À neuf mois des législatives de 1978, l'agression du 5 juin 1977 inquiète l'opinion.

Les plates-formes syndicales

Les deux grandes syndicales publient à une semaine d'intervalle leur plate-forme revendicative. La CFDT (13 juin 1977) et la CGT (20 juin) ont voulu l'une et l'autre marquer leur indépendance dans l'hypothèse d'une victoire de la gauche aux législatives de mars 1978.

CFDT

Autour de sept thèmes, la CFDT vise à un double but : réduire les inégalités, donner des réels pouvoirs aux travailleurs :

les salaires : fixation du SMIC à 2 200 F et réduction de l'éventail des rémunérations de 1 à 6.

l'emploi : création de comités locaux de l'emploi et renforcement du contrôle exercé par les comités d'entreprise.

conditions de travail : possibilité d'un droit d'expression pour les salariés.

droits sociaux : augmentation des prestations sociales.

information : création d'un comité national de la presse avec une représentation de toutes les organisations professionnelles.

libertés syndicales : renforcement des moyens des comités d'entreprise, élargissement des droits des immigrés ;

entreprises nationales : mise en place de structures décentralisées, comité d'atelier notamment.

CGT

salaire : SMIC à 2 200 F, révisé tous les six mois, réduction de l'éventail des rémunérations (sans donner de chiffre), grille des salaires unique par branche professionnelle, révisée périodiquement.

droits sociaux : remboursement des frais maladie à 80 ou 100 % refonte du système des prestations familiales, qui seront revalorisées ; retraite égale à 75 % au moins des salaires des dix meilleures années.

fiscalité : réduction ou suppression de la TVA ; révision de l'impôt sur le revenu et des impôts locaux ; impôts sur le capital et l'actif des grandes sociétés.

emploi : allocation chômage minimum égale à 80 % du SMIC ; allocation égale au dernier salaire pour un travailleur privé d'emploi ; licenciement interdit sans reclassement préalable.

politique économique : nationalisation des grandes sociétés ; planification démocratique.

libertés syndicales : renforcement du rôle et des moyens des comités d'entreprise et des syndicats, qui participeront à la gestion des entreprises nationalisées ; pouvoirs accrus au Conseil économique et social.

Le congrès CGC

Congrès houleux pour la CGC, à Versailles, du 10 au 13 juin 1977. Vigoureusement contesté pour sa participation aux Groupes initiatives de responsabilités (GIR) destinés à rassembler les classes moyennes, des agriculteurs aux PME en passant par les cadres, Yvan Charpentié n'est réélu que par 55,4 % des voix contre Paul Marchelli (25,5 %) et Jean Menu (19 %). Le leader a tenu bon contre l'assaut du courant réformiste, mais a dû faire plusieurs concessions : ouvrir le bureau aux opposants, retrait de la CGC par rapport aux GIR. Signe d'une évolution importante, un rapprochement est esquissé avec l'UCT, organisation qui avait autrefois fait scission en raison d'une vive opposition avec André Malterre. Les problèmes posés par les élections de 1978 ont été les grandes absentes de ce congrès ; attitude déconcertante mais explicable. Les dirigeants de la CGC savent que les cadres risquent de faire pencher la balance aux législatives. Il n'est pas question pour eux d'engager un débat périlleux, lourd de conséquences et qui risque de casser une organisation dont l'unité est fragile.

Le 18e Congrès de FO

« Les partis politiques ont pour vocation de gérer les affaires publiques, et les syndicats de défendre l'intérêt des salariés. » Cette affirmation constante d'André Bergeron est-elle sa force ? En tout cas, elle a permis au secrétaire général de la CGT-FO de conforter sa position personnelle lors du 13e Congrès de son organisation, à Vichy du 10 au 13 mai 1977. Sa motion d'orientation générale devait recueillir 83,5 % des suffrages, contre 9,1 % à un texte socialiste et 6,9 % à la motion des révolutionnaires. Force ouvrière (qui avait recommandé le « non » au référendum de 1969) se tient à l'écart des partis et compte dans ses rangs des trotskistes aussi bien que des gaullistes. Son indépendance lui permet d'accueillir les courants les plus divers, tout en étant courtisée par le patronat et le gouvernement. Aussi n'est-il pas surprenant que le congrès de FO ait, à la fois, décidé à l'unanimité de participer à la grève générale du 24 mai 1977 lancée par la CGT et la CFDT, et marqué ses distances à l'égard des deux organisations concurrentes, souvent vivement critiquées par les militants. Hostilité viscérale à l'égard des communistes et de tout ce qui est proche des partis, irritation profonde à l'égard d'un gouvernement remettant en cause la politique contractuelle, tel est le visage contrasté de Force Ouvrière clairement mis en évidence lors de ce congrès.

