À l'exception des dirigeants de l'automobile et des transports (inquiets des répercussions de l'augmentation du prix de l'essence), la stratégie patronale vise à conforter la politique gouvernementale, notamment pour l'emploi des jeunes. Même si les analyses économiques divergent, en particulier sur la politique de crédit et les investissements, le patronat sait qu'il est plus simple et plus sûr pour lui de ne pas faire cavalier seul et de renvoyer les syndicats (notamment pour l'emploi) devant le gouvernement. Même dans le secteur privé, tout se passe comme si c'était le gouvernement qui était l'interlocuteur des syndicats.

Les conflits du travail

– Mouvements professionnels et grèves générales
1976, 7 octobre : journée nationale d'action CGT et CFDT marquée essentiellement par des défilés.
23 octobre : journée nationale d'action CGT et CFDT sur l'emploi des jeunes.
29 octobre : journée d'action dans les banques (CGT-CFDT).
17-19 novembre : journée d'action dans le bois (CGT-CFDT).
1977, 27 janvier : manifestations des fonctionnaires CGT, CFDT. FO, FEN.
31 janvier-1er février : débrayages dans le secteur public (Charbonnages, EGF, Crédit agricole...).
13 avril : journée nationale de grève dans la construction.
21 avril : rassemblement national CGT-CFDT à Paris pour le textile.
28 avril : journée nationale de grève dans le secteur nationalisé (CGT-CFDT).
24 mai : grève générale de 24 heures organisée par toutes les confédérations syndicales représentatives.

– Les conflits d'entreprises
BNP : grève des informaticiens de la BNP, du 18 mars au 15 avril, sur la garantie des salaires. Succès pour les grévistes.
Belle Jardinière : du 16 décembre au 5 janvier 1977, les 112 employés de la BJ occupent le magasin pour protester contre le licenciement de 62 d'entre eux.
BSN (Rive-de-Gier) : du 22 février au 21 mars, grève des verriers de Rive-de-Gier, qui n'acceptent pas les propositions de reclassement de la direction pour les 352 licenciés par suite de la fermeture partielle de l'établissement. La grève est un échec.
Caisse d'épargne (Paris) : grève de 1 200 salariés, du 6 octobre au 4 janvier 1977. Ils réclament le paiement d'une prime de fin d'année refusée par la direction. La grève s'achève sans que les grévistes obtiennent satisfaction.
CEA : à la Hague, pendant deux mois et demi (20 septembre-3 décembre 1976), les grévistes mènent une action sur la sécurité du travail (risques de radiation) et contre la création d'une filiale de droit privé au sein du CEA. Les grévistes organisent des Assises du nucléaire, à Cherbourg.
Dockers : à Dunkerque, les dockers CGT bloquent le port pendant 52 jours (mars-avril), pour maintenir l'application de leur statut de 1947 remis en cause par Usinor sur son port minéralier privé.
Éboueurs : grève des éboueurs parisiens à partir du 21 avril. Un compromis permet la reprise du travail après le 4 mai. L'armée a été utilisée pour suppléer les éboueurs pendant la grève.
General Motors : grève-occupation le 4 avril, à Gennevilliers, pour protester contre le blocage des salaires. Le 18 avril, l'usine est évacuée. Le 22 avril, le travail est repris. Des négociations s'engagent.
Le Parisien libéré : le 5 décembre 1976, la police fait évacuer les locaux du Parisien libéré. Le conflit avait commencé le 3 mars 1975. Le gouvernement nomme un médiateur, J. Mottin, dont les propositions de reclassement sont repoussées par la CGT. Cependant, les tribunaux administratifs décident, le 7 juin, d'annuler la décision autorisant le licenciement des ouvriers du Livre.
Remontées mécaniques : le 30 décembre, les 8 000 OS de la neige des 210 stations de sports d'hiver françaises font grève pour obtenir une augmentation de salaires. Leur grève est un succès.
Rhône-Poulenc : au Péage-de-Roussillon (Isère), mouvements de grève en octobre-novembre 1976 pour protester contre 356 licenciements.
Schlumpf : menacés de chômage, les 2 000 salariés des textiles Schlumpf en Alsace occupent leurs usines en octobre. Inculpés d'abus de biens sociaux, les frères Schlumpf, qui sont Suisses, se réfugient dans leur pays. Les salariés décident d'occuper le musée de la voiture, fondé par les frères Schlumpf, qui est évalué à plusieurs dizaines de millions de F. Les pouvoirs publics étudient une relance de l'activité de l'entreprise.
Siccna : à Saint-Malo, le 25 mars, les 183 travailleurs du chantier naval Siccna évacuent le thonier Magellan, à l'issue d'un des conflits les plus longs de France (deux ans). Ils obtiennent une promesse de réembauchage.
Sidérurgie : à la suite de l'annonce de la suppression de 16 000 emplois dans la sidérurgie, les syndicalistes organisent plusieurs manifestations : à Thionville, le 14 avril, puis, le 19, à Paris. La CGT met l'accent sur la mise à la retraite à 55 ans et la diminution de la durée du travail ; la CFDT insiste sur la création de nouvelles industries. La CGC elle-même dénonce les incohérences de la direction d'Usinor. Le gouvernement, de son côté, annonce l'installation de Renault et de Peugeot en Lorraine, ainsi que des prêts importants et un programme d'investissements de 12 milliards de F.
Télévision : grève des artistes interprètes en novembre-décembre. Ils réclament la détermination d'un volume national minimal de production et une convention collective. Très suivi, le mouvement remet en cause les programmes de fin d'année.
Balayeurs du métro : les 750 employés de six entreprises chargées du nettoiement du métro se mettent en grève le 31 mai ; ils réclament 2 300 F net pour 173 h de travail, le 13e mois et l'amélioration de leurs conditions de travail. La grève durera un mois, jour pour jour.

Un syndicat pour quoi faire ?

Conflit inhabituel dans une entreprise de confection de Saint Christol-lès-Alès (Gard) : la majorité des 192 salariés (95 % de femmes) s'oppose au maintien de la section syndicale CGT, mise en place en avril 1977 par 70 ouvrières (48 au départ) qui dénoncent les conditions de travail. Soutenues par leur P-DG. Gérard Furnon, les non-syndiquées déclarent que « dans une maison où le patron a accordé des avantages ignorés du reste de la corporation, un syndicat ne peut apporter rien de bon ». Elles empêchent leurs collègues de travailler, malgré plusieurs décisions de justice. Le climat de l'entreprise se détériore. La CGT, qui a pourtant la loi en sa faveur, hésite à agir ; elle ne veut pas porter la responsabilité de la suppression de 200 emplois dans une région où le chômage est endémique. Le CNPF reste très discret, la Confédération nationale des petites et moyennes entreprises accorde un soutien nuancé à Gérard Furnon. Pour appuyer son combat, ce dernier met sur pied le CODEL (Comité de défense de l'entreprise libre), qui compte, à la fin du mois de juin 1977, environ 1 100 adhérents, affirme-t-il.

Attentat meurtrier contre un piquet de grève à Reims, dans la nuit du 4 au 5 juin 1977 : trois ouvriers blessés. L'un d'eux, Pierre Maitre, 37 ans, décède des suites de ses blessures, le 6 juin. C'est après avoir essayé d'arracher la banderole de la CGT (seul syndicat implanté dans l'entreprise) tendue devant les grilles des Verreries mécaniques champenoises (VMC) occupées par le personnel que le commando, à bord d'une voiture, a tiré des coups de feu sur le piquet de grève, un peu plus tard, au cours d'une seconde attaque. Les 5 agresseurs sont arrêtés le lendemain : ils sont tous employés chez Citroën et quatre sont affiliés à la CFT (Confédération française du travail). Claude Lecomte, 47 ans également membre du SAC (Service d'action civique), chef du commando, a déjà été mêlé à plusieurs opérations de ce type. L'émotion est grande dans le pays. Le gouvernement, les partis politiques, les syndicats, tout le monde s'accorde pour condamner l'agression, y compris le SAC et la CFT (qui excluent leurs adhérents impliqués dans l'affaire). De nombreuses manifestations se déroulent dans les grandes villes et dans de nombreuses entreprises. 25 000 personnes participent, à Reims, aux obsèques de Pierre Maitre, le 10 juin. Il faut remonter à février 1972, avec le meurtre de Pierre Overney pour trouver une affaire semblable. (Journal de l'année 1971-72).