Les deux partis de la majorité choisissent de recourir à une formule peu usitée dans la vie politique belge : le gouvernement dissout les Chambres, mais décide de rester en place. Le choix de cette tactique, qui n'a que de lointains et rares précédents, fait que les partis d'opposition — Volksunie et FDF-Rassemblement wallon notamment — parlent de fausse crise, sociaux-chrétiens et socialistes étant bien décidés à renouer leur alliance. Le PLP, lui, est atterré. Il voit, en effet, s'évanouir les perspectives du pacte culturel et il refuse avec hauteur de continuer d'en discuter les termes au cours de la campagne électorale.

Élections

La campagne électorale se déroule dans le plus grand calme et ne montre un peu d'animation qu'à Bruxelles où le FDF, qui bénéficie de la caution remarquée de Paul-Henri Spaak, parvient à rassembler des foules considérables. La toute relative effervescence de l'opinion bruxelloise s'explique ; quinze jours après les élections législatives fixées au 7 novembre, le corps électoral de la capitale doit être à nouveau appelé aux urnes pour élire les membres du premier conseil d'agglomération. Le 21 octobre, le FDF et le PLP signent un accord de cartel en vue de ces élections locales.

Le 7 novembre confirme les appréhensions du PLP ; sa représentation à la Chambre diminue d'un quart au bénéfice du FDF et du Rassemblement wallon, vainqueurs inattendus d'un scrutin que les observateurs croyaient devoir tourner à l'avantage des socialistes, la formation politique traditionnelle la moins atteinte par la querelle linguistique.

Toutefois, les partis gouvernementaux maintiennent leurs positions ; tout au plus note-t-on un léger effritement du PSC (Parti social-chrétien), compensé par un modeste progrès socialiste. Dès lors, tous les pronostics concordent : Gaston Eyskens se succédera à lui-même.

Cependant, la méfiance réciproque qui a provoqué la crise n'est pas dissipée ; à présent s'ajoute l'amertume d'un relatif insuccès électoral. Nommé d'abord informateur par le roi, puis formateur, Gaston Eyskens attend le résultat des élections du 21 novembre à Bruxelles. Celles-ci confirment la poussée du FDF qui, avec son allié PLP, enlève la majorité absolue des sièges au conseil d'agglomération.

Négociations

Socialistes et sociaux-chrétiens se réunissent le 25 novembre pour rédiger un nouveau pacte gouvernemental. Les éléments du dossier restent les mêmes : les Fourons et la décentralisation économique. Dans le climat de nervosité qui préside à la négociation, une nouvelle difficulté surgit entre les partenaires : le montant de l'aide aux écoles libres et l'exacte compétence des conseils culturels en matière d'enseignement. Le 22 décembre, Gaston Eyskens doit renoncer à sa mission de formateur tandis qu'à la surprise générale, et malgré les réticences de l'intéressé, le roi charge Edmond Leburton d'une mission d'information.

Très vite, Edmond Leburton, qui a une préférence non dissimulée pour un gouvernement à trois avec le PLP, doit rallier socialistes et sociaux-chrétiens. Ces deux partis se rencontrent le 4 janvier 1972 et parviennent à un accord virtuel dix jours plus tard. Gaston Eyskens se voit confier à nouveau la mission de former le ministère, et, le 21 janvier, au 75e jour de la crise, le nouveau gouvernement est enfin constitué. Il comprend 19 ministres, 9 francophones et 10 flamands, auxquels sont adjoints dix secrétaires d'État (quatre francophones et six flamands).

Compromis

L'accord n'a pu se faire qu'au terme d'un compromis supplémentaire qui reporte à plus tard certaines échéances. Ainsi le dossier des constructions d'écoles est-il renvoyé aux partis politiques, qui en discuteront dans le cadre de la commission du pacte scolaire. Quant à l'application de l'autonomie culturelle, une solution transitoire est trouvée pour l'année 1972. Les conseils culturels pourront ventiler eux-mêmes un budget-cadre voté par le Parlement central, mais certaines matières relatives à l'enseignement, et réputées intangibles, leur échapperont. Ces compromis peuvent apparaître comme autant de chausse-trapes que les partis se ménagent les uns aux autres ou, si l'on préfère, comme les portes de sortie qu'ils se réservent à eux-mêmes.