Le Premier ministre, Léo Tindemans, rédacteur en chef occasionnel de Radio-Luxembourg, affirme : « La Belgique est faite, il faut peut-être faire des Belges ! » Ce n'est pas un appel à la démographie, mais le vœu de voir ses compatriotes s'élever au-dessus des contingences pour se montrer capables d'envisager l'avenir de l'État tout entier. Le Premier ministre a tenu des propos plus désabusés que le roi, qui a également invité « la Belgique à entrer dans l'avenir avec sérénité, avec courage, avec confiance ».

Restrictions

En attendant de pouvoir répondre au vœu du roi Baudouin, le pays est entré dans une période d'austérité. De « sobriété », corrige le gouvernement (par souci psychologique sans doute). D'« économies », dirait-on plus justement. Il s'agit avant tout de limiter les dépenses du budget de 1976 qui s'élève à 719,5 milliards de francs belges, auxquels s'ajoutent 35 milliards de crédits supplémentaires. Ces chiffres tiennent compte de plus de 23 milliards d'économies faites dans les budgets des différents ministères. La sévérité est telle que les administrations et les entreprises publiques deviennent financièrement responsables, autrement dit qu'elles doivent présenter leurs comptes en équilibre ! Un déficit éventuel devrait être comblé par un recours à l'emprunt ou, mieux, par de nouvelles économies.

Le gouvernement est fort de son propre exemple pour pouvoir imposer une telle règle. Pourtant il n'a pas pu éviter d'augmenter de un franc le prix du paquet de cigarettes et de 2 % la surtaxe sur les assurances automobiles, dont le produit est destiné à l'Institut national d'assurance maladie-invalidité.

On avait prêté au gouvernement l'intention de prendre des mesures d'économies dans le domaine des allocations sociales, notamment de décréter des réductions d'allocations familiales et de réclamer une participation financière accrue des patients aux frais médicaux. Devant l'opposition des grands syndicats et des groupes de pression sociaux, il a dû y renoncer. Par contre, un effort important sera fait pour lutter contre la fraude fiscale.

Une étude fait beaucoup de bruit. C'est celle d'une évaluation établie par le professeur Max Franck de l'université libre de Bruxelles. Sa dernière estimation chiffre la fraude globale à 120 milliards de francs belges pour 1976 (dont 113 milliards au moins de fraude fiscale proprement dite et plus de 5 milliards de sous-estimation des impôts sur les personnes physiques). Les chiffres du professeur Franck sont contestés par divers milieux ; ils sont accueillis avec réserve également par Fernand Herman, nouveau ministre des Affaires économiques (successeur d'André Oleffe, décédé en août 1975). Willy De Clercq, ministre des Finances, se souvient, lui, que les contrôles effectués sur les revenus de 1972 ont rapporté 13,2 milliards de francs belges pour les contributions directes et 3,8 milliards pour la TVA, secteur particulièrement propice à la fraude.

Fraudes

On découvre en juillet 1975 une escroquerie qui durait depuis trois ans : 110 millions de francs belges ont été détournés à l'aide de fausses factures d'exportation (la TVA payée sur les marchandises exportées est remboursée à l'exportateur). L'affaire fait scandale. En octobre, dans la région de Liège et d'Anvers, nouvelle affaire de factures fictives dans le secteur de la construction : l'État devait récupérer 500 millions de francs belges sur un total de 3 milliards de pertes pour le Trésor.

Le ministre des Finances envisage de moderniser la comptabilité de certaines professions libérales pour faciliter le contrôle des revenus réels. Les mutualités seront appelées à vérifier la concordance entre l'original et le duplicata des attestations de soins. L'administration envisage également la fusion en un seul document du reçu fiscal et de l'attestation de soins. Willy De Clercq annonce un contrôle plus sévère du paiement des redevances pour la radio-télévision, des rémunérations et honoraires payés par les associations sans but lucratif et de la comptabilité des sociétés multinationales. Des vérifications approfondies font apparaître 1,750 milliard de francs belges de revenus non déclarés dans le secteur pétrolier.