En surface, les vents, les courants et la marée poussent la nappe d'huile vers le littoral. Les oiseaux s'y engluent en plongeant pour se nourrir et meurent. La côte est envahie par le liquide visqueux et nauséabond, au grand dam de la faune, de la flore et des stations balnéaires. Chaque hiver, la Bretagne connaît une marée noire.

Le 14 octobre 1976, c'est le pétrolier Böhlen, chargé de 9 600 t de brut du Venezuela pour Rostock, qui, frappé d'une avarie, sans échouage, sans récif, sans collision, coule à 20 milles dans le sud-ouest de Saint-Mathieu, deux minutes après avoir envoyé son SOS. Quelques centaines de tonnes de brut s'échappent des flancs du bateau immergé par 100 m de fond. Mais les techniciens se heurtent à de graves difficultés pour récupérer le reste — plusieurs milliers de tonnes dans le tanker, qui constituent une menace permanente pour le Finistère.

Le 30 avril, une quarantaine de tonnes de pétrole brut du Böhlen, mêlées d'algues et de galets, en provenance de l'île de Sein, sont enfouies dans un terrain appartenant à la ville de Quimper. L'opération est vivement contestée par la population et par les écologistes. Des nappes aquifères ont été polluées. Ce qui a obligé au transfert des déchets. Cent vingt autres tonnes sont déversées près de la pointe du Raz, dans des blockhaus qui seront recouverts de terre.

Polmar

Les moyens nécessaires pour combattre les pollutions accidentelles par les hydrocarbures sont déclenchés selon un plan du type Orsec, dénommé Polmar. L'inconvénient de la procédure administrative qu'il impose est la centralisation de l'information à Paris, sous l'autorité du Premier ministre. Les moyens à terre relèvent de la compétence du ministre de l'Intérieur, ceux à la mer du ministre de la Défense et, par délégation, de la Marine nationale. La coordination est assurée par l'assistance d'une commission interministérielle contre la pollution par les hydrocarbures (CICOPH) qui suit l'évolution de la situation, mais siège à Levallois.

Ce dispositif s'est avéré trop lourd, du fait de son éloignement des lieux d'un sinistre et des problèmes posés par la transmission. C'est pourquoi le Parlement, à l'occasion de l'examen de la loi sur la lutte contre les pollutions par immersion, a pris, dans sa séance du 7 juillet 1976, l'initiative de demander un rapport au gouvernement sur cette question, afin de prendre des dispositions nouvelles. Présenté fin mars 1977, ce rapport a provoqué un débat général qui a abouti à une organisation différente.

Le plan d'urgence sera désormais déclenché par le préfet maritime, qui dispose des meilleurs moyens de surveillance d'information et d'intervention.

Dommages

En fonction du principe admis au niveau des conventions internationales, le pollueur doit supporter les charges financières entraînées par la lutte contre la pollution. Les coûts d'intervention sont fort élevés : dans le cas du Böhlen, la seule Marine nationale a établi une note de 3 millions de F, et les opérations de colmatage ont dépassé les 20 millions. Une convention internationale de 1969, ratifiée par la France, prévoit la réparation des dommages par un fonds international. Elle a été complétée, en 1971, à Bruxelles, pour élever le plafond à 200 millions, et la loi d'application de la convention a été signée en juillet 1976. Cependant, le plafond nouveau ne peut intervenir tant que la France n'aura pas apposé sa signature sur l'additif de Bruxelles. L'opposition vient du Quay d'Orsay, qui voit d'un mauvais œil l'obligation d'alimenter ce fonds par une cotisation en livres sterling.

Ekofisk

Mais, en matière de pollution par les hydrocarbures, ce naufrage et quelques autres de moindre importance sont éclipsés, pour l'opinion mondiale, par la catastrophe du gisement d'Ekofisk, dans les eaux norvégiennes. Le 22 avril 1977, au cours d'une manœuvre effectuée pour récupérer un instrument tombé par accident dans un des puits de la plate-forme Bravo, le pétrole force les dispositifs de sécurité et, en quelques minutes, forme un geyser de 60 m de hauteur, mêlé de gaz ; l'éruption ne sera colmatée que le 30, après avoir vomi plus de 20 000 t de brut, qui s'étendent finalement sur quelque 45 000 km2. Pendant plusieurs jours (outre le risque constant d'explosion et d'incendie), on a redouté d'avoir à affronter une situation encore plus grave : les techniciens désespérant de tuer directement le puits, il aurait fallu, pour le boucher, l'atteindre par un forage dévié, ce qui aurait demandé une cinquantaine de jours.