Les résultats sont semblables à ceux qu'on voit habituellement dans les autres pays socialistes : 99,45 % de votants, 99,81 % de voix en faveur de la liste unique patronnée par le parti communiste. Mais le déroulement de la campagne électorale a de quoi tempérer l'optimisme officiel : des moyens de pression extraordinaires ont été mis en œuvre pour amener le maximum d'électeurs aux urnes ; la liste des candidats n'a été publiée qu'après le scrutin, et la plupart des futurs députés n'ont pas voulu — ou pas osé — tenir de réunions publiques. Cette discrétion sans précédent en dit long sur l'impopularité d'une consultation électorale qui a eu toutes les apparences d'une opération de propagande.

Il paraît difficile de dire dans ces conditions que la Tchécoslovaquie s'est stabilisée. Les troupes soviétiques restent toujours sur place, en dépit de rumeurs épisodiques annonçant leur retrait.

Pourquoi partiraient-elles puisque, le 16 mai 1972, Gustav Husak, se rendant au QG des forces russes, déclare que « le peuple tchécoslovaque suit avec sympathie et amour » leurs activités ?

Normalisation

Il ne semble pas que de telles déclarations puissent convaincre qui que ce soit, mais elles font désormais partie d'une rhétorique obligatoire. Il s'agit de donner l'impression que le pays est entièrement acquis à la nouvelle direction et que seuls quelques « traîtres » et quelques « déserteurs » (ce sont les qualificatifs décernés à Josef Smrkovsky par Rude Pravo, l'organe du Parti) tentent encore de troubler le calme.

Mais si l'on en juge par la répression qui s'abat sur l'opposition et par les tracts et manifestes antigouvernementaux qui fleurissent à Prague, les autorités tchécoslovaques n'en sont encore qu'au début du chemin. Rien qu'en janvier et février 1972, la police arrête plusieurs dizaines (plusieurs centaines selon certains) de personnes. Parmi elles, des militants libéraux connus comme Milan Huebl, l'ancien directeur de l'école du Parti, Jiri Hochmann, journaliste célèbre, les historiens Karel Bartosek et Karel Kaplan, etc. Dans la liste des opposants appréhendés, il y a aussi un nom symbolique : celui de Richard Slansky, le fils de Rudolf Slansky, secrétaire du PC tchécoslovaque pendu en 1952 après un des plus hallucinants procès de l'époque stalinienne.

Les procès qu'on monte à Prague n'ont certes pas ce caractère. Ils respectent la légalité socialiste — c'est ce qu'expliquera Gustav Husak à l'envoyé du PC français, Roland Leroy, venu s'informer de la situation au printemps 1972 — et rendent des verdicts que certains considèrent comme relativement cléments, ce qui n'est pas l'avis des intéressés. Le 2 février 1972, Jiri Lederer, journaliste très engagé dans le mouvement libéral, est condamné à deux ans de prison pour avoir « diffamé la Pologne ». À la même période, Milena Koubias, interprète de l'ambassade de France, condamnée le 9 juillet 1971 pour « espionnage », est libérée et expulsée de Tchécoslovaquie. Emprisonné depuis dix-huit mois, le champion d'échecs Ludek Pachmann, signataire d'un manifeste contestataire, se voit infliger le 5 mai une peine de deux ans de prison et obtient une remise de peine de quatre mois.

De ces quelques exemples, il est impossible de tirer une conclusion d'ensemble. Ils confirment cependant que Gustav Husak refuse de s'engager dans un processus répressif aussi violent que celui que réclame l'aile ultrastalinienne de son parti, lequel semble, d'ailleurs, en perte de vitesse puisque Alois Indra, son chef de file, nommé président de l'Assemblée nationale, aurait perdu son poste de secrétaire du Comité central.

Que sont-ils devenus ?

Exclu du PC en 1970, Dubcek occupe les fonctions anodines de responsable de l'entretien du matériel motorisé du Service des eaux et forêts à Bratislava. Expulsé lui aussi après avoir tenté de préserver ses fonctions en accusant ses anciens camarades, Oldrich Cernik a abandonné toute activité politique. Ce n'est pas le cas de Josef Smrkovsky, qui, bien que gravement malade, continue après qu'on l'ait chassé du Parti à revendiquer hautement les idéaux du printemps libéral. Quant à Ludwig Svoboda, pour lui rien n'a changé : le vieux général est toujours chef de l'État.

URSS

242 770 000. 11. 1,1 %.
Économie. Production : G (68) 147 ; I (69) 162. Énerg. (*69) : 4 199.
Transports. (*69) : 261 283 M pass./km, 2 367 080 M t/km.  : 14 832 000 tjb. (*69) : 71 500 000 000 pass./km.
Information. (69) : 628 quotidiens ; tirage global : *26 911 000. (69) : *90 100 000. (69) : 30 744 000. (69). Fréquentation : 4 658,9 M. (69) : 12 000 000.
Santé. (69) : 555 400. Mté inf. (69) : 25,8.
Éducation. (68). Prim. : 40 310 000. Sec. et techn. : 8 701 500. Sup. : 4 469 700.
Institutions. Fédération de républiques socialistes. Constitution de 1936. Président du présidium : Nicolaï Podgorny ; succède à Anastase Mikoyan. Président du Conseil : Alexeï Kossyguine. Premier secrétaire du Parti : Leonide Brejnev.

Montée du nationalisme et renforcement de la coexistence

Comme dans les icebergs dont seule la pointe émerge, l'Union soviétique révèle par à-coups les profonds remous qui l'agitent. On assiste à une mobilisation idéologique et politique sans précédent ces dernières années, mobilisation qui va de pair avec une stratégie internationale très souple et très ouverte, ceci expliquant en partie cela.

Échange des cartes

Pour la première fois depuis dix-sept ans, les 14 millions de membres du parti communiste passent par le tamis serré de la campagne d'échange des cartes. But officiel de cette opération : éliminer des rangs du parti les carriéristes et les gens politiquement indifférents. En fait, il s'agit sans doute de redonner au PC soviétique — un peu désemparé par l'ouverture vers l'Ouest entamée par Leonid Brejnev, son secrétaire général, et aussi par les ferments intérieurs qui montent de toutes parts — un rôle d'avant-garde qu'il n'exerce plus ou mal.