La National science foundation (NSF) avait décidé tout d'abord de consacrer 12,6 millions de dollars (69,3 millions de francs) au DSDP. Neuf croisières ont mené pendant dix-huit mois le Glomar Challenger (le navire construit spécialement pour ces forages d'un style inhabituel) dans les océans Atlantique et Pacifique. Mais la huitième croisière n'était pas achevée que, devant l'importance des résultats obtenus, la NSF décidait de prolonger le DSP de trois ans (dont trente mois de travaux en mer), en ajoutant 122,1 millions de francs au budget initial. Le Glomar Challenger pourra ainsi carotter sur de nouveaux sites les fonds de l'Atlantique et du Pacifique, et pour la première fois les fonds de l'océan Indien et de la Méditerranée. Les plans actuels ont fixé l'itinéraire suivant aux seize campagnes de la seconde partie du DSDP : Galveston (Texas)-Miami ; Miami-Norfolk-Hoboken (New York) ; Hoboken-Boston ; Boston-Lisbonne ; Lisbonne-San Juan de Porto Rico ; San Juan de Porto Rico-Balboa (zone du canal) ; Balboa-Honolulu ; Honolulu-Honolulu ; Honolulu-Kodiak (Alaska) ; Kodiak-Hakodate (Japon) ; Hakodate-Suva Fiji ; Suva-Darwin (Australie) ; Darwin-Colombo (Ceylan) ; Colombo-Dar es-Salam ; Dar es-Salam-Durban (Afrique du Sud) ; Durban-Galveston. Du 13 février au 5 avril 1970, sur l'itinéraire Galveston-Miami, la première campagne de la seconde partie du DSDP a donc été consacrée au golfe du Mexique. Il a paru utile, en effet, de revenir sur cette zone exceptionnellement intéressante. Chaque forage de la plaine abyssale du golfe a d'ailleurs rencontré des indices de gaz.

Les 900 m de carottes remontées présentent également un intérêt exceptionnel : les géologues y ont trouvé la série complète des sédiments silicatés et calcaires qui se sont accumulés pendant soixante-dix millions d'années (de – 100 millions à – 30 millions d'années). Les spécialistes pensent aussi être en mesure d'affirmer que, depuis cent ou cent trente-cinq millions d'années, le golfe du Mexique est resté identique à ce qu'il est maintenant.

Jusqu'à présent, les analyses des carottes prélevées dans les océans ont confirmé la théorie de l'expansion des fonds océaniques. Les sédiments les plus anciens étaient bien les plus éloignés des dorsales, les océans actuels sont relativement jeunes. L'Atlantique a commencé à s'ouvrir, séparant d'abord l'Amérique du Nord de l'Afrique, il y a à peine deux cents millions d'années. Le mouvement de séparation s'est ensuite déplacé vers le sud. Il y a cent quarante millions d'années, l'Amérique du Sud et l'Afrique ont commencé à s'éloigner l'une de l'autre. Enfin, il y a cent millions d'années, l'océan Atlantique a achevé de s'ouvrir par séparation de l'Europe et de l'Amérique du Nord. Les sédiments les plus anciens (140 millions d'années) ont été effectivement prélevés au large des Bermudes, donc loin de la dorsale médio-atlantique.

Noratlante et Nestlante

Les États-Unis fournissent évidemment, et de loin, le plus gros effort dans le domaine des recherches géophysiques en mer. Mais d'autres pays, la Grande-Bretagne notamment, s'intéressent à la dérive des continents. Et on peut mentionner deux séries de campagnes françaises axées sur les mêmes problèmes. Le grand navire océanographique français, le Jean-Charcot (Journal de l'année 1968-69), a emmené l'équipe du tout nouveau COB (Centre océanographique de Bretagne), créé à Brest par le CNEXO (Centre national pour l'exploitation des océans), dans l'Atlantique Nord. En août, septembre et octobre 1969, ce fut la campagne Noratlante, en janvier 1970 la campagne Nestlante.

Noratlante a été l'occasion de plusieurs innovations. Pour la première fois, le flexotir (procédé de sondage sismique mis au point par l'Institut français du pétrole, qui a l'avantage d'obtenir avec 50 g de dynamite des résultats analogues à ceux que l'on a normalement en faisant sauter plusieurs dizaines de kilos) a été utilisé à l'échelle d'un océan. Au rythme d'une explosion toutes les trente secondes, 11 000 km de profils sismiques ont été enregistrés. Les géophysiciens français ont ainsi suivi jusqu'à proximité de la côte canadienne la très longue faille qui, vers le 53e parallèle Nord, décale de 500 km vers l'ouest la dorsale atlantique. Enfouie sous d'épais sédiments, la prolongation occidentale de cette faille était jusqu'à présent insoupçonnée.