Les gestes de détente sont multipliés, en accord avec la déclaration gouvernementale d'Arias touchant les libertés individuelles (« extension des droits et libertés des citoyens, spécialement le droit d'association »), les régions (« reconnaissance des autonomies locales »), les institutions, la justice sociale (« pour une Espagne plus unie, plus libre, plus juste »). Fraga rappelle aux forces de l'ordre qu'elles sont « au seul service de l'État ». « Il y a quelque chose de changé » reconnaît Marcelino Camacho, le célèbre dirigeant des commissions ouvrières, libéré à la faveur de l'indulto.

C'est précisément vers cette époque, début janvier 1976, que les choses vont changer. En effet, le gouvernement a indiqué les limites précises de sa libéralisation. Elles sont clairement définies par le ministre de l'Intérieur : « Le terrorisme, le communisme international et le séparatisme ne peuvent rien attendre de la souplesse avec laquelle nous allons appliquer la réglementation concernant les associations et la propagande illégale. »

En clair, le PC demeure interdit en dépit des déclarations modérées de Santiago Carillo. Dès lors, le charme est rompu : des grèves éclatent, mais cette agitation fait long feu. C'est un succès pour le gouvernement.

Élections

Mais que pense la population de cette situation ? Le 6 février, pour la première fois depuis la guerre civile, des élections devaient se tenir pour la désignation des maires, nommés jusque-là par les gouverneurs : 80 % des sortants furent réélus. Autre signe révélateur : le roi et la reine, qui se rendaient le 16 février en visite officielle en Catalogne, obtinrent un triomphe.

Toutefois, vers la fin de février, l'agitation sociale reprenait, mieux concertée que le mois précédent. Elle va se prolonger jusqu'à la mi-mars, atteignant à tour de rôle la région de Valence (1 mort à Alicante), le Pays basque (3 morts à Vitoria), les Asturies, la Catalogne et Madrid. Le 26 mars, les deux principales coalitions de l'opposition parvenaient à se mettre d'accord sur la constitution d'une Coordination démocratique aux objectifs encore incertains. Le gouvernement réagit brutalement en interdisant la conférence de presse prévue par les dirigeants de la gauche et arrêtait 5 d'entre eux, tandis que Fraga se prononçait une nouvelle fois contre la reconnaissance du PC « totalitaire, violent et séparatiste ». C'est bien là le point d'achoppement de la libéralisation en train.

Cependant cette libéralisation ne s'effectue pas aussi rapidement que le souhaiterait le roi. En effet, le 28 avril, le chef du gouvernement, qui annonce pour octobre un référendum sur la réforme constitutionnelle et des élections au suffrage universel pour le début de 1977, soumet le processus aux Cortes, ce qui fait le jeu des ultras. Juan Carlos, qui avait envisagé lors de son avènement de laisser agir le gouvernement, revient sur sa décision et prend l'initiative pour forcer la main d'un Premier ministre décidément bien encombrant. À cet égard, le discours qu'il prononce le 2 juin devant le Congrès américain, lors d'une visite officielle aux USA, apparaît comme un véritable programme de gouvernement.

Divisions

Fraga profite de l'impact provoqué par cet exposé pour proposer à l'opposition démocratique un « compromis historique ». De Paris, où ils sont confinés, les communistes, qui ont invité la récente Coordination démocratique, offrent à leur tour aux libéraux en place une rupture négociée avec le régime. Il apparaît cependant que l'opposition non communiste commence à se demander jusqu'à quel point il est efficace pour son avenir de se compromettre avec les communistes, alors que le gouvernement répète ses avances.

Mais, tandis que les politiciens de gauche hésitent et que leurs divisions s'accentuent, les ultras passent à la contre-attaque : le 9 juin, les Cortes obligent le gouvernement à retirer son projet de révision du code pénal sur la liberté d'opinion. Un peu plus tard, le Conseil national du Mouvement rejette le projet de réforme parlementaire prévoyant Congrès et Sénat. Enfin le bunker de la famille Franco, phalangistes, vieux militaires, lance une campagne pour limiter les « trop grandes libertés » de la presse.