Mais, signe des temps, un public hilare a fait à la mise en scène vieillie et inacceptable aujourd'hui du chef-d'œuvre de Verdi un accueil des plus symptomatiques. Cet emboîtage en règle indique assez clairement que les conceptions artistiques de l'Opéra de Paris doivent s'adapter aux exigences du public de notre époque.

Au Théâtre des arts de Rouen, en mars, on présentait un ouvrage nouveau, la Symphonie pastorale, opéra du compositeur néerlandais Guillaume Landré, d'après le récit d'André Gide, sur un livret de Claude Rostand. Cette œuvre, dont la partition musicale se situe à mi-chemin du style de conversation et de l'effusion lyrique, est rédigée dans un langage que l'on peut placer dans la descendance d'Alban Berg.

Une vie singulière

La capitale présentait, en avril, la reprise d'une autre œuvre moderne, la Médée, de Darius Milhaud, qui, créée à l'Opéra de Paris en mai 1940, n'avait alors connu que trois représentations, pour disparaître ensuite totalement du répertoire. Vingt-huit ans après, cette reprise vient nous confirmer que c'est là du meilleur Milhaud : forte, juteuse, concentrée, cette partition a bien vieilli, c'est-à-dire est restée jeune.

D'une invention baignée de senteurs et de couleurs violentes, cette Médée conserve une vie singulière. Le décor d'André Masson, refait d'après les maquettes de la création, garde ses cruelles et inquiétantes séductions. En revanche, les costumes datent quelque peu. La nouvelle mise en scène de Paul Emile Deiber est indécise et sans style véritable. Quant à la distribution, elle assure le succès des interprètes féminines (Christiane Eda-Pierre, Hélia T'Hézan et Denise Scharley) contre une équipe masculine assez faible (Albert Lance et Julien Haas).

Fin avril encore, on pouvait assister à l'Opéra de Lyon à la création en France de la Sainte de Bleecker Street, du compositeur italo-américain Gian Carlo Menotti, drame vériste qui se déroule dans les milieux d'émigrés italiens à New York, en une étrange ambiance de fanatisme religieux, de stigmatisation, et au bord de l'inceste. Cette partition, écrite dans le langage habituel à son auteur, ne se complaît pas dans la facilité du Medium ou du Consul : le style est plus serré, l'invention musicale plus riche, le goût plus choisi.

La partition insolite

Une fois faite la part de cette esthétique populiste, c'est, de loin, ce que Menotti nous a offert de meilleur. Le spectacle lyonnais est remarquablement mis en scène par Gian Carlo Menotti lui-même, dans des décors et costumes de Bernard Daydé créant une ambiance poétique et dramatique digne des meilleures visions cinématographiques du réalisme italien.

En mai doit encore être signalée, pour l'Opéra-Comique de Paris, l'entrée au répertoire d'une partition originale et insolite de Kurt Weill créée il y a trente-cinq ans au théâtre des Champs-Élysées. Les Sept Péchés capitaux, d'après un texte de Bertolt Brecht. Il s'agit d'une œuvre à la fois lyrique et chorégraphique, forme moderne de l'opéra-ballet, le ballet à chansons.

L'ouvrage est un des plus puissants, des plus amers, et des plus profondément poétiques de l'auteur de Mahagonny et de l'Opéra de quat'sous. L'ambiance créée par la mise en scène et la chorégraphie de Milko Sparemblek est excellente et juste.

Malheureusement, la traduction française fait perdre beaucoup d'accent à cette musique, et la cantatrice chargée du rôle principal (Francine Arrauzeau) ne possède pas la saveur de voix faubourienne et un peu rauque nécessitée par un tel style.

Sommet des festivals : le panorama Stockhausen

Les festivals français, dans l'ensemble, ont conservé leur physionomie habituelle. Aucun d'eux ne s'est livré à des innovations particulières.

Interprétations idéales

Le festival d'Aix-en-Provence retrouve, en juillet, ses grands soirs mozartiens. Sur le plan purement scénique, rien de particulier à signaler cette année. Par contre, au point de vue vocal, il convient de noter quelques interprétations réellement extraordinaires : la Donna Anna de Gundula Janowitz dans Don Giovanni, la Fiordiligi et la Dorabella des deux idéales cantatrices britanniques Elisabeth Harwood et Joséphine Veasey dans Cosi fan tutte.