Ces théories, ajoutées aux découvertes récentes, suggèrent que l'évolution humaine a pu se dérouler sur place : il n'y aurait pas un berceau, un centre de diffusion originel à partir duquel les formes nouvelles auraient gagné le monde, mais une évolution « polycentriste » l'homme moderne aurait émergé, à partir du stock néandertalien, dans plusieurs régions et très lentement.

Évolution sur place

Tel est l'avis de la majorité des spécialistes qui ont participé à un colloque international réuni à Paris en septembre 1969. Certains d'entre eux vont jusqu'à penser que même les Néandertaliens d'Europe ne sont pas forcément à exclure de notre ascendance.

Pour d'autres, les hommes modernes sont apparus d'abord dans un seul centre, à l'intérieur d'une seule grande région, qu'ils situent entre le Proche-Orient et la Russie méridionale. Quelques-uns soutiennent des vues plus hardies. Ainsi, Leakey, passant outre pithécanthropes et Néandertaliens, rattache directement l'homme moderne aux petits hominiens graciles qui vivaient en Afrique orientale au quaternaire ancien. Leakey est seul à soutenir ce point de vue. Il reste que des variétés humaines différentes ont dû coexister à l'intérieur des mêmes grandes régions pendant des dizaines de milliers d'années.

Le point de vue polycentriste est confirmé par l'archéologie : l'étude des industries de la pierre semble montrer, elle aussi et dans bien des cas, une évolution sur place. Le passage des industries moustériennes à celles du paléolithique supérieur est un problème difficile, dont seuls des progrès récents dans l'analyse des industries ont permis d'entrevoir la ou les solutions.

On a longtemps fait venir d'ailleurs, d'Europe centrale ou même d'Orient, toutes les industries découvertes, par exemple, dans le paléolithique supérieur français. Des études plus fines ont montré par la suite que la plupart de ces industries évoluées ont une origine locale : elles dérivent très probablement de certaines industries antérieures, moustériennes ou apparentées, qui les ont précédées aux mêmes endroits. C'est là une nouvelle tendance de l'archéologie, et qui ne se limite pas à l'archéologie préhistorique : rechercher sur place, à l'intérieur de chaque culture, les raisons profondes et les traces des grandes évolutions. Si les pierres taillées ont évolué localement dans un grand nombre de cas, les hommes ont pu évoluer de la même façon. Nous savons désormais qu'ils en ont eu le temps.

Les techniques

Énergie

À Toulouse, le microscope électronique le plus puissant du monde

Le nouveau microscope électronique géant de Toulouse, mis progressivement sous tension dans le courant de 1969, a atteint à la fin de l'année les 2 millions de volts et, dans les premiers mois de 1970, il a été poussé jusqu'à la tension maximale pour laquelle il a été construit : 3,5 millions de volts.

Le Laboratoire d'optique électronique du CNRS, créé et dirigé à Toulouse par le professeur Gaston Dupouy, conserve donc (pour longtemps semble-t-il) le record qu'il s'était déjà attribué il y a quelques années en construisant le premier microscope électronique de 1,5 million de volts. Jusqu'alors, la tension des microscopes électroniques fabriqués par l'industrie ne dépassait pratiquement jamais 100 000 volts.

Bactéries vivantes

Le premier microscope de Toulouse a été utilisé tant pour l'étude de la matière inorganique (cristaux et alliages) que pour celle des virus et des bactéries. En plaçant les bactéries dans une micro-chambre étanche au vide, on a réussi à les photographier vivantes, ce qui était jusqu'alors impossible dans ce genre d'appareil, où l'on doit faire le vide. Les résultats obtenus à Toulouse ont retenti à l'étranger ; au Japon, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, plusieurs firmes se sont lancées dans la construction d'instruments analogues. En France même, la GESPA, filiale de la Compagnie générale d'électricité, livrera l'an prochain des microscopes de 1,2 million de volts.

Les avantages de la haute tension sont apparus multiples. Tout d'abord, le pouvoir de pénétration des électrons dans la matière est considérablement accru. Il leur est ainsi possible de traverser des échantillons métalliques d'une épaisseur 25 fois plus grande que ne le permettaient les tensions usuelles, et d'en donner une bonne image (il est important de pouvoir examiner des échantillons épais, car ils ont les propriétés mêmes du métal ou de l'alliage à l'état massif). De plus, le pouvoir de résolution et le grossissement utile sont plus élevés. Autre avantage de la haute tension, et l'un des principaux : quand on augmente la tension accélératrice, on assiste à une diminution spectaculaire de l'aberration chromatique, c'est-à-dire de l'altération de la netteté de l'image qui résulte du fait que certains électrons perdent de l'énergie en traversant l'objet étudié. Enfin, l'objet est moins détérioré par des électrons accélérés.