Née avec les travaux de l'Autrichien Freud, de l'Anglais Havelock Ellis, de l'Allemand Magnus Hirschfeld, de l'Autrichien Kraft-Ebing et du Français Édouard Toulouse, la sexologie est devenue au cours de ces trente dernières années, avec les recherches de Kinsey et du couple Masters-Johnson, l'apanage des chercheurs du Nouveau Monde.

En redécouvrant la sexualité, ils lui confèrent un aspect scientifique global, voire un certain totalitarisme biologique, qui étonne nombre d'Européens, amusés ou irrités par cette tapageuse sexomanie qui, avec ses sex shops, ses films où apparaissent les détails les plus fins du coït, ses cures psychomédicales de la dyspareunie (entendez par là l'absence de plaisir pendant les ébats amoureux), gagne insensiblement le vieux continent.

Mais cet excès de scientification des rapports les plus profonds et les plus significatifs entre les êtres humains n'est peut-être qu'un inévitable choc en retour, survenant après des siècles de mutité collective, induite par des interdits et des tabous sociaux et religieux. Et cet effort récent pour essayer de comprendre la sexualité ne signifie pas qu'on la dépouille de l'affectivité qui s'y attache.

Le renouveau de la sexologie, dont le congrès parisien a constitué un élément essentiel, s'inscrit délibérément dans une double perspective – celle d'une approche rationnelle, qui l'apparente à une science d'observation, et celle d'une psychosociologie comportementale, qui peut, à la fois, permettre à l'homme et à la femme de vivre pleinement leur sexualité et d'en corriger le contenu quand il est perturbé.

Éthique

Ce contenu est, certes, inséparable du contexte social dans lequel s'insère la sexualité d'un couple. À cet égard, sur le thème « loi, éthique et sexualité », une table ronde a rassemblé un gynécologue accoucheur des hôpitaux, un professeur de théologie morale de l'Institut de théologie florentin et un commentateur des textes coraniques. Le rapprochement de leurs thèses est révélateur.

Pour le musulman, « la sexualité épanouie, l'amour réalisé dans la joie sont une manière de rendre grâce à Dieu des bienfaits qu'il nous prodigue, comme l'affirment maints dits du Prophète, qui assimilent l'œuvre de chair à la prière, à l'aumône... » (A. Boudhiba). Aux yeux du théologien catholique, Vatican II a fait disparaître définitivement l'interprétation pessimiste de la sexualité, qui dit en substance que l'alternance entre plaisir et béatitude se résout dans l'identification du don et du plaisir, l'activité sexuelle recouvrant un domaine propre et privilégié, dans la mesure où elle est un don et, en même temps, le fruit de l'Esprit de Dieu, qui est esprit de charité.

Pour sa part, le médecin a noté que « la recherche d'une éthique nouvelle ne manquera pas de retentir sur les lois qui, jusqu'à présent, organisaient, réglementaient ou interdisaient la pratique et le comportement sexuels d'une société donnée, par exemple en matière matrimoniale où le mariage serait remis en question comme modèle exclusif et imposé, ou dans une pratique plus communautaire de la vie sexuelle, ou dans la libéralisation de l'avortement ou dans la reconnaissance de l'homosexualité » (docteur Michel Chartier).

En bref, de part et d'autre, on s'accorde pour admettre que la société moderne, de plus en plus permissive, ira jusqu'à faire de l'exercice libre de la sexualité l'une des constantes de ses structures ; là encore, il s'agit d'une évolution qui paraît irréversible, au moins dans certaines formes de société.

Cérébralisation

Sur le plan des recherches fondamentales relatives au comportement sexuel, deux importants rapports (docteurs Soulairac et Signoret) sur la sexualité animale ont apporté des précisions expérimentales du plus haut intérêt. Chez le rat, l'existence du comportement sexuel nécessite la synergie de deux structures hypothalamiques, l'une motivationnelle, l'autre commandant les réflexes génitaux. Travaillant sur les primates, le docteur Signoret est arrivé à la conclusion qu'on assiste à « un accroissement de l'importance des mécanismes purement nerveux de la mise en œuvre du comportement sexuel, tandis que diminue corrélativement le rôle de la commande hormonale, évolution qui culmine dans l'espèce humaine ». Cette cérébralisation ou, plus précisément, cette hypothalamisation des processus sexuels constitue indubitablement une indication originale.

Thérapeutiques

Plus modeste est le bilan proprement médical de ce congrès. Rien de bien neuf dans le traitement ou la prévention de ces deux maladies symétriques : l'impuissance chez l'homme, la frigidité chez la femme. À noter cependant, pour la seconde, une intéressante notation du docteur Henri Rozenbaum, l'un des meilleurs spécialistes français de la pilule contraceptive : dans une population féminine courante prenant des contraceptifs oraux, le nombre des femmes se plaignant de la diminution de leur libido en fonction de la pilule dépasse le pourcentage de 4 % indiqué jusque-là par les sexologues.