Ce qui surprend, tout de même, c'est la désinvolture avec laquelle Pierotti a pu, pendant vingt ans, évoluer au sein du maquis juridique des sociétés civiles immobilières, réalisant des bénéfices énormes au détriment de nombreuses entreprises en profitant de l'étonnante complaisance de plusieurs notaires. Ces derniers risquent d'ailleurs de s'entendre demander quelques explications par le juge d'instruction chargé de l'affaire.

Au moment de son arrestation, Jean Pierotti était derrière 17 programmes de construction, représentant 70 à 100 millions de francs, et le déficit résultant de leur interruption, inévaluable avec précision, menace d'être colossal.

Le krach de Béziers

L'affaire couvait depuis une quinzaine de jours lorsque, le 15 octobre 1974, Georges Mas est écroué sous une triple inculpation : infraction aux lois sur les sociétés commerciales, escroquerie et banqueroute.

Georges Mas est une personnalité de Béziers. Il est à la fois le P-DG de l'entreprise de travaux publics « Astre et Cie » et président de l'Association sportive biterroise. Bien que n'ayant jamais joué au rugby, ce sexagénaire au teint fleuri s'est littéralement pris au jeu et « ses » joueurs ne jurent que par lui. Ses relations d'affaires et politiques sont très étendues et il n'hésite pas à en user tant pour lui que pour ses amis. Georges Mas a une excellente réputation...

Irrégularités

Et puis l'affaire éclate. Les 1 400 ouvriers et employés de la société Astre reçoivent leur lettre de licenciement. La faillite de l'entreprise risque d'entraîner celle des 55 maisons sous-traitantes. Celles-ci s'inquiètent, se groupent en un comité de défense qui alerte les élus du Languedoc-Roussillon. Ces derniers interviennent auprès du ministre du Travail pour qu'un prêt de 16 millions soit consenti aux firmes ayant des créances importantes sur la société Astre.

L'enquête ouverte dès l'annonce de la liquidation judiciaire révèle bientôt d'étranges irrégularités tant dans la comptabilité que dans les affaires de Georges Mas. C'est ainsi que des bilans falsifiés faisaient apparaître de substantiels bénéfices alors que le passif de l'entreprise s'alourdissait, en fait, d'année en année. Il atteint déjà plus de 50 millions de francs.

Comme dans toutes les faillites frauduleuses de sociétés immobilières, de pauvres gens seront les premières victimes. En plus des salariés de la société atteints par le chômage, une vingtaine de souscripteurs qui ont cru à de fallacieuses annonces publicitaires telles que : « Les maisons Astre feront tout pour réaliser votre rêve dans les trois mois », se retrouvent dans des pavillons qui sont inachevés, insalubres, mais aussi dépourvus d'eau, de gaz et d'électricité.

Que s'est-il passé ?

Complaisance

Le coteau de Montimaran, propriété de la SEBLI, dont le P-DG est le maire de Béziers, a été cédé à la société Astre, à 50 francs le mètre carré. Divisé en parcelles, le terrain a rapidement été revendu à des particuliers 100 à 120 francs le mètre carré. Joli bénéfice, mais, apparemment, la légalité est sauve puisque des certificats de viabilité ont été fournis au notaire qui a enregistré la transaction. Simplement, les certificats délivrés par les services compétents de la mairie de Béziers, de la préfecture et de la direction de l'Équipement l'ont été par pure complaisance : ils stipulent des travaux qui n'ont jamais été effectués.

Autre anomalie grave : la société Astre a transformé un contrat de promotion immobilière en contrat de construction individuelle, ce qui lui a permis d'exiger des acquéreurs le versement immédiat de la totalité du prix des terrains.

Étant donné la personnalité de l'inculpé, l'affaire Mas, dont l'instruction a été confiée au juge Carrié, risque de prendre des allures de règlement de comptes.

Escroquerie à la Sécurité sociale

Un grain de sable est venu gripper le mécanisme d'une très ingénieuse escroquerie montée à Marseille par Mme Vo Cong Tri, originaire de Saigon, Fernand Guyon et, sans doute, de nombreux complices, l'affaire éclate en novembre 1974.

Processus

Mme Vo Cong Tri, 48 ans, semble avoir été le cerveau de l'équipe. Servie par des dons certains de comédienne, elle procédait ainsi. D'abord, elle se rendait chez un médecin, sous un quelconque prétexte. Elle orientait la conversation sur le sort de ses compatriotes restés au Viêt-nam et décimés par toutes les maladies tropicales.