En janvier, ce fut au tour du golfe de Gascogne d'être étudié, lors de l'opération Nestlante. On y a trouvé des dômes de sel, analogues à ceux qui sont déjà connus sur les rivages américains de l'Atlantique, et les spécialistes embarqués sur le Jean-Charcot ont préparé la campagne du Glomar Challenger dans cette région en sélectionnant les sites de forage.

Depuis 1968, d'autres géophysiciens français, ceux de l'Institut de physique du globe de Paris, s'occupent des deux branches de la dorsale de l'océan Indien, en profitant de la relève annuelle du personnel des bases subantarctiques françaises (Crozet, Kerguelen, la Nouvelle-Amsterdam) et grâce à l'appui de l'administration du territoire des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises). Les allers et retours du Gallieni, cargo mixte qui assure les relèves entre la Réunion, Le Cap et les bases — avec quelques crochets pour étudier des zones particulièrement intéressantes — avaient déjà permis de réaliser, en deux campagnes, 42 000 km de profils bathymétriques et magnétiques. La troisième campagne, celle du début de 1970, a été plus longue et plus complète. Le Gallieni a été équipé lui aussi d'un flexotir ; des profils sismiques s'ajouteront donc aux levés bathymétriques et magnétiques réalisés sur 40 000 km.

Pendant les deux premières campagnes, les spécialistes de l'Institut de physique du globe de Paris ont déjà rassemblé des informations intéressantes : la branche ouest de la dorsale de l'océan Indien semble être active en certains points, alors qu'on la croyait entièrement inactive. Quant à la branche est, les failles de transformation qui en décalent les segments les uns par rapport aux autres seraient orientées nord-est-sud-ouest et non nord-sud.

L'océan Indien

Dans l'océan Indien, l'étude de la dérive des continents a depuis cette année des relents de pétrole. Les sociétés pétrolières ELF-ERAP et SNPA (Société nationale des pétroles d'Aquitaine) ont participé financièrement à la campagne de 1970. Entre les îles Kerguelen et l'île Heard s'étend un plateau sous-marin dont il est intéressant de préciser l'origine : croûte océanique ou fragment de continent oublié là lors de la dérive qui a éloigné les uns des autres l'Afrique du Sud et Madagascar, l'Inde, l'Australie, l'Amérique du Sud et l'Antarctique (encore groupés, ces morceaux auraient formé l'ancien continent de Gondwana). Seules les formations continentales, avec leur couverture sédimentaire, sont susceptibles de renfermer du pétrole.

Enfin, en décembre 1969, la découverte, dans l'Antarctique, d'un crâne fossile de l'ère secondaire a apporté, s'il en était besoin, un argument supplémentaire aux partisans de la dérive des continents. Ce fragment fossile appartenait à un lystrosaurus, reptile vivant au trias, soit il y a 200 ou 230 millions d'années ; or, des restes de lystrosaurus avaient été déjà trouvés en Afrique du Sud. Rappelons que, deux ans auparavant, avait été mis au jour, à environ 150 km du lieu où l'on a découvert ce crâne, un fragment de la mâchoire d'un amphibien d'eau douce, le labyrinthodonte, datant lui aussi du trias et déjà connu dans les faunes fossiles d'Afrique du Sud et d'Australie. Les similitudes des flores et des faunes fossiles maintenant éloignées par des milliers de kilomètres, et situées dans des régions actuellement aussi différentes, peuvent difficilement s'expliquer sans avoir recours à la dérive des continents.

Opération « Bomex »

Première campagne de recherche en vraie grandeur sur les interactions entre l'océan et l'atmosphère, l'opération Bomex (Barbados oceanographic and meteorological experiment) a exploré, du 3 mai au 28 juillet 1969, une aire de 500 000 km2, juste à l'est des petites Antilles.

On a pu réaliser des mesures sur une zone de 5 400 m sous la surface de l'océan jusqu'à 300 000 m d'altitude au-dessus du niveau de la mer. Dix navires, 24 avions, une douzaine de bouées, une bouée-laboratoire, des satellites et plus de 1 500 personnes ont participé à l'opération.