Les affaires réalisées fin 1968 et début 1969 n'ont pas effacé les conséquences des profonds bouleversements dans les structures commerciales. Aussi les premiers mois de l'année 1969 furent-ils marqués par la contestation chez les petits commerçants : grèves des 5 mars et 16 avril.

La généralisation de la TVA difficilement acceptée en raison de sa complexité, le changement en hausse des taux de ladite TVA le 1er décembre, l'augmentation des patentes et des forfaits, celle, exceptionnelle, des salaires en 1968 et, enfin, l'obligation de cotiser aux régimes d'assurance vieillesse et d'assurance maladie des travailleurs indépendants ont ajouté des causes conjoncturelles à la raison fondamentale de ce mécontentement : la concurrence des formes modernes de commerce que représentent notamment les supermarchés.

Cela commence en province par des manifestations traditionnelles : défilés de commerçants et d'artisans qui vont porter une motion revendicative au préfet ou au sous-préfet de la ville. Puis, dans certaines régions (Toulouse, Besançon, Grenoble), des groupements naissent spontanément, formés de commerçants et d'artisans hostiles à l'assurance maladie obligatoire.

Un néo-poujadisme

À Grenoble, le Comité d'information et de défense des commerçants, artisans et membres de professions libérales, fondé par Maurice Mesny, artisan rubanier, est particulièrement actif, puisqu'on peut parler à son sujet de néo-poujadisme. En avril 1969, la perception de La Tour-du-Pin (Isère) est mise à sac par des militants.

Inquiet de cette agitation, le gouvernement avait décidé en mars des mesures d'apaisement prise en charge par l'État des cotisations d'assurance maladie des commerçants économiquement faibles (ils sont 160 000), simplification et allégement des formalités administratives, suppression complète de la taxe complémentaire en 1972. Cela ne suffit pas à enrayer le mouvement.

Dernier signe des temps nouveaux du commerce : le quartier le plus pittoresque de Paris, celui des Halles, a perdu sa couleur et sa vie nocturne. Les pavillons que Victor Baltard édifia au siècle dernier sont maintenant déserts et tout un périmètre naguère livré aux embouteillages attend dans le calme d'être livré à la pioche des démolisseurs et à l'imagination des urbanistes. Les Halles, ce ventre de Paris chaud et grouillant, sont allées, le 3 mars 1969, s'installer à Rungis, dans un univers fonctionnel, linéaire, moderne, mieux adapté aux besoins de 8 millions d'appétits qu'il faut satisfaire chaque jour.

Les nouvelles Halles

Situé à 7 km au sud de Paris, le marché d'intérêt national de Rungis couvre 200 ha et est à la fois un centre de services commerciaux, un carrefour routier et ferroviaire, un point d'éclatement de la marchandise et un immense standard téléphonique.

On y trouve : 13 pavillons pour les fruits et légumes (plus 7 entrepôts et un carreau réservé aux petits producteurs) ; 10 pavillons pour les beurres, œufs et fromages (plus un entrepôt) ; un pavillon pour la marée ; un pavillon pour les fleurs et un carreau pour les plantes en pots ; un pavillon pour le quai banalisé destiné à une Bourse de ventes par lots importants ; 12 000 places de stationnement ; 22 snack-bars, une gare routière ; un centre routier (pour le contrôle technique des véhicules et l'hébergement des camionneurs) ; un secteur d'entrepôts et d'industries alimentaires (110 ha) ; un parc de loisirs et d'attractions ; un centre commercial régional.

L'ensemble a coûté plus de 600 millions de francs et les querelles ne sont pas apaisées sur l'utilité de ce marché unique à la taille d'une capitale : certains auraient préféré la création de plusieurs zones d'entrepôts à la périphérie, permettant le maintien dans Paris même d'un véritable marché ; d'autres pensent que les transactions hors marché se développeront en France autant qu'aux États-Unis, où elles représentent la moitié des échanges de produits alimentaires, contre seulement le quart en France.

L'évolution de la distribution dans le secteur alimentaire est suffisamment imprévisible pour que l'on suive avec intérêt l'usage que grossistes et détaillants feront de cet outil nouveau.

Tourisme

Une richesse encore mal exploitée

Désaffection ? 10,8 millions d'étrangers ont séjourné en France au cours de 1968 : 10 % de moins qu'en 1967. En fait, les événements de mai et juin ont faussé, là aussi, les résultats.