Le mouvement se fait dans le sens d'une « présence au monde » de l'Église, pour reprendre ce terme à la mode.

À Uppsala, on s'est beaucoup préoccupé des moyens et des possibilités qui s'offrent aux chrétiens de participer au développement de la civilisation actuelle ; on a étudié également, sans beaucoup insister sur la critique nécessaire de son orientation, ce qu'elle peut apporter aux populations déshéritées du tiers monde en particulier, mais au même titre aux aliénés de notre civilisation de consommation.

C'est bien le rôle de l'Église de se tourner vers les pauvres. C'est aussi son angoisse de se sentir parfois à l'écart et comme rejetée par l'évolution présente. D'où cette préoccupation d'être engagée dans les combats du siècle et de traduire sa foi en actes qui peuvent avoir une teinte politique.

C'est cette teinte politique qui fait problème dans la réflexion protestante du temps. Au fond, la doctrine luthérienne des « deux règnes », fondée sur la parole ambiguë de Jésus, « rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu », oscille toujours entre une interprétation large et une autre restrictive. L'engagement n'est pas sans réticence.

Les courants du siècle

Un des aspects majeurs de l'œcuménisme en France est le dialogue entre catholiques et protestants, sans oublier les orthodoxes.

La semaine de prière pour l'unité (fin janvier) est quasiment institutionnalisée et les représentants des trois confessions y mêlent fraternellement leurs voix devant un peuple attentif.

Tout aussi significative est l'orientation donnée à l'institut catholique de Paris, qui a créé un institut d'études œcuméniques, où, à côté de personnalités catholiques et orthodoxes, les professeurs protestants Jean Bosc, André Dumas, Roger Mehl donnent des cours.

C'est aussi le développement de la pastorale des mariages mixtes, en particulier entre catholiques et protestants, qui deviennent d'usage courant. La recherche d'une vie spirituelle surmontant les divisions confessionnelles est sans doute une des voies d'accès à un œcuménisme de fait qui permet une meilleure compréhension des confessions respectives.

Les orthodoxes

À la différence de New Delhi, en 1961, la IVe Assemblée mondiale du Conseil œcuménique des Églises (Uppsala, 4-19 juillet 1968) a vu la participation massive de la presque totalité des Églises, malgré la décision de Mgr Hiéronymos.

Au sein du COE

En raison du système proportionnel, les orthodoxes restent très minoritaires numériquement au sein du COE (ils avaient 140 votants, soit 20 %, autant que les réformés et les presbytériens réunis, alors que les luthériens représentaient 19 % et les anglicans 11 %). Cependant, ils peuvent estimer désormais que, dans cet organisme, ils jouent le rôle qui leur revient.

Les principales interventions orthodoxes furent celles du métropolite Ignace Hazim, de Lattaquié (Syrie), sur le thème général qui devait guider l'assemblée : « Voyez, je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse, xxi, 5), de Nicodème, métropolite de Leningrad, au cours de deux conférences en marge de l'assemblée, et du Pr Jean Meyendorff, du séminaire orthodoxe de Saint-Vladimir, près de New York.

Le second a prôné une évolution plutôt qu'une révolution dans l'Église, une continuation de l'action œcuménique du COE, mais lui a reproché de ne pas être assez ferme lors des violations de la paix internationale ; il a dû convenir qu'au plan idéologique aucun dialogue n'est possible entre chrétiens et marxistes.

Les autres orateurs ont tenté de spiritualiser les débats en montrant que le chemin vers les choses nouvelles va dans le sens d'un approfondissement. C'est d'ailleurs ce que les orthodoxes, tout en en reconnaissant les côtés positifs, reprochèrent par la suite à l'assemblée d'Uppsala : « une hypertrophie presque monstrueuse de l'horizontalité par rapport à la dimension verticale », une recherche de l'unité en surface, non en profondeur.

Le nouveau comité central élu à Uppsala compte 23 orthodoxes sur 120 membres, et l'un des six nouveaux présidents sera Mgr German, patriarche de Serbie. Le métropolite Méliton, collaborateur du patriarche Athénagoras, est deuxième vice-président de la commission exécutive.

Le Syndesmos

À Rättvik (Suède) s'est tenue du 20 au 27 juillet 1968 la VIIIe Assemblée générale triannuelle du Syndesmos (Fédération mondiale des mouvements de jeunesse orthodoxe). 80 délégués représentaient 34 mouvements d'Europe (occidentale et orientale), des Amériques, du Proche-Orient et d'Afrique, en présence du métropolite Antoine Bloom et des archimandrites Lev Gillet et Georges Khodr. Le thème était « le Christ dans un monde en changement ».