Cette constatation donne l'idée d'examiner d'autres momies, et d'abord celle de Ramsès II, qui se révèle elle aussi bien malade ; seul le squelette semble en bon état. Le reste est sérieusement dégradé : on observe des fissures en particulier dans la paroi de l'abdomen. Dégâts également chez Toutmès II, Aménophis II. La plupart des momies que l'on a privées de leurs bandelettes ont beaucoup souffert ; la lumière, le climat du Caire, beaucoup plus humide que celui de la haute Égypte (vallée des Rois), l'absence enfin de protection efficace, les causes de dégradation sont multiples.

Le docteur Bucaille alerte le gouvernement égyptien. La même année, le professeur Balout, administrateur du musée de l'Homme et restaurateur des momies péruviennes, vient au Caire à la demande de Christiane Desroches-Noblecourt, organisatrice de l'exposition Ramsès II, pour voir si la momie du pharaon est transportable et exposable. Le professeur Balout confirme les observations du docteur Bucaille. Ainsi se trouve mis en route le processus de l'opération.

Dans le local climatisé du musée de l'Homme, à Paris, la première étape a consisté à trouver le moyen d'extraire facilement la momie de son coffre. La deuxième étape a été celle des prélèvements : en particulier sur la toile où reposait le corps et qui était jonchée d'infimes débris. D'autres prélèvements ont eu lieu à la surface du corps momifié, d'autres à l'intérieur, en utilisant l'orifice par lequel avaient été enlevés les viscères. Au total, l'opération a mobilisé environ 40 chercheurs, appartenant à une quinzaine de laboratoires.

Champignons

À l'analyse, on découvre l'existence d'un grand nombre de microorganismes très actifs. Une grande « activité fongique » est apparue en particulier sur le côté gauche du dos. L'un de ces champignons, découvert par Jean Mouchacca au laboratoire de cryptogamie du Muséum, est extrêmement virulent et tout à fait capable de dégrader, à lui seul, l'ensemble des substances organiques de la momie. On a découvert également (Jean-Renaud Stefan, laboratoire d'entomologie du Muséum) des coléoptères, des acariens. Certains de ces coléoptères sont connus pour leur action nuisible sur les collections du Muséum, sur les tissus végétaux en particulier.

La troisième étape a été celle des examens radiographiques et des endoscopies. On a procédé aussi à des xèroradiographies, donnant une définition plus précise des parties momifiées.

Toutes ces observations ont confirmé et précisé les résultats des examens antérieurs. Bien des tissus durcis par la momification sont apparus fracturés, avec des différences de niveau pouvant atteindre 3 cm entre les parties séparées.

La quatrième étape devait être celle du sauvetage de la momie. Une prise de vue en photogrammétrie devait être faite par l'Institut géographique national. Les techniciens avaient à remettre en place les bandelettes encore conservées, arrêter l'extension des fractures de parois et tenter de réduire certaines d'entre elles. On entendait aussi remettre la momie dans un linceul en tissu de lin remontant à l'époque de Ramsès, et lui faire retrouver le sarcophage dans lequel elle se trouvait lors de sa découverte.

Enfin, la momie devait être stérilisée par irradiation aux rayons gamma (Centre d'études nucléaires de Grenoble, CEA). L'opération pourrait être renouvelée au Caire, où les équipements nécessaires existent. Il ne s'agissait plus, ensuite, que de placer Ramsès II dans un coffre d'Altuglas parfaitement étanche et de le remettre aux autorités égyptiennes.

Secret

Cette opération Ramsès a été aussi une opération diplomatique. Elle a eu les caractères propres à beaucoup d'opérations décidées au plus haut niveau. L'un des plus frappants a été le secret maintenu sur les travaux de laboratoire. Un seul communiqué de presse a été publié en janvier 1977, avant le retour de la momie au Caire, le 10 mai suivant.

Quant aux autres momies dégradées du musée du Caire, on ignore quel sort leur sera réservé.

Le déchiffrement des tablettes d'Ebla

Les nouvelles continuent à arriver de Tell Mardikh, ce remarquable site de Syrie, entre Alep et Homs. Étudié depuis 1964 par une équipe d'archéologues italiens, il a révélé l'existence d'un royaume puissant qui dominait la région à la fin du IIIe millénaire avant notre ère (Journal de l'année 1975-76), le royaume d'Ebla.

Dictionnaire

En plus des fouilles dirigées par le professeur Matthiae, un grand travail de déchiffrement a été entrepris sur les milliers de tablettes découvertes. L'épigraphiste auteur de ces recherches, le professeur Giovanni Pettinato, a publié ses premières conclusions en 1975 et 1976. Les 15 000 à 16 000 tablettes découvertes concernent des activités très diverses. La plus grande partie des documents est d'ordre économique et administratif : listes de rations, d'offrandes, de tributs. Beaucoup se rapportent à la métallurgie, au textile, au bois, aux pierres précieuses. Certaines, qui ont trait au commerce international du métal et des textiles, se signalent par leur grande taille : on y compte jusqu'à 60 colonnes et 3 000 lignes de texte par tablette.