Aux États-Unis, plus de 100 millions de dollars sont consacrés chaque année aux recherches prospectives, partie sur les fonds gouvernementaux, partie par les firmes privées, comme la Rand Corporation, l'Institut du futur, la Tempo Corporation, le Hudson Institute, l'Institut Battelle, qui a une filiale en Europe. Ces organismes poursuivent soit des recherches qui leur sont propres, soit des enquêtes sous contrat passé avec l'administration ou l'entreprise privée. Les grandes universités américaines possèdent des groupes actifs de prospective technologique, scientifique et sociale.

En France, plus de 70 organismes se livrent, exclusivement ou partiellement, à des études prospectives. Beaucoup d'entre eux sont attachés à un ministère ou à un office gouvernemental : Commissariat général au Plan, ministère des Armées, CNEXO, CNES, INSEE, Éducation nationale.

La DATAR (Délégation générale pour l'aménagement du territoire et l'action régionale) a mis au point un programme de prévision baptisé Sésame ; elle publie la revue 2000. Parmi les organismes privés, il faut citer le Centre de prospective dirigé par Bertrand de Jouvenel, auteur de plusieurs ouvrages où dominent les préoccupations humanistes, et le Centre de recherches Science et Vie d'Henri Bianchi.

Toutes ces institutions ont leurs homologues (avec lesquelles elles coopèrent souvent) dans divers pays d'Europe occidentale, notamment aux Pays-Bas (Woerkgroup 2000), en Grande-Bretagne (Mankind 2000), en Allemagne fédérale (Gesellschaft für Zukunftsforschung). L'OCDE publie de nombreuses études de prospective économique ou technologique. Au Japon, plusieurs associations gouvernementales ou privées se consacrent à la prévision de l'avenir, question particulièrement préoccupante dans un pays débordé par les conséquences d'un essor économique brutal.

Dans les pays de l'Est, où l'économie est planifiée, les organismes scientifiques spécialisés dans les prévisions concrètes jouent un rôle considérable dans les décisions prises aux divers échelons. À Moscou, le département des prévisions de l'Académie des sciences de l'URSS est dirigé par Igor Bestoujev-Lada, auteur de divers ouvrages de futurologie.

Méthodes et objectifs

Plusieurs méthodes sont employées concurremment pour tenter de saisir l'avenir.

La méthode Delphi, mise au point par la Rand Corporation et son directeur Olaf Helmer, consiste à soumettre des questionnaires écrits, sur un problème ou un ensemble de problèmes, à un certain nombre d'experts. On leur demande si tel ou tel développement — technique, social, de recherche fondamentale, etc. — leur apparaît probable, ou possible, souhaitable ou non souhaitable, vers quelle date tel progrès sera accompli. Les réponses, dépouillées par une centrale, dégagent des opinions majoritaires ou minoritaires. Elles sont communiquées aux experts, qui y apportent leurs commentaires. Finalement, une prévision d'ensemble peut être établie sur le problème étudié.

La méthode Delphi a servi, par exemple, en Grande-Bretagne, à établir un tableau prévisionnel très complet de ce que pourrait être l'état de la médecine vers 1990.

La méthode des scénarios, développée par le Hudson Institute d'Hermann Kahn, consiste, à partir de la description de divers avenirs possibles, à « jouer » les évolutions qui en découlent, ce qui permet de les découvrir.

La prévision explorative étudie les conséquences probables des développements en cours et des innovations récentes ou imminentes. Des courbes d'encerclement cernent les possibilités extrêmes d'un progrès technique, en tenant compte des limites fixées par la nature ou la société humaine.

L'astrophysicien suisse Fred Zwicky a inventé une méthode dite morphologique qui permet de découvrir par combinaison toutes les solutions possibles d'un problème posé.

L'avènement des ordinateurs et l'essor des mathématiques modernes ont apporté à la prévision de l'avenir des moyens nouveaux, en permettant d'étudier des interactions comprenant un très grand nombre de paramètres techniques ou sociaux : par exemple, l'incidence sur la circulation, dans les villes futures, du développement des différents moyens de communication et de la télé-informatique.