D'après le docteur Aubert, directeur du Centre d'études et de recherches de biologie et d'océanographie médicales (CERBOM, Nice), plusieurs espèces de poissons (thon, roussette, rouget, congre, merlan) ont, en Méditerranée, un taux de mercure suffisant pour que des pêcheurs qui en consommeraient 2 kilos par semaine soient voués au sort atroce de ces Japonais dont le journaliste suisse Fernand Gigon a évoqué la tragédie dans son livre Le 400e chat ou les pollués de Minamata.

Le ministre de la Qualité de la vie prend des mesures en vue de diminuer, de 50 % dès 1975 et de 90 % dans les cinq ans, les rejets industriels de mercure (l'emploi de ce métal est désormais prohibé dans la pâte à papier et les peintures marines). Il faudrait que la convention internationale (elle n'interdit que pour le seul Atlantique du Nord-Est l'immersion et le rejet du mercure) soit étendue à toutes les mers du globe. Le péril est universel. Les pays riverains de la Baltique ont, pour leur part, déconseillé la consommation de poisson plus de deux fois par semaine.

Épuration

En France, toujours au chapitre de la pollution des eaux, les crédits pour la protection marine sont augmentés de 44 % en 1975. Des contrats antipollution, semblables aux engagements déjà pris par les fabricants de pâte à papier et par les sucriers, ont été signés par les 360 distilleries, les 5 féculeries et les 5 levureries existantes ; elles devront épurer 80 % de leurs eaux résiduelles d'ici à 1978. (Les deux dernières catégories d'entreprises engendrent au total une pollution équivalant à celle d'une ville de 2 millions d'habitants.)

À Strasbourg, les experts de la Fédération européenne des eaux douces ont étudié la création d'un système de surveillance de la pollution des rivières par satellite stationnaire. L'engin recevrait les résultats des analyses effectuées par des appareils ancrés dans les cours d'eau et les enverrait à l'ordinateur d'un organisme central qui informerait les organismes nationaux.

Autre projet : l'harmonisation par les experts allemands et français des installations industrielles sur le Rhin supérieur, afin que ne s'établisse pas une deuxième Ruhr sur les rives du grand fleuve. Le fluor, le plomb, le soufre que contient le fuel domestique, les résidus chlorés devront être incinérés en haute mer, ce qui, semble-t-il, ne devrait pas affecter le plancton.

Nucléaire

Mais, en 1975, la plus brûlante des questions a été soulevée par le programme électronucléaire français. Elle a déchaîné, tant dans l'opinion publique que parmi les spécialistes, des controverses passionnées. De tous côtés on assiste à des prises de position, des pétitions et manifestations ; syndicats et partis politiques approuvent ou s'opposent. En février 1975, 400 physiciens nucléaires appellent la population à refuser l'installation des centrales nucléaires envisagée tant qu'elle n'aura pas une claire conscience des risques et des conséquences, tandis que d'autres scientifiques et techniciens (et non des moindres) prennent des positions plus nuancées, voire nettement favorables au nucléaire.

Les inquiets insistent sur la fiabilité incertaine des centrales nucléaires ; la périlleuse multiplication des transports de matériaux radioactifs ; l'augmentation de la quantité de déchets qu'il s'agit de neutraliser pendant des siècles et dont le stockage n'est pas garanti par la vitrification ; la contamination interne (on ignore encore quels en sont les effets à long terme) ; la possibilité de la concentration des éléments radioactifs le long de la chaîne biologique ; le danger que présentent les surgénérateurs (l'explosion accidentelle de l'un d'entre eux correspondrait à celle de dizaines de tonnes de TNT, avec abondante libération de plutonium).

Les partisans du programme répliquent, entre autres, que la centrale nucléaire est la centrale propre par excellence. Le chiffre des éventuels accidents mortels serait négligeable en regard de celui des accidents de la circulation. Pour 100 réacteurs en fonctionnement, on évalue le risque à un accident grave tous les 10 000 ou 100 000 ans, et le risque d'anéantissement d'une grande cité se situerait bien au-delà.