquels on obtient (par oxydation, réduction ou carbonatation) de nombreux composés organiques. En mettant des boranes en présence de réactifs optiquement actifs (déviant la lumière polarisée), Brown a obtenu des boranes eux-mêmes optiquement actifs, à partir desquels on prépare des composés organiques stéréochimiquement purs, c'est-à-dire ne comprenant qu'une des deux formes possibles (isomères) de disposition de la molécule dans l'espace. Enfin, Brown s'est penché sur des problèmes de recherche fondamentale comme les molécules cycliques tendues, dans lesquelles les angles entre les différentes liaisons n'ont pas la valeur normale.

Georg Wittig

Allemand (RFA). Né en 1897 à Berlin. Études dans les universités de Tübingen et de Marburg. Outre ses diplômes de chimie, il est docteur en philosophie. Carrière consacrée en grande partie à l'enseignement : professeur hors cadre, puis chef de section à l'institut de technologie de Brunswick, professeur extraordinaire et chef de section à Fribourg-en-Brisgau, professeur ordinaire et directeur de l'institut de Tübingen. Depuis 1956, enseigne la chimie organique à Heidelberg. Surpris de recevoir un prix Nobel à l'âge de 82 ans, il a rappelé que la synthèse qui porte son nom date de plus d'un quart de siècle.

Herbert Charles Brown

Américain. Né à Londres en 1912, vit aux États-Unis depuis 1914. Études à l'université de Chicago. De 1940 à 1943, associé à l'équipe du projet Manhattan (bombe atomique). Correspondant et professeur de nombreuses universités : Purdue (Indiana), Berkeley (Californie), Santa Barbara (Californie), université hébraïque de Jérusalem. Réputé pour son dynamisme, Herbert Brown groupe autour de lui toute une équipe de chercheurs hautement qualifiés. Sa production est considérable : en 1975, il a fêté son cinq centième article scientifique, auquel s'en sont ajoutés depuis près d'une centaine d'autres.

Recherche

Nouveaux statuts au CNRS et à l'INSERM des chercheurs plus jeunes et plus mobiles

Annoncée depuis longtemps par le secrétaire d'État à la recherche, Pierre Aigrain, la réforme du statut des chercheurs du CNRS et de l'INSERM s'est concrétisée, fin janvier, dans la publication de deux décrets largement inspirés du rapport Massenet (Journal de l'année 1978-79).