Les événements de mai ont contribué à décevoir les espoirs de la profession sur le plan de la production. Ils ont aussi aggravé son inquiétude devant l'évolution des échanges extérieurs. L'arrêt de production a freiné le taux de progression des exportations et accéléré celui des importations. Résultats : avec 5,28 milliards de francs, les exportations sont en augmentation de 7,6 % sur 1967, tandis que les importations (4,78 milliards) le sont de 11,7 %.

Cette croissance des importations s'est réalisée principalement au bénéfice des pays de la CEE (en particulier les Pays-Bas, la Belgique et l'Allemagne) et dans le secteur des produits finis ; on voit ainsi les importations de bonneterie et autres articles finis grossir de 31 %. Le solde des échanges de produits finis entre la France et les pays de la CEE est d'ailleurs devenu négatif, pour la première fois.

Un groupe puissant

L'industrie textile française poursuit cependant son mouvement de restructuration, qui devrait aboutir à la constitution d'un outil plus solide adapté à un grand marché moderne où la compétition est sévère. Parmi les principales opérations, on a remarqué l'accord de concentration Dolfuss-Mieg-Leclercq-Dupré, l'absorption de Crylor par la Compagnie industrielle des textiles artificiels et synthétiques, et surtout la constitution d'un groupe puissant Agache-Willot.

Celui-ci, avec Albert Masurel et Cie, a formé le Consortium général textile, auquel se sont joints la Société Vandendriesche et Fils, puis les Ets Lefebvre et Bastin. En février 1969, Agache-Willot prend en outre le contrôle de la Belle Jardinière, puis de Saint Frères.

De la filature à la distribution, sous la pression des événements et avec l'impulsion de quelques leaders, on voit s'organiser le textile. Une mutation s'opère dans cette industrie.

Transports

La réforme de la SNCF doit amorcer une nouvelle coordination

Les préoccupations des responsables se sont portées pour l'essentiel, au cours des derniers mois, sur la réforme de la SNCF. Des projets ont été établis par les pouvoirs publics et discutés avec les syndicats professionnels.

La SNCF reste encore, et d'assez loin, le premier transporteur français. L'importance de son réseau et de ses effectifs, son ancienneté, le fait qu'elle soit une société nationale expliquent le rôle de pivot et de modèle qu'elle a joué dans l'organisation des transports intérieurs français. Deux faits nouveaux sont toutefois venus modifier cette situation privilégiée.

Tout d'abord, la part du chemin de fer dans l'ensemble des transports n'a cessé de décroître. Pour les marchandises, elle est passée, entre 1956 et 1967, de 63 % à 41 % du trafic total. Il en est de même pour les voyageurs. Le train a été de plus en plus sévèrement concurrencé par l'avion et l'automobile pour les voyageurs, par les routiers et les oléoducs pour les marchandises. La SNCF avait, au lendemain de la guerre, une situation de monopole. Elle l'a perdue aujourd'hui.

Parallèlement, les charges que la SNCF fait peser sur les finances publiques n'ont cessé d'augmenter. L'État, on le sait, rembourse aux chemins de fer les augmentations de tarifs qu'il lui refuse de faire ; il couvre, d'autre part, leur déficit d'exploitation proprement dite. De 1 862 millions de francs en 1961, ces charges sont passées à 5 673 millions en 1969. Les choses restant en l'état, c'est 10 milliards de francs que la SNCF coûterait au budget en 1972.

Cette situation est malsaine et intolérable. D'où le projet de réforme préparé de longue date, mis au point notamment, il y a deux ans, par un groupe d'experts (le rapport Nora), adopté en février 1969 en Conseil des ministres.

Ce projet comporte trois volets essentiels et serait réalisé en deux étapes : de 1969 à 1972, et au-delà de 1972. Il permettrait d'obtenir d'ici trois à quatre ans un équilibre des comptes.

Une entreprise privée

Il s'agit d'abord de réduire les charges qui pèsent sur la SNCF, et cela de deux façons. Les lignes déficitaires seraient fermées. D'ici à 1974, sur 12 000 km, les trains omnibus de voyageurs seraient remplacés par des autocars. Les effectifs seraient diminués. La SNCF emploie actuellement 320 000 cheminots ; ils ne seraient plus que 280 000 environ vers 1972.