Des tentatives de ce genre peuvent fort bien être couronnées de succès, comme l'attestent des exemples passés. Certaines espèces, au contraire, semblent inéluctablement condamnées à disparaître tôt ou tard : dernières survivantes de lignées jadis prospères, handicapées par leur gigantisme ou leur faible taux de reproduction, elles sont manifestement des fins de race. Le souci des hommes est néanmoins de retarder au maximum l'inévitable échéance.

Le grébifoulque

Un ornithologiste mexicain, Miguel Del Toro, a fait une découverte bien inattendue sur un oiseau d'eau apparenté au râle, le grébifoulque. Après des années de recherches, il parvient à trouver un nid avec deux poussins. À son approche, le mâle s'envole et plonge dans l'eau. Quand le zoologiste arrive au nid, celui-ci est vide.

Del Toro réussit à capturer le mâle et découvre la clé du mystère. Sous chaque aile, le grébifoulque présente un repli de peau qui constitue une poche douillette où les jeunes se réfugient en cas de danger. Seul, le mâle possède cette particularité, mais l'on connaît d'autres espèces chez lesquelles le père s'occupe plus des jeunes que la femelle.

Cette découverte montre en tout cas que, même à notre époque, les animaux supérieurs n'ont pas livré tous leurs secrets. On savait déjà que les pigeons sécrétaient du lait, substance crémeuse dont ils nourrissent leurs petits, et voici maintenant que l'on découvre un véritable oiseau marsupial... Ajoutons que les grébifoulques habitent non seulement l'Amérique, mais aussi l'Afrique et l'Asie, et que leur nom évoque leur ressemblance avec les grèbes et les foulques.

L'homme

Archéologie

La révolution du polycentrisme

Depuis plusieurs années, une sorte de révolution s'opère dans les idées que se font les archéologues sur l'évolution des sociétés humaines.

Jusqu'ici un seul postulat, le monocentrisme, servait de base aux recherches ; on considérait que l'innovation ne pouvait se faire qu'en un endroit de l'espace et du temps et qu'ensuite elle rayonnait vers d'autres lieux en se développant dans le temps. Le postulat s'appliquait aussi bien aux problèmes de l'évolution de l'homme, aux progrès techniques, économiques, qu'aux sociétés humaines.

Des archéologues américains publiaient, en 1963, les résultats de leurs recherches dans la vallée de Tehuacan, au Mexique. Leurs conclusions faisaient apparaître que l'agriculture était née dans cette région à une époque très reculée, non comme une importation, mais à la suite d'une longue évolution. L'existence d'un foyer de progrès indépendant de celui du Moyen-Orient devait donc être admise.

Depuis, on a découvert, en Amérique du Sud et dans le Sud-Est asiatique, de très anciennes sociétés agricoles primitives qui ignoraient aussi la poterie. Des découvertes analogues ont été faites plus récemment en Afrique. Il apparaît donc que les sociétés paysannes ont fort bien pu naître sur plusieurs continents, à des époques bien différentes et de façon pratiquement indépendante les unes des autres.

Cette première brèche faite au postulat est suivie de beaucoup d'autres. En 1969, un colloque réuni à l'UNESCO s'attache à étudier l'apparition de l'homme moderne et de ses industries. Conclusion : il n'y a pas eu un seul et unique centre d'invention à partir duquel tout aurait rayonné. Il y a eu une évolution quasi naturelle de plusieurs ensembles technologiques, en des points différents et bien déterminés. D'un même élan, les anthropologues paraissent prêts à admettre une solution analogue pour l'évolution humaine et l'apparition de l'homme moderne : l'homme a pu lui aussi évoluer sur place. C'est à ce propos que le terme de polycentrisme est employé.

Fin de l'influence égéenne

Le professeur Grahame Clark, de l'université de Cambridge, s'en était déjà pris au modèle des invasions et des immigrations, qui était, selon lui, un mythe funeste de l'archéologie en général et de l'archéologie britannique en particulier. Le docteur Colin Renfrew s'est attaqué également à la conception courante que l'on avait sur la préhistoire. Dans une série d'articles, il affirme que la civilisation du Wessex, qui s'était épanouie en Angleterre à la fin du IIe millénaire, et où l'on voyait une influence profonde venue de l'Égée, ne devait en dernière analyse sa prospérité qu'à elle-même. Il s'attaque également aux influences égéennes classiquement admises sur la civilisation mégalithique et l'âge du cuivre ibériques, et il montre que les ressemblances entre les cultures des deux régions sont assez illusoires. En Grèce même, constate le professeur, les débuts de l'âge du bronze sont dus beaucoup moins qu'on ne l'avait dit aux influences extérieures. On ne peut en effet, selon Colin Renfrew, réduire la naissance d'une civilisation à des influences venues d'ailleurs : le phénomène est bien plus complexe et suppose toute une maturation et une évolution internes.