L'intérêt pratique de la futurologie est de formuler les liens entre les choix actuels et les différents avenirs possibles. Aussi certaines méthodes sont-elles essentiellement normatives, comme celle des arbres de pertinence. À partir du but recherché, qui est la cime de l'arbre, les alternatives menant à ce but sont évaluées par ordre décroissant et comparées.

Une nécessité

Née de la convergence des recherches de penseurs comme Gaston Berger et Bertrand de Jouvenel avec des travaux d'abord entrepris, soit pour les besoins de l'armée, soit pour ceux de firmes industrielles, la prévision de l'avenir est devenue un besoin pour la société contemporaine. Qu'il s'agisse de l'essor démographique, de la pollution, de l'urbanisation, de l'impact des innovations technologiques sur la vie sociale, les mutations sont si rapides qu'il n'est plus possible de piloter une grande entreprise ou un État sans éclairer la route devant soi. Si, à long terme, les prévisions sont encore incertaines (mais non inutiles), les prévisions à court terme (1 à 2 ans) ou à moyen terme (3 à 7 ans) sont, d'après Bestoujev-Lada, vérifiées dans une proportion qui oscille entre 95 et 98 %. C'est déjà beaucoup pour une science qui vient de naître.

Sociologie

Le phénomène hippie : crise de la jeunesse ou révolution culturelle

Près d'Aix-en-Provence, en août 1970, quelques milliers d'amateurs de pop music égarés par un marchand de spectacle tentent vainement de recommencer la fête extraordinaire qui avait rassemblé, un an plus tôt, un demi-million de jeunes Américains à Woodstock, aux États-Unis.

En raison des cheveux longs, de la tenue débraillée et de l'attitude irrespectueuse des participants, l'incident prend l'allure d'un fait divers hippie, attirant l'attention sur une nouvelle image de la jeunesse en révolte.

Quelques propos d'André Malraux révélant l'intérêt du général de Gaulle pour le phénomène hippie, un livre d'Edgar Morin, Voyage en Californie, les scènes quotidiennes du Quartier latin à Paris, la rencontre d'étranges auto-stoppeurs au bord des routes, les confidences échangées par les mères d'adolescents et mille autres signes confirment que les hippies appartiennent à l'actualité. Mais il y a vrais et faux hippies. Là comme en toute religion, l'habit ne fait pas le moine.

Un jeu collectif

La vague d'anticonformisme qu'on nomme hippie prend naissance au début des années 60 à San Francisco, qui avait déjà, dix ans plus tôt, servi de berceau aux beatniks.

Les hippies cherchent, eux aussi, dans la drogue et le mysticisme oriental un bonheur qu'ils n'ont pas réussi à trouver au sein de la société de l'abondance. À la différence des beatniks, qui exprimaient leur refus des valeurs bourgeoises par un individualisme intransigeant, ils s'efforcent de réaliser leur désir à travers des formes de vie communautaire. Pacifiste et apolitique, le phénomène hippie parait à ses débuts ne menacer en rien l'ordre établi. Se manifestant surtout par des fantaisies vestimentaires et une déclaration d'amour au monde, il ne dépasse pas les limites d'une sorte de jeu collectif, insolite.

Au printemps 1967, au moment même où s'intensifie la guerre du Viêt-nam, il prend un nouveau sens en s'étendant brusquement à toute l'Amérique et, dans une moindre mesure, à l'Europe. Hippies et étudiants, souvent confondus dans les mêmes cortèges, font entendre à la majorité silencieuse la voix puissante de la contestation. Au nom d'exigences voisines, les uns et les autres réclament à la fois l'arrêt de l'intervention américaine au Viêt-nam et le changement de la vie.

Pour la première fois, les mass média découvrent l'existence d'une sous-culture qui prétend libérer l'individu de ses anciens conditionnements sociaux et changer radicalement la société. Psychologues et sociologues de tous bords s'interrogent sur les conséquences de cette insatisfaction croissante des jeunes. Certains se demandent si, au-delà de son aspect marginal, le phénomène hippie n'annonce pas une véritable crise de la civilisation.

Nombre de hippies (près d'un demi-million pour les seuls États-Unis) vivent totalement en dehors des institutions officielles, sans rapports directs avec les autres éléments de la société. Issus pour la plupart de la moyenne et de la grande bourgeoisie, ils se différencient des jeunes délinquants de type traditionnel (blousons noirs, drogués) par leurs origines sociales et leur refus volontaire de toute vie organisée, du confort et des autres avantages de la civilisation moderne.