La presse aussi enquête. À cause de la personnalité de la victime, mais aussi de l'apparente précipitation avec laquelle on semble avoir voulu clore le dossier. Précipitation et gêne : aucun ministre ne s'est déplacé aux obsèques de Jean de Broglie. Officiellement à cause de la pluie.

Au fil des jours, on apprend que le député de l'Eure avait fondé une société fictive au Luxembourg, la Sodetex SA. Or, cette société se révèle être une des nombreuses filiales de la Matesa, cette compagnie espagnole au centre, en 1969, d'un gigantesque scandale politico-financier. On découvre que le policier marron, Guy Simoné, devait 120 000 F au prince député Jean de Broglie et était lié à celui qui leur avait servi d'intermédiaire, Pierre de Varga, par un eurosignal, un système d'alerte à distance. On apprend aussi que le même Simoné avait déjà par deux fois tenté de recruter des tueurs à gages pour assassiner le député.

On parle de faux bons des Charbonnages de France, de trafic de drogue, de vente d'armes, d'Israël, de l'OLP. Au passage, l'inculpation d'un comparse, le cambriolage du château familial des Broglie, ou l'incendie accidentel du carnet d'adresses du prince dans une photocopieuse de la PJ font les gros titres les jours sans révélation.

De son côté, le juge Guy Floch poursuit son enquête en multipliant interrogatoires et perquisitions. Il remet Patrick de Ribemont en liberté, mais maintient son inculpation pour complicité d'homicide volontaire, comme celle de Pierre de Varga, qui, lui, restera en prison.

Rebondissement

Fin mars 1977, l'affaire prend un tour nouveau avec l'inculpation pour destruction de document d'une cardiologue rattachée au service de médecine pénitentiaire, le docteur Nelly Azerad, et d'un des avocats de Pierre de Varga. Maître Alain Beaumont aurait, quelques jours après le meurtre, incité le docteur Azerad, qui soignait Varga et Broglie, à détruire son carnet de rendez-vous. Ce document aurait pu prouver que Pierre de Varga connaissait les heures de visite du député de l'Eure chez le cardiologue et pouvait le communiquer aux tueurs, comme l'affirme Guy Simoné.

Détail important, qui permettrait de savoir si Simoné ment ou pas. Peut-être le policier dit-il vrai en affirmant avoir fait assassiner Jean de Broglie pour le compte de Pierre de Varga. Mais peut-être a-t-il agi pour éteindre sa propre dette à l'égard du député de l'Eure. Ou bien encore pour des tiers qu'il couvrirait en chargeant les deux hommes d'affaires.

Difficile de trancher parmi ces hypothèses... Et quelle que soit la vérité qui se manifeste un jour, des zones d'ombres et des questions sans réponses demeureront toujours dans ce qui est le type même de ces grandes affaires qui défraient la chronique une fois tous les dix ans.

Vathaire-Dassault : une escroquerie troublante

La disparition d'Hervé de Vathaire (et avec lui de 8 millions de F appartenant à la Société Dassault) remonte déjà à près de deux mois lorsque, le 4 septembre 1976, la presse révèle ce qui deviendra très vite l'affaire Vathaire, puis l'affaire Dassault.

Le 6 juillet 1976, en effet, Hervé de Vathaire se présente au guichet de la BNP, avenue de la Grande-Armée, à Paris. Il vient retirer 8 millions sur le compte de la Société Dassault. Démarche qui n'éveille aucune inquiétude : depuis 24 ans. Hervé de Vathaire n'est-il pas un des hommes de confiance de Marcel Dassault, qui lui a confié la comptabilité de plusieurs de ses sociétés ?

Pourtant, le banquier qui lui a remis les fonds finit par s'inquiéter. Trop tard : Hervé de Vathaire a disparu. Avec Bernadette Roels, son amie, il a rejoint un couple qu'il fréquente beaucoup depuis quelque temps : Jean Kay, pirate de l'air manqué, aventurier et mercenaire, et sa maîtresse, Danièle Marquet.

Plainte

Hervé de Vathaire a fait leur connaissance peu de temps après la mort mystérieuse de son épouse en avril 1976 ; malade, Mme de Vathaire avait été retrouvée noyée dans sa baignoire. Amateur d'étrange (il est l'auteur d'un conte ésotérique), le comptable de Dassault est fasciné par l'aventurier Jean Kay, devenu célèbre en 1971 pour avoir tenté de détourner un avion au profit des réfugiés du Bangladesh. Il remet à Jean Kay un dossier qu'il a constitué sur certaines affaires financières et fiscales de Dassault. C'est peur récupérer ce dossier imprudemment confié qu'Hervé de Vathaire retire 8 millions de F sur le compte de son patron. En vain.