La revalorisation du travail manuel

Le Secrétariat d'État au travail manuel, créé en janvier 1976. multiplie les initiatives pour convaincre l'opinion de la réalité de ses intentions :
– la loi du 16 juillet 1976 institue un repos compensateur en matière d'heures supplémentaires et complète celle du 26 décembre 1975 réduisant la durée maximale de travail. Le repos compensateur ainsi institué revêt un double aspect :
• réduction de la durée globale du travail, puisque les heures supplémentaires au-delà d'un plancher entraînent une compensation sous forme de repos ;
• augmentation indirecte du coût des heures supplémentaires, puisque le temps de repos ainsi créé est payé comme temps de travail.
Le mécanisme consiste à donner le droit de prendre un repos égal à 20 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de 44 heures par semaine pour la première année d'application (43 heures l'année suivante, 42 heures ensuite).
– Le 10 mai 1976, un décret vient compléter la loi du 30 décembre 1975 sur l'abaissement de l'âge de la retraite pour les travailleurs manuels. Soixante mille personnes (plus 15 000 ouvrières mères de famille) bénéficient de ce texte le 1er juillet 1976.
– À la suite du rapport du professeur Wisner sur le travail posté (juillet 1976), le gouvernement arrête, le 9 décembre 1976, une série de mesures de principe :
• projet de limiter le travail posté dans la CEE ;
• interdiction de créer (à partir du 1er juillet 1977), sauf dérogation, de nouvelles formes de travail posté comprenant les deux postes du samedi à 20 heures au dimanche à 14 heures. Pour le travail posté existant, une recommandation sera adressée aux partenaires sociaux. Des aides de l'État seront accordées aux entreprises qui s'engageront dans ce processus ;
• création de commissions techniques pour expérimenter des rythmes de roulement dans plusieurs branches (sidérurgie, verrerie, chimie, papeterie) ;
• amélioration de la protection médicale et du pouvoir des médecins, ainsi que de l'information des travailleurs postés.
Le gouvernement décide d'étendre la mensualisation, d'accorder des congés supplémentaires aux mères de famille et aux femmes enceintes exerçant un métier manuel, de mettre en place en 1977 le livret d'épargne manuelle annoncé en 1976.
Enfin, une dernière série de dispositions concerne la formation des travailleurs manuels : statut de l'apprenti, amélioration de l'orientation, introduction du travail manuel en 6e, création de classes préparatoires aux grandes écoles pour les bacheliers du technique et des centres de travail manuel, homologation du titre de meilleur ouvrier de France.
– La loi du 6 décembre 1976 sur la prévention des accidents du travail comporte toute une série de dispositions destinées à renforcer la protection des salariés contre les accidents. Mais elle modifie aussi le système des sanctions en cas d'accident : sur le plan pénal, en ne retenant la responsabilité que de ceux qui « par leur faute personnelle » auront été la cause de l'accident ; sur le plan civil, en faisant payer une partie des amendes par l'entreprise personne morale.
La loi donne enfin aux inspecteurs du travail des pouvoirs accrus pour réprimer l'inexécution des dispositions réglementaires.

La formation continue

Les négociations patronat-syndicats pour une amélioration de l'accord du 9 juillet 1970, annoncées depuis 1974, aboutissent, six ans jour pour jour après la conclusion de l'accord initial, à la signature d'un avenant, auquel la CGT et la CFDT refusent de s'associer. Les deux centrales auraient souhaité une extension plus large des possibilités de congé-formation et, surtout, la reconnaissance au comité d'entreprise d'un droit de veto sur la politique de formation.