Liévin vient s'ajouter à une liste de noms dont le plus tragiquement connu reste Courrières. Courrières, petite commune du Pas-de-Calais, où, en 1906, un coup de poussière fait 1 200 victimes.

Les funérailles des victimes de Liévin ont lieu le 31 décembre en présence d'une foule imposante. Jacques Chirac y assiste, les ministres de l'Industrie et du Travail aussi. Présentant ses condoléances aux familles et aux camarades des mineurs disparus, le Premier ministre promet que « toute la lumière sera faite sur le drame et que toutes les conséquences en seront tirées ».

Au lendemain des obsèques, des arrêts de travail et des manifestations ont lieu dans les principaux centres miniers. La Fédération des mineurs CFDT demande la constitution d'une Commission nationale d'enquête ; la Fédération CGT du Sous-Sol porte plainte contre X et celle de FO se porte partie civile.

Les représentants des organisations syndicales accompagnent sur les lieux de la catastrophe le juge Henri Pascal, chargé de l'information par le parquet de Béthune.

Ce dernier, le 5 juin 1975, inculpe Augustin Coquidé, chef de la fosse 3, d'homicide et de blessures involontaires.

L'affaire Portal

Ce n'est qu'en janvier 1975 que l'histoire de La Fumade devient l'Affaire Portal. Parce qu'un garçon de 22 ans est tombé sous les balles des gendarmes et que deux femmes ont fait pendant un mois figures de persécutées par l'autorité judiciaire, l'opinion publique va se passionner et les polémistes s'en donner à cœur joie.

Cela se passe à Nauphary, petite localité de Tarn-et-Garonne. La famille Portai habite le domaine de La Fumade que le père, Léonce, a hérité en 1967 d'un oncle, Louis William, baron de Portai. La succession a été difficile à régler du fait qu'il y avait plusieurs héritiers. Ainsi Léonce a dû, pour équilibrer le partage, s'engager à verser une somme de 300 000 francs aux cohéritiers.

Cet argent, il n'en a pas le premier sou ; il lui faut donc l'emprunter et hypothéquer La Fumade. Or, Léonce n'est ni un homme d'affaires avisé ni un exploitant agricole capable de faire fructifier ses terres. Il s'est seulement pris d'une sorte de passion insensée pour ce domaine qu'il veut conserver coûte que coûte, légalement ou non, peu lui importe. Cette idée fixe, il la communique à ses enfants Jean-Louis et Marie-Agnès, et à sa femme Anna.

Et, comme il ne gagne pas d'argent, il continue d'emprunter. Pendant plusieurs années, les dettes des Portal s'accumulent. Elles atteindront plus de 800 000 francs.

En juin 1972, à la requête du principal créancier. La Fumade est mise en vente par voie de justice. Le domaine est acquis par un certain monsieur Rivière pour un prix très inférieur à sa valeur.

Convaincu d'être, depuis longtemps, victime de spoliations, Léonce Portal s'est lancé dans de multiples procès. Mais il est maintenant vieux et malade ; il avait 60 ans lorsque, veuf, il avait épousé Anna, sa bonne, une opulente Polonaise de 20 ans. C'est elle qui, désormais, va prendre le relais dans les prétoires et étudier le Code pénal avec Jean-Louis et Marie-Agnès.

La justice suit son cours. Le 22 février 1973, deux gendarmes apportent à La Fumade l'ordonnance d'expulsion. Jean-Louis les reçoit à coups de fusil, blesse l'un tandis que sa mère mord l'autre. Elle est aussitôt arrêtée.

La phase dramatique de l'affaire Portai commence. Quelques semaines plus tard, le vieux Léonce meurt. Anna s'évade de l'hôpital où elle était gardée et revient à La Fumade. Avec ses enfants, elle refuse de laisser inhumer son mari et installe le cercueil de celui-ci, sur des tréteaux, dans la chambre à coucher. Il y restera vingt et un mois...

Pendant ce temps, Anna, Jean-Louis et Marie-Agnès vont vivre retranchés dans le domaine qu'ils ne veulent pas quitter. Le 10 janvier 1975, Jean-Louis, irrité par la présence d'ouvriers agricoles qui travaillent près de la maison pour le compte du nouveau propriétaire de La Fumade, tire dans leur direction six coups de fusil. Il n'atteint personne, mais il y a eu agression et la gendarmerie se rend sur les lieux. Marie-Agnès et Jean-Louis clouent portes et fenêtres et crient au capitaine de gendarmerie : « Si vous entrez, on vous abat et on fait tout sauter. »