Grâce à un subterfuge (une purge mêlée au ravitaillement destiné aux écoliers), la situation va évoluer rapidement à l'école de Bovensmilde. Elle amènera le commando à relâcher ses jeunes otages le 27 mai. Pour les prisonniers du train, la guerre des nerfs se prolongera. Les autorités, toujours très fermes dans leur détermination, mettent tout en œuvre pour obtenir un dénouement rapide. Dans leurs négociations avec les terroristes, elles s'adjoignent par exemple les conseils de psychologues, acceptent (sur la demande du commando) l'intervention d'un médiateur moluquois. Mais leurs efforts n'aboutiront qu'à la libération de deux jeunes femmes enceintes. Finalement, le Premier ministre, Joop Den Uyl, décide de donner l'assaut. « C'est la seule issue » déclare-t-il après 20 jours de cauchemar et d'attente angoissée. À l'aube du 11 juin, les armes automatiques crépitent, des charges de plastic explosent. En quelques minutes, l'affaire est terminée. Neuf otages sont blessés, deux sont tués et les six terroristes abattus.

Meurtres d'enfants

En moins d'un an, trois meurtriers d'enfants sont passés devant les juges. Deux ont été condamnés à mort : Christian Ranucci et Jérôme Carrein ; le troisième a sauvé sa tête : Patrick Henry. Une fois de plus se trouve mise en lumière l'incapacité des hommes de juger et de punir en toute sérénité.

Ranucci

Meurtrier d'une petite fille de huit ans. Marie-Dolorès Rambla, Ranucci, 21 ans, voyageur de commerce, n'a pas une personnalité bien marquée. Le 3 juin 1974, il a enlevé l'enfant, l'a fait monter dans sa voiture. Affolé après un banal accrochage, il l'a entraînée dans un bois et l'a tuée puis sauvagement défigurée. Deux jours après, il est arrêté.

Le procès de Christian Ranucci se déroule sans incidents, rapidement. Condamné à mort le 10 mars 1976, Ranucci voit son recours en grâce rejeté, et, le 28 juillet, il est exécuté à la prison des Baumettes à Marseille. L'affaire Ranucci n'a pas fait grand bruit.

Patrick Henry

On a tant écrit, tant discuté sur le meurtrier du petit Philippe Bertrand qu'il semble que rien de nouveau ne puisse être dit. Lorsque, le 18 janvier 1977, s'ouvre à Troyes le procès de Patrick Henry, l'opinion publique et l'accusé lui-même sont persuadés que déjà les jeux sont faits : le verdict sera la mort. Et, peut-être justement à cause de cela, parce qu'on a répété que les passions allaient influencer les jurés de Troyes, parce que les partisans de la peine de mort qui ont fait signer par des milliers de personnes leurs pétitions sont sûrs de leur victoire, Me Bocquillon et Me Badinter vont faire en sorte que le procès, plus que celui de Patrick Henry, soit celui de la peine de mort.

Leur client ne leur facilite pas la tâche : froid, lointain, il écoute attentivement les questions du président et y répond sans émotion apparente : Non, il n'a pas drogué l'enfant. Oui, il lui a donné à manger, a joué avec lui, ils ont parlé ensemble, et puis, le samedi 31 janvier 1977, le lendemain du jour du rapt, le petit commençait à s'inquiéter, à s'énerver... alors il l'a étranglé.

Les psychiatres qui ont examiné Patrick Henry déposent des conclusions qui (une fois n'est pas coutume) concordent. Pour reprendre les termes de deux d'entre eux : « L'accusé n'a pas révélé de troubles psychotiques, pas de signes évoquant un processus schizophrénique (...). Il n'est pas non plus franchement anti-social et n'éprouve pas de désirs morbides de nuire. »

Les témoins défilent ; le président René Sajols a décidé, contrairement à l'habitude, d'entendre ceux de la défense avant ceux de l'accusation. Me Badinter cite à la barre l'aumônier de la Santé, qui dira que « la peine de mort est une décision de désespoir » et que « l'horreur ne doit pas répondre à l'horreur ». Vient le tour du professeur André Lwoff, prix Nobel de médecine, puis celui du président de l'Association française de criminologie Roumajon, et enfin celui de Jacques Léauté, directeur de l'Institut de criminologie de Paris. Tous trois concluent par une condamnation sans réserve de la peine de mort.