Pour désamorcer cette crise politique, le chef du gouvernement québécois décide, le 25 septembre 1973, des élections législatives anticipées de six mois et fixe la date du 29 octobre. Cette décision permet ainsi de suspendre le cours de l'enquête sur l'affaire Pierre Laporte.

Élections

La campagne électorale qui s'ouvre met en présence quatre partis : le Parti libéral au pouvoir, dirigé par Robert Bourassa ; l'Union nationale, opposition officielle, conduite par Gabriel Loubier ; le Parti créditiste, mouvement de droite, dont le chef est un ex-ministre libéral-fédéral, Yvon Dupuis, et enfin le Parti québécois, indépendantiste de gauche, dont le président est René Lévesque. Durant la courte campagne, le Parti libéral propose la souveraineté culturelle et insiste sur la qualité de la vie ; le Parti québécois attaque le fédéralisme en prouvant le réalisme de l'indépendance par la publication d'un budget intitulé l'An 1 québécois. Quant aux deux autres formations, elles passent quasi inaperçues. Le Parti créditiste lance des attaques dans tous les azimuts, tandis que l'Union nationale propose de s'entendre avec le gouvernement fédéral, tout en réclamant plus d'autonomie.

Jusqu'au 29 octobre, la lutte se joue entre le Parti libéral et le Parti québécois, chacun rivalisant d'adresse dans l'utilisation de la radio et de la télévision. La campagne électorale est extrêmement sérieuse. D'un côté comme de l'autre, on chiffre l'indépendance et le fédéralisme. Pour les Québécois l'élection prend l'allure d'un référendum constitutionnel.

Raz de marée

Les électeurs rejettent massivement la thèse de l'indépendance. Le Parti libéral, pro-fédéraliste, fait élire 102 députés sur une possibilité de 110, et recueille 54 % des suffrages. Malgré ce raz de marée libéral, le Parti québécois renforce sa position, avec 30 % de suffrages, soit une augmentation de 6 % par rapport à 1970, mais obtient seulement 6 sièges (un de moins qu'au dernier scrutin). Les deux perdants de l'élection, le Parti créditiste et l'Union nationale, ne remportent ensemble que 14 % des suffrages. Le premier conserve 2 sièges au lieu de 13 en 1970, tandis que le second perd les 17 circonscriptions qu'il détenait.

Cette élection confirme la disparition de l'Union nationale, prédite par les sondages. Après avoir occupé le pouvoir durant une trentaine d'années, de 1936 à 1960, avec une interruption de quatre ans, puis de 1966 à 1970, ce parti est dorénavant éliminé de la carte politique québécoise. Quant au Parti créditiste, les résultats déclenchent une scission, d'où émergeront deux nouveaux partis. La force numérique des libéraux permet au gouvernement Bourassa de préparer en toute tranquillité ses projets sur l'usage du français, les relations dans le travail et la santé. La faiblesse de l'opposition, réduite à 8 députés, permet cependant le regroupement des forces extraparlementaires, média d'information, syndicats et organisations de citoyens, pour la surveillance du pouvoir.

La presse dévoile en avril les conflits d'intérêts impliquant les ministres du gouvernement libéral possédant des actions dans des sociétés qui transigent avec le pouvoir. C'est le scandale Paragon, une entreprise contrôlée majoritairement par la belle-famille du Premier ministre Bourassa, à laquelle le gouvernement octroie annuellement des contrats de l'ordre de 1,5 million de dollars. Rejetant les accusations de la presse et de l'opposition du Parti québécois, le chef du gouvernement affirme qu'il n'y a aucune irrégularité dans ces transactions, mais institue tout de même un groupe d'étude.

Législatives

Trois autres provinces connaissent également des élections législatives. Le 28 juin 1973, 78 % de l'électorat de la province du Manitoba se rend aux urnes pour y élire un nouveau gouvernement. Le Nouveau Parti démocratique, dirigé par le Premier ministre Ed Schreyer, est reconduit avec 31 députés, soit deux de plus qu'au dernier scrutin. Les conservateurs réussissent à faire élire 21 candidats, les libéraux envoient à la Chambre 5 députés seulement